Le pétrodollar canadien : « up, up and away… »

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C’est le niveau atteint ce mercredi par le dollar canadien, face à la devise américaine. La parité pourrait être atteinte à tout moment, y compris aujourd’hui jeudi.

Les habitués de ce blogue savent que nous avons abordé depuis janvier l’impact de la transformation du Canada en superpuissance pétrolière sur la destruction de l’emploi manufacturier au Québec. (Voir la série Sables mouvants.) Le phénomène est appelé « mal hollandais » et fonctionne comme suit : plus la production d’hydrocarbures devient une part importante de l’industrie nationale et des exportations du pays, plus le pétrole et le gaz poussent à la hausse la valeur de la devise.

Une devise élevée augmente le prix des autres produits et services exportés, les rendant moins compétitifs à l’étranger, d’où des pertes d’emplois pour les secteurs non-pétroliers. De plus, l’industrie pétrolière embauche avec des salaires élevés ses salariés, ce qui pousse à la hausse les salaires des autres industries, rendant également leurs produits plus coûteux, donc moins compétitifs, d’où davantage de pertes d’emplois. J’ai cité une étude de trois économistes affirmant que « jusqu’à 54% des emplois manufacturiers perdus au Canada entre 2002 et 2007 l’ont été à cause du mal hollandais ».  Appliqué au Québec, ce ratio donne 55 000 emplois perdus.

Une question à plus d’un dollar

Depuis un an, le prix du baril de pétrole a crû 82 %, nos exportations d’hydrocarbures ont crû de près de 10 % et la valeur de notre dollar a crû de 26 %. Ce ne sont pas les seules variables, mais la corrélation pétrole/devise saute aux yeux. Quel impact peut avoir cette nouvelle montée du dollar sur l’économie manufacturière ? Une bonne question, sachant qu’un rapport tout frais nous annonce que d’ici 10 ans, les exportations  canadiennes de pétrole vont augmenter de 84 % — essentiellement en provenance des sables albertains.

Dans sa mise au point économique de l’automne dernier, le gouvernement ontarien a  calculé qu’une variation de  5 cents du dollar a un impact de 0,5 à 1,2 % sur  sa richesse nationale après 24 mois. Cet impact est plus important qu’une variation de 10$ du prix du pétrole en soi, d’un changement d’un point du PIB américain ou d’un point des taux d’intérêts. (Voir Tableau 3, ici)

Le dollar canadien ayant pris 20 cents en un an, on peut estimer que, si ce gain se maintient sur 24 mois, l’économie ontarienne perdra entre 2 % et 4,8 % de son PIB, soit une contraction pouvant atteindre 29 milliards.

Malheureusement je n’ai pas trouvé de calcul semblable dans les documents budgétaires québécois de l’an dernier. Alors: mémo au sous-ministre des Finances: merci de l’inclure dans le prochain budget.

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Note: ce billet a été modifié pour retirer une erreur signalée par l’alertinternaute Learry.

Ce contenu a été publié dans Canada, Économie, Sables mouvants par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !