L’épine dorsale de François Legault

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Ce lundi, François Legault a prouvé une chose essentielle. Il n’a pas « choké ». La question se posait depuis que l’ex-ministre avait laissé sur le carreau des dizaines de militants dévoués qui l’avaient appuyé lors de ses deux tentatives de course à la direction du PQ, deux tentatives mort-nées.

Allait-il se rendre au bout de son nouveau projet politique ? Il a donné sa réponse avec le lancement de son nouveau parti. Cette fois, c’est sérieux.

Mais celui qui pourfend aujourd’hui l’immobilisme est-il vraiment prêt au combat, ou va-t-il courber l’échine devant la première difficulté ? Trois cas nous obligent à poser cette question : les enseignants, les médecins et les tarifs d’Hydro.

1) Face aux enseignants, déjà un recul

De toutes les propositions faites depuis sa création par la Coalition, la plus controversée a touché le traitement réservé aux enseignants. Si on prend la peine de lire le Plan d’action publié ce lundi, et de le comparer au document publié en avril dernier, on note un avant et un après.

Avant :

Un système d’évaluation des enseignants devrait être mis en place afin de mesurer leurs compétences et leur motivation. […] L’évaluation du personnel enseignant serait effectuée sur une base biannuelle par la direction d’école et porterait sur plusieurs dimensions, dont le taux de réussite des élèves (en tenant évidemment compte du milieu socio-économique et du potentiel de ces derniers). La satisfaction des parents serait prise en considération pour l’évaluation.

Un enseignant n’atteignant pas le niveau de performance souhaité pourrait initialement suivre des stages de perfectionnement, recevoir du mentorat d’un pair ou être jumelé à un enseignant plus performant. Si, en dépit de ces mesures, la performance laissait toujours à désirer, l’enseignant perdrait son poste. […] Nous préconisons notamment la mise en place de contrats de trois à cinq ans. Un tel pacte avec les enseignants nécessiterait de nouvelles conventions collectives et une redéfinition de la sécurité d’emploi.

Après :

Le droit à une éducation de qualité exige d’évaluer le travail des enseignants. L’objectif de cette mesure n’est pas de lier le salaire à un quelconque indice de performance, de congédier des enseignants ou de menacer leur sécurité d’emploi.

Il s’agit plutôt de soutenir ceux qui seraient en difficulté, puis d’identifier et de partager les meilleures pratiques afin de s’assurer que tous les élèves reçoivent le meilleur enseignement possible. Cette mesure serait appliquée de manière souple et graduelle. Une formation adéquate des directions d’école devra d’abord être assurée. Des mécanismes spécifiques pourraient être mis en place pour éviter toute forme d’arbitraire dans les cas exceptionnels de congédiement.

Bref, avant, il faut lier l’évaluation des enseignants au taux de réussite, après, il n’est plus question de la lier à la performance. Avant, l’enseignant peut perdre son poste, après, ce cas est exceptionnel. Avant, il faut redéfinir la sécurité d’emploi, après, on ne doit plus la menacer.

Comment expliquer cette volte-face ? François Legault en a donné la clé, lors de son passage à l’émission Le Verdict, ce printemps. Il a noté que ses propositions controversées en matière d’éducation avaient fait chuter l’intention de vote pour sa coalition d’une dizaine de points.

2) Surtout, ne pas froisser les médecins

L’ex-ministre péquiste de la santé Legault avait eu le cran de prendre les médecins de front pour les obliger à assumer des tâches hospitalières   – à tel point que les médecins avaient rempli le Stade olympique pour faire connaître leur mauvaise humeur.

Le chef de la CAQ veut toujours convaincre les médecins de faire les choses autrement. Mais il n’est plus boxeur, il se fait Père Noël. Comme on l’a noté ici (Comment faire travailler les riches), sa trouvaille est d’offrir une augmentation salariale de 36% aux omnipraticiens, à condition qu’ils fassent ce qu’on attend d’eux: devenir des médecins de familles.

3) Les tarifs d’Hydro-Québec : finie l’audace !

Pauline Marois l’a noté dans sa réaction à la création du nouveau parti. Je confirme. Pendant plusieurs années, François a milité pour une augmentation considérable des tarifs d’hydro-électricité. Il comptait utiliser le fruit de cette hausse pour créer un fonds d’investissement. Député péquiste, il se plaignait du refus de la direction du parti de s’engager dans cette voie. Il s’en était ouvert à des journalistes.

Il ne s’agissait pas là d’une idée parmi d’autres. Il s’agissait de sa grande idée, de l’épine dorsale de son programme économique.

Nous sommes donc un certain nombre à avoir été très surpris de ne pas retrouver cette proposition dans son programme économique. Juge-t-il aujourd’hui que les sondés le prendrait mal ?

Ce contenu a été publié dans François Legault / CAQ par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !