Le référendum soudanais serait illégal au Canada

200px-Omar_al-Bashir_12th_AU_Summit_090202-N-0506A-137-150x150Le président soudanais, Omar El-Béchir, est un criminel de guerre, recherché par la Cour pénale internationale. Pourtant, sur au moins un plan, il a démontré être un plus grand démocrate que Stéphane Dion, Stephen Harper et tous les parlementaires canadiens qui ont voté pour la loi C-20 sur le référendum québécois.

Incroyable ? C’est pourtant évident. Les Sud-Soudanais ont commencé, ce dimanche, à voter pour la sécession de leur partie du Soudan. Conformément à l’accord de paix signé par le Soudan en 2005, la loi référendaire soudanaise permettant la tenue de ce référendum est remarquablement plus respectueuse des droits des Sud-soudanais que ne l’est la loi fédérale C-20 pour les Québécois.

Pire, dans deux de ses articles essentiels, la loi soudanaise serait considérée  nulle et non avenue au Canada par la loi C-20. Voici comment:

1) La question référendaire

La loi C-20 est formelle en son article 1, paragraphe 4. Le Parlement canadien refusera de reconnaître une décision référendaire québécoise — quelle que soit la majorité — si la question référendaire devait offrir « en plus de la sécession de la province, d’autres possibilités ».

Or le Referendum act soudanais prévoit spécifiquement deux options pour la question référendaire: la sécession ou le maintien dans le Soudan.

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2. Le respect du résultat

C’est l’aspect le plus répugnant de la loi canadienne: le refus du respect d’un verdict démocratique à 50% +1.

Selon l’article 2 de la loi C-20, s’il fallait que le Québec vote majoritairement Oui à une question jugée claire par le parlement fédéral, les parlementaires canadiens auraient l’obligation de se poser beaucoup de questions avant de décider si le résultat est probant. Ils consulteraient;

« tous les partis politiques représentés à l’assemblée législative de la province dont le gouvernement a proposé la tenue du référendum sur la sécession, des résolutions ou déclarations officielles des gouvernements ou assemblées législatives des provinces et territoires du Canada, des résolutions ou déclarations officielles du Sénat et de tout autre avis qu’elle estime pertinent ».

Après avoir entendu tous ces avis, la Chambre des Communes, composée d’une forte majorité de membres opposés à la souveraineté du Québec, aurait le droit de refuser de reconnaître la décision majoritaire. (Notons que tout parlementaire canadien anglais qui voterait pour la sécession du Québec hypothéquerait irrémédiablement son avenir politique dans sa circonscription.)

Si cet écueil était franchi, ce qui est quasi-inconcevable, il faudrait encore que les neuf parlements des neuf autres provinces acceptent le départ du Québec. Un seul refus suffirait à interdire la sécession.

Voyons maintenant ce qu’applique le criminel de guerre El-Béchir dans le cas sud-soudanais. Dans son Referendum Act, il indique que si les Sud-Soudanais approuvent la sécession à 50% + 1, cette décision

« supplantera toute autre législation et sera exécutoire face à toutes les institutions de l’État aussi bien qu’envers tous les citoyens du Soudan du Sud et du Nord ».

Voyez le texte officiel:

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Comment expliquer la générosité démocratique du criminel de guerre El-Béchir ? Facile. Il est en phase avec la pratique internationale courante en ce qui concerne les référendums sur l’indépendance.

La pratique de l’ONU en Érythrée, au Timor-Oriental ou, éventuellement, au Sahara Occidental, prévoit également la possibilité de plus d’une option dans la question, puis l’application stricte et immédiate du résultat référendaire à 50% +1.

C’est le Canada qui est déviant dans cette affaire, pas le Soudan.

Il sera intéressant de voir si le gouvernement canadien, dont le premier ministre a voté la loi C-20, reconnaîtra la décision démocratique des Sud-soudanais. Et indiquera ainsi que les Sud-soudanais ont davantage de droits, à ses yeux, que les Québécois.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !