Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, j’estime que le juge Claude Larouche, qui préside votre procès en diffamation contre Sylvain Lafrance, se comporte en voyou.
Lui qui doit être impartial se permet de se moquer de vous et du nombre de vos amis. Il insiste pour affirmer qu’aucun autre juge ne voulait de votre cause. Il ajoute l’avoir acceptée lui-même à son corps défendant, comme s’il devait s’abaisser pour entendre votre recours. De plus, il apporte lui-même de la preuve — de la mauvaise preuve — au procès, croyant que Claude J. Charron et Carole Beaulieu sont vos employés !
Comprenons-nous bien. Je ne dis pas que le juge Larouche est un voyou. Mais, dans ce cas en particulier, il a des comportements qui, dans le feu du commentaire, pourraient nous porter à dire qu’un voyou ne se comporterait pas autrement.
Vous voyez où je veux en venir. Vous avez demandé au juge de se récuser. Il a refusé. Vous portez son refus en appel. Vos avocats, puisqu’ils sont compétents, ont dû vous aviser que vous alliez perdre votre cause sur le fond — car la liberté d’expression et de commentaire est en vogue, aujourd’hui, dans la magistrature.
Grâce au comportement, disons, voyou de ce juge, vous pourrez arguer que le jugement est vicié et le porter en appel, puis recommencer.
Mettez le juge en lockout
Est-ce bien nécessaire ? Le Québec — peut-être en avez-vous entendu parler ? — est « dans le rouge ». Les dépenses augmentent, y compris dans un système judiciaire surchargé. Les listes d’attente sont longues. Les injustices tardent à être sanctionnées.
Un geste citoyen de votre part ne serait-il pas de mettre un terme aux procédures et de laisser le juge Larouche sévir dans d’autres dossiers ? Vos arguments contre les propos choquants tenus par M. Sylvain Lafrance à votre égard ont été entendus par le public, grâce à votre témoignage et à celui de votre conjointe. Vous avez au moins obtenu de vous défendre, et votre honneur avec vous, sur les premières pages.
Un geste citoyen de la part de M. Lafrance, de Radio-Canada, serait d’admettre par écrit qu’il n’a jamais cru ni affirmé que vous étiez un voyou. Il pourrait même ajouter, sans se dédire, qu’il souhaiterait, avec le recul, avoir mieux choisi ses mots pour critiquer votre attitude, dont il maintient qu’elle est hautement critiquable.
Par cette entente de gentlemen, vous enlèveriez au juge Larouche la possibilité d’écrire dans son jugement le mal qu’il pense de vous. En un sens, vous le mettriez en lockout avant qu’il ne puisse déclencher contre vous son moyen de pression juridique.
Vous tourneriez ainsi la page. Et pourriez faire un autre geste, encore plus important, pour votre réputation et pour le Québec.
Vous avez gagné, assumez
Vous ne laissez personne indifférent, c’est entendu. Vous avez la réputation du bagarreur, fonceur et pugnace, qui ne craint pas de casser un certain nombre d’œufs pour cuisiner ses omelettes médiatiques. Davantage même, pense-t-on en plusieurs milieux, que la recette n’en nécessitait.
Le succès est évidemment la meilleure revanche contre les critiques. Outre votre déconvenue, majeure, dans l’imprimerie, vous avez confondu les sceptiques. Maintenant que vous avez accompli la transition voulue vers la convergence de vos médias, que vous avez mis la géante Bell sur la défensive dans le marché du sans-fil et que vous vous êtes mis en piste pour assurer la résurrection des Nordiques à Québec, vous n’êtes plus un battant. Vous n’êtes plus le fils qui émerge.
Vous êtes l’homme qui est arrivé. Un personnage. Un acteur majeur du Québec moderne. Vu l’ombre portée par votre pater familias, c’est un exploit de vous être forgé un tel prénom — ou une telle série d’initiales.
Mais cela vous porte à un nouveau seuil. Un seuil où on vous sent en quête de respectabilité — d’où votre procès contre Sylvain Lafrance. Un seuil aussi qui vous impose une nouvelle responsabilité. Qui vous impose un comportement qui ne prête pas (ou plus) flanc à des accusations de comportement voyou.
Un geste surprenant
Tout le monde le sait, vous avez remporté votre bras de fer avec le syndicat du Journal de Montréal. Il s’agit maintenant de mettre fin au conflit, non dans l’enthousiasme, et peut-être même pas dans l’honneur. Mais, au moins, pas dans le déshonneur.
Votre dernière offre aux lockoutés mettait définitivement à la porte beaucoup d’ex-artisans du Journal. Vous demandiez de plus à ces futurs chômeurs de s’engager à ne pas travailler pour la concurrence et de mettre un terme à leur expérience de RueFrontenac.com. Donc, vous les condamniez à la rue (avec une prime de départ, s’entend)*.
Cette offre, inacceptable, fut spectaculairement inacceptée.
Faites maintenant un geste surprenant. Un geste digne du personnage que vous êtes devenu. Dans une nouvelle offre de sortie de crise, retirez toute interdiction de travailler pour la concurrence — ce qui est la moindre des choses. Retirez votre demande de fermeture de RueFrontenac, ce qui va de soi. (Vous avez déjà indiqué votre volonté d’aller en ce sens, mais sans en préciser les conditions.)*
Mais faites davantage. Vous avez été accusé d’avoir contribué à une importante concentration de la presse au Québec (pas seulement vous, Gesca aussi, évidemment). Permettez une légère diversification de la presse.
Non seulement offrez à vos ex-employés de continuer à travailler à RueFrontenac, mais donnez-leur un coup de pouce en leur offrant d’acheter de la publicité sur leur site au rythme de, disons, 200 000 $ par an sur trois ans. Une décimale dans le budget de pub de l’empire.
Pourquoi ? Votre père n’a-t-il pas porté Le Devoir à bout de bras, pour une somme qu’il a estimée à deux millions, dans ses années difficiles ? Or, RueFrontenac n’est-il pas un peu Le Devoir de la Toile québécoise ?
Il mordra à peine sur votre trafic de Canoë et de votre Journal en ligne. De plus, si vous leur offrez de la publicité, voire de la visibilité croisée, vous susciterez des allers-retours chez les internautes.
RueFrontenac, l’enfant d’ex-artisans du Journal de Montréal, le média créé contre vous, survivrait aussi grâce à vous. Et c’est un peu de l’ex-Journal qui survivrait avec lui. Un cousin éloigné. Un enfant, illégitime peut-être, mais un enfant tout de même.
Impensable ? Cette idée ne s’inscrit pas dans votre logique ? Elle ne fait pas partie de votre univers mental ? Voilà exactement pourquoi vous devriez la considérer.
Puisque vous avez gagné, il vous revient de sortir de la crise et d’en sortir par le haut. C’est ce qu’on appelle la grandeur. Aucun voyou ne s’aventure dans ces hauteurs.
Signé,
Un blogueur qui veut du bien à la presse québécoise
* Ajouts subséquents à la première publication.