Les 100 jours de Poutine

Le président américain affirme avoir parlé récemment au président chinois, Xi Jinping. Ce dernier dément l’information. Il s’agirait donc d’un appel imaginaire. En voici un autre, entre Donald Trump et le président russe. Le dialogue est peut-être fictif. La liste des mesures mentionnées par Trump ne l’est malheureusement pas.

***

Vladimir : Bon, Donald, c’est le temps de faire notre bilan des 100 jours.

Donald : J’ai eu 100 %, c’est plus que n’importe quel président de l’histoire de l’univers !

Vladimir : On se calme ! Passons en revue les tâches dont on avait discuté l’an dernier.

Donald : J’ai la liste devant moi.

Vladimir : Nos interventions sur Facebook t’avaient beaucoup aidé pour ton élection en 2016, mais Joe Biden avait monté des équipes qui bloquaient notre travail.

Donald : C’était ma priorité. Dans un de mes premiers décrets, j’ai démantelé le groupe spécial du FBI qui avait la tâche précise d’empêcher tes influenceurs d’opérer sur notre territoire. J’ai aussi démantelé l’unité de cybersécurité qui s’occupait d’empêcher tes pirates d’interférer dans le processus électoral. J’ai suspendu tout le financement qui coordonnait la sécurité électorale entre les villes, les États et Washington. Vous avez le champ libre.

Vladimir : C’est important, car on va devoir faire le maximum pour faire élire tes candidats aux élections de mi-mandat à l’automne de l’an prochain. Tes tarifs — d’ailleurs, merci de nous avoir épargnés — sont très bons pour détruire la réputation des États-Unis dans le monde, mais ça peut te faire perdre la Chambre des représentants.

Donald : Tu vas voir, d’ici là, ça va si bien marcher qu’ils vont me remercier.

Vladimir : On s’en reparlera. Tu as aussi démantelé les machins qui font la promotion du virus de la démocratie, comme le National Endowment for Democracy, l’International Republican Institute, le National Democratic Institute et le bureau des droits de la personne au sein du département d’État ?

Donald : Absolument, tout ça est mort ou moribond. Et j’ai aussi fermé notre instrument de propagande, Voice of America, et coupé 9 milliards de dollars par an d’aide au développement international.

Vladimir : Oui, j’ai vu, et ça nous aide beaucoup à susciter l’antiaméricanisme dans tous les pays du Sud qui comptaient sur cette aide médicale et alimentaire. Mais vous y êtes allés fort en coupant aussi les programmes de prévention des épidémies. Ça pourrait se propager jusque chez nous !

Donald : On n’a plus aucun problème de santé aux USA, Robert Kennedy Jr. s’en occupe. Tu veux que je te le prête ?

Vladimir : Surtout pas ! Mais continuons la liste. On fait d’énormes progrès dans nos programmes de désinformation, partout sur la planète, mais Biden nous nuisait.

Donald : Les 40 spécialistes qui travaillaient au Counter Foreign Information Manipulation and Interference Hub ont été virés et on a déchiré les 80 contrats des personnes qui leur prêtaient main-forte. Tes influenceurs — et ceux de la Chine et de l’Iran — ont maintenant le champ libre, chez nous comme ailleurs.

Vladimir: C’est parfait. J’ai aussi vu que ton secrétaire à la Défense avait mis fin à votre programme de cyberdéfense et de cyberattaque envers nous. C’est un désarmement unilatéral américain, j’aime ça.

Donald : Oui, c’était sur la liste. J’ai aussi fermé le bureau qui s’occupait de saisir les avoirs de tes amis oligarques russes, j’ai retiré les États-Unis du groupe qui enquêtait sur tes militaires responsables de l’invasion en Ukraine et sur tes crimes de guerre en Ukraine, et j’ai gelé les fonds du projet qui tentait de retrouver les dizaines de milliers d’enfants ukrainiens que tu as kidnappés et disséminés en Russie.

Vladimir : Pas mal, pas mal. Notre plan de match pour la victoire en Ukraine se déroule très bien. Tu as malmené Zelensky dans le Bureau ovale, tu l’as traité de dictateur, tu as établi que son pays ne serait jamais dans l’OTAN et ne retrouverait jamais les territoires que j’ai conquis. On avance.

Donald : Oui, on est dans la phase finale. Comme prévu, je fais semblant d’être mécontent qu’on ne puisse en arriver à un cessez-le-feu, alors je me retire de la discussion et feins de m’en désintéresser. Alors, on passe à autre chose, donc à la normalisation de mes rapports avec toi.

Cliquer pour commander. Version PDF disponible.

Vladimir : Exact. Et comme tu retires ton aide militaire à l’Ukraine et que les Européens ne peuvent pas totalement compenser, je vais pouvoir progresser de quelques kilomètres par an, jusqu’à Kiev. Maintenir mon pays en état de guerre permanent est la meilleure façon d’assurer mon pouvoir, comme le fait Bibi en Israël.

Donald : Comme on se retire du dossier, on va pouvoir lever nos sanctions contre toi et reprendre notre commerce et nos investissements dans tes champs de pétrole, ça va augmenter considérablement tes revenus. Mais n’oublie pas : comme on en discutait en 2016, tu me laisses ouvrir une Trump Tower à Moscou.

Vladimir : C’est ça, c’est ça, on regarde les plans. Mais toi, tu t’es engagé à me faire inviter au G7.

Donald : Je ne pense pas réussir à te faire inviter au G7 cette année, c’est au Canada. Je n’ai pas l’impression qu’ils seront un État américain d’ici juin.

Vladimir : C’est sûr. Mais, l’an prochain, c’est à ton tour d’inviter, non ?

Donald : Oui, et je vais faire ce qu’on m’a empêché de faire pendant mon premier mandat et tenir la rencontre à Mar-a-Lago.

Vladimir : Si les autres membres du G7 refusent de venir ?

Donald : On sera sept : toi, moi, le Chinois Xi, l’Argentin Milei, le Hongrois Orbán, le Turc Erdogan, et mon grand ami nord-coréen, Kim Jong-un !

(Ce texte a d’abord été publié dans Le Devoir.)

2 avis sur « Les 100 jours de Poutine »

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *