Les périls de Pauline

Le Devoir

samedi 22 novembre 2008

Pauline, la protagoniste de la série d’aventures américaine The Perils of Pauline, nourrissait le désir de devenir auteure. Elle était à chaque fois placée dans une situation de mort certaine. Féministe avant l’heure, elle réussissait à s’en sortir avant la fin de chaque épisode. C’est un peu ce qui s’est passé avec Pauline Marois cette semaine.

Premier péril réel : M. Charest a rejoué la carte de reporter sur le gouvernement péquiste les problèmes de la santé, et Mme Marois, plutôt que de pratiquer immédiatement l’évitement, a fait preuve de loyauté envers son ancien gouvernement. Elle s’est mise dans la cible en disant : « Il fallait le faire, et si c’était à faire, je le referais. » Cette franchise est tout à son honneur, mais ce n’est pas exactement la meilleure chose à dire politiquement. Par cette loyauté et cette franchise, elle a rendu à Jean Charest plus facile le travail de faire un référendum sur elle et son bilan, plutôt qu’un référendum sur Jean Charest et son bilan.

Second péril : la fatigue de Pauline, vraie ou fabriquée. On doit dire qu’à la fin de l’épisode, hier matin, elle s’est tirée d’affaire avec brio en épuisant des journalistes en faisant une marche à 5 heures 45 sur le mont Royal. C’est la semaine prochaine qu’on verra le dénouement et comment elle fera en sorte, dans le débat, de renverser le fardeau de la preuve sur Jean Charest.

Effectivement, ces élections sont un référendum sur la façon dont Jean Charest gouverne le Québec depuis presque six ans. C’est le défi de Pauline Marois. Elle a commencé à montrer, en haussant le ton, que ça n’avait aucun sens de faire le débat sur elle alors que c’est Jean Charest qui vient de gouverner.

Du côté de M. Charest, il n’a pas eu à faire grand-chose. Ce qui continue à le tarauder un peu, c’est sa capacité à démontrer sa supériorité en économie. On savait déjà qu’en déclenchant des élections le fédéral retarderait les ententes d’infrastructure dont les travaux sont pourtant essentiels pour la relance de l’économie québécoise. On a vu avec le discours du Trône que, sur d’autres sujets, y compris sur celui central du contrôle du pouvoir fédéral de dépenser, M. Charest a complètement perdu sa bataille. Cela fait déjà quatre ans qu’il dit que la future loi fédérale sur le pouvoir de dépenser est une des priorités du gouvernement. Il se fait dire par Harper au discours du Trône qu’à toutes fins utiles ça n’existait plus. C’est un échec majeur pour lui.

Troisièmement, ce qui embête Jean Charest, ce sont les problèmes de la Caisse de dépôt. Est-ce qu’il faut dire tout de suite que la Caisse de dépôt a fait des pertes, comme toutes les caisses de dépôt dans le monde, ou faut-il attendre le 31 décembre ? C’est une vraie question, mais c’est toujours celui qui cache la réalité qui a le mauvais rôle. En ce moment, c’est Jean Charest qui ne veut pas que ce soit dit. Peut-être a-t-il raison, mais cela ne lui donne pas le beau rôle. Ça laisse entendre qu’il y a des choses cachées qu’on saura après l’élection.

La semaine de Mario Dumont a été celle de la contrition. En politique, il est parfois utile et parfois nécessaire, et parfois les deux, de s’excuser de quelque chose d’important, mais généralement on le fait pour une politique, un geste, une décision ou une nomination. Il y en a qui sont de l’école qui admet que l’électorat reconnaît la franchise, excuse l’erreur et renouvelle la confiance. Mais là, M. Dumont s’est excusé de quelque chose de très général. Il s’est excusé essentiellement de toute son oeuvre depuis la dernière élection. La première réaction, c’est de dire : « Quel courage ! » La deuxième : « Est-ce qu’on devrait voter pour eux ? » Je salue cette franchise, mais je ne pense pas qu’elle lui soit favorable politiquement.

Il y a par ailleurs des gens qui refusent toujours de s’excuser. Jean Charest est de l’école du « never explain, never complain ».