Le pas-très-beau risque de Québec Solidaire

mulcairL’ingratitude. C’est le mot qui vient à l’esprit. L’ingratitude du NPD envers ceux qui ont contribué à son succès électoral, au Québec, le 2 mai 2011.

L’ingrat, c’est Thomas Mulcair. Il a annoncé ce vendredi qu’à la prochaine élection québécoise, vers 2016, il y aura, dans chacune des 125 circonscriptions, un candidat d’un nouveau NPD-Québec. Et ils feront concurrence aux 125 candidats de Québec Solidaire.

Oui, l’ingratitude. Car en avril 2011, Amir Khadir avait appelé les électeurs québécois de gauche, y compris souverainistes, à soutenir le candidat le plus progressiste, parfois du Bloc, parfois du NPD. Amir avait lui-même donné l’exemple en votant pour le candidat NPD dans son comté.

Ayant ainsi participé à la vague orange, Québec solidaire est désormais la victime de l’organisation NPD qu’il a contribué à créer. Comme si Frankenstein-Mulcair se tournait contre son créateur.

Gilles Duceppe y était allé un peu fort en accusant Amir d’avoir fait le jeu des fédéralistes en montrant sa préférence pour des candidats NPD. C’est qu’Amir ne pouvait pas prévoir que les néo-démocrates fédéralistes, comme leur chef Mulcair, allaient ensuite mordre la main qui les avait nourri en venant chasser sur les terres québécoises, opposant un candidat de gauche fédéraliste aux candidats de gauche souverainistes de QS.

Le difficile calcul du risque

J’aime beaucoup François Saillant, qui dirige avec efficacité depuis des lustres le FRAPRU, qui a tant fait pour le logement social, et que je croise désormais dans les rues de Rosemont car il y est le candidat de QS. Récemment dans un Gazouilli, il a écrit:

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Intéressant…

C’est clair. Pour François, la victoire du PQ est tellement certaine dans Rosemont (merci pour ce vote de confiance) que les électeurs de gauche peuvent voter « sans crainte » pour QS, puisque cela ne fera pas élire les libéraux.

Pourrions-nous obtenir le même Gazouillis de la part des candidats QS qui se présentent dans des circonscriptions où la lutte est très serrée ?

Mais cet appel au « vote sans risque » renvoie au calcul qu’a fait Amir au printemps 2011.

L’erreur de calcul électoral d’Amir

J’avais interviewé Amir, pour ce blogue, quelques jours avant l’élection fédérale du 2 mai. (Voir: L’embarras (du choix) d’Amir Khadir). Il m’avait affirmé ce qui suit:

“On n’a pas besoin de 50 sièges pour avoir un Bloc fort”, dit encore Amir Khadir. Une trentaine suffisent. Mais si c’était moins de 10, comme le prévoient certaines projections ? Il refuse d’y croire. Il prévoit environ 40 sièges au Bloc et un maximum de 10 au NPD. Suite lundi soir.

Le lundi soir suivant, le Bloc n’avait que 4 sièges, le NPD, 58. Il était donc faux de prétendre qu’on pouvait voter NPD « sans crainte » de décimer le Bloc. Et si Amir, Françoise, François et les autres convainquent suffisamment d’électeurs progressistes qu’il est « sans crainte » de déserter le PQ, il est certes peu probable que l’on connaisse l’hécatombe du 2 mai 2011, mais qui peut prévoir s’il ne manquera pas au PQ un ou deux sièges pour dépasser le nombre de libéraux ou de caquistes ?

Françoise répond depuis quelque temps qu’elle sera disposée à collaborer avec le PQ dans ce cas de figure. Mais s’il manque au PQ un ou deux députés pour former un gouvernement, le lieutenant-gouverneur n’appellera pas Françoise pour lui demander son avis. Il appellera le chef du Parti qui a un député de plus.

On sait maintenant, car c’est le chef du NPD qui nous le dit, que la bévue stratégique de Québec solidaire de l’an dernier va conduire à la création d’un nouveau parti fédéraliste de gauche sur la scène québécoise, qui viendra nuire au vote de Québec solidaire et du Parti québécois.

Il ne faudrait pas qu’une nouvelle bévue stratégique porte au pouvoir, ne serait-ce que d’un siège, le 4 septembre, un des partis fédéralistes québécois.

C’est désolant, mais c’est comme ça.

Ce contenu a été publié dans campagne 2012, Le NPD et le Québec, Québec Solidaire par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !