Lettre à Bonhomme: votre makover est extrême

bonhommefache1-300x199Cher Bonhomme Carnaval,

C’est la seconde lettre que je vous adresse et, bien que vous n’ayez pas (encore?) répondu à la première, sachez que je suis à votre service. Par exemple, lors de l’émission Tout le monde en parle diffusée ce dimanche, je me suis chargé de faire la promotion de votre nouvelle image, celle imaginée par votre nouveau designer, André-Philippe Côté:

Certes, vous avez été entraîné, à votre rond corps défendant, dans une polémique de première grandeur. Mais puisque vous y êtes, laissez-moi vous parler franchement. J’espère que vous ne perdrez pas votre sourire pérenne en entendant le fou du roi, Dany Turcotte, faire une blague salace à votre sujet. Je sais que sa remarque ne créera pas un froid entre nous. Vous êtes déjà, en soi, au point de congélation.

Jean Charest ou le Harfang des neiges ?

Voici ce qui se passe avec vous. Jusqu’à la semaine dernière, vous étiez le symbole un peu vieillot — on dirait négativement quétaine, charitablement kitsch – d’un certain folklore québécois pour touristes et enfants.

Votre couleur principale, le blanc, vous prêtait une condition virginale. Votre rondeur et votre sourire signalaient l’innocence de celui qui n’a jamais connu que le jeu et la danse.

Or vous voilà devenu, ce que vous n’avez jamais été, un symbole du Québec tout entier. Cela tombait bien, nous n’en avions pas. Le castor et le harfang des neiges n’arrivaient pas à capturer notre existence dans sa complexité. Le patriote à tuque avec sa pipe et son mousquet avait été, disons, kidnappé par un groupe de québécois fort peu représentatifs.

Comment votre transformation s’est-elle produite ? En deux temps. D’abord, je le suppose, les illustrateurs de Maclean’s ont cherché une personne qui pouvait représenter le Québec en couverture de leur magazine.

Jean Charest aurait fait l’affaire. Mais peut-être ont-ils pensé que de le présenter avec, à la main, une valise débordant de cash n’aurait pas provoqué le contraste — le schock value — recherché. Certains auraient pu penser que ce n’était même pas un montage !

cover1Peut-être l’ignorance torontoise de votre statut de non-symbole des Québécois a-t-elle favorisé leur choix. Le contraste, bien réel, entre votre bonhommie intrinsèque et le flagrant délit de valise de billets mal acquis a du plaire aux faiseurs-de-couverture sensationnelle. Mais en vous choisissant, vous, plutôt qu’une figure politique, les responsables du magazine canadien le plus lu ont délibérément élargi la cible de leur accusation de corruption.

Vous ne représentez pas la classe politique, le PLQ ou Franco Fava. Vous n’êtes nullement un symbole des élites et des deux pathologies identifiées comme corruptogènes: la taille de l’État et la question nationale. Dans l’oeil de l’autre, donc, vous représentez le Québec tout entier.

Une renaissance

Maclean’s a donc provoqué votre renaissance. Et lorsque l’équipe de L’actualité a voulu répondre à la charge des scribes torontois, elle a pensé aussi à vous utiliser, vous, comme arme de riposte. Mais comment ? Il fallait le caricaturiste/illustrateur André-Philippe Côté pour mettre sa plume en plein cœur de ce que mes profs d’universités appelaient «le signifiant» — le message émis par l’image — et renverser du tout au tout la réputation dont Maclean’s tentait de vous affubler.

Une semaine accusé à Toronto de représenter l’âme damnée des Québécois cachée sous une apparence, disons, bonhomme, vous devenez 15 jours plus tard l’incarnation d’une foule engagée pour le retour à la probité. Côté a accouché d’un Bonhomme nouveau, l’a identifié à la réelle tonalité québécoise actuelle: la colère. Colère contre la corruption, colère contre le gouvernement Charest et colère contre ceux qui ont voulu les associer, eux, à cette saleté de copinage, d’enveloppes et de «pressions colossales» qu’ils dénoncent sans relâche.

Oui, votre makeover est extrême. Mais il est salutaire. Pour vous, et pour nous.  Votre nouveau look, qui s’étale sur la Une de L’actualité désormais en kiosque, circule à haute vitesse sur Facebook. Plusieurs ont choisi  votre image comme identifiant, tant elle colle à notre humeur (aveu: je l’ai fait aussi).

Il y a deux semaines, on n’aurait pas même voulu être pris en photo avec vous. Cette semaine, vous êtes l’homme (le bonhomme) de l’heure.

Un fan,

JF Lisée

P.S.: J’ai montré à Tout le monde en parle un T-Shirt arborant votre nouvelle image. Si vous souhaitez obtenir ce T-Shirt, extra-extra-large il va sans dire, faites comme tous les internautes intéressés et inscrivez dans les commentaires de ce blogue: si ces T-Shirt étaient disponibles, je voudrais m’en procurer un.

Voyez-vous, je tente de convaincre la direction de L’actualité d’imprimer T-Shirts, macarons et tasses à votre effigie. Quand je vous dis que je suis à votre service…

Ce contenu a été publié dans Maclean's par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !