Lettre au ministre des Finances: est-ce l’heure des taxes ?

Monsieur le Ministre,

Hier je vous écrivais pour vous indiquer qu’à mon humble avis, il était essentiel de présenter à la nation un plan crédible de retour à l’équilibre budgétaire, mais qui ne serait appliqué, automatiquement, que lorsque la reprise économique du secteur privé serait avérée.

Cela signifie-t-il qu’il ne faille rien faire en attendant ? Évidemment non. Surtout que votre homologue fédéral a annoncé que, dans son propre discours du budget du 4 mars prochain, il n’allait ni réduire les paiements de transfert aux provinces, ni augmenter les impôts, ni augmenter la TPS. Cela vous donne, cher ministre, toute la marge de manœuvre voulue. Je vais vous parler de la TVQ, d’une surtaxe verte et d’une taxe spéciale sur les bonus et primes.

D’abord sur la TPS. Elle a reculé de deux points ces dernières années et vos prédécesseurs (je veux dire, le bureau du Premier ministre) a refusé de les occuper en augmentant d’autant la TVQ. Je vous sais tenté. Avant la crise, j’étais pour. Après la crise, je serais pour. Mais pendant que nous ne sommes pas certains d’être sortis de la crise, prudence. Rien ne doit être entrepris, à mon avis, qui réduise le pouvoir d’achat des la majorité des ménages tant que la situation ne sera pas stabilisée.

Cela ne vous immobilise pas pour autant. C’est pourquoi je vous invite à hausser la TVQ de deux points, mais en vous assurant que la majorité des ménages retrouve cet argent par ailleurs, et d’en garder une partie pour le Trésor public. Comment ? Comme vous le savez, les plus faibles revenus sont protégés par le remboursement intégral de la TPS et de la TVQ. Je vous invite à utiliser une partie des 2,6 milliards perçus pour augmenter la Prime au travail, versée aux bas salariés, et introduite par Yves Séguin. Cette prime profite, en sus du salaire, de façon dégressive, aux familles qui font moins de 44 000 par an. Elle est structurante dans votre objectif plus général d’augmenter la proportion de Québécois qui participe au marché du travail, puisqu’elle rend le travail plus payant que l’assistance de l’État. La prestation est cependant pour l’instant trop faible pour jouer correctement ce rôle (elle est nettement plus faible qu’aux États-Unis ou en Grande Bretagne). En remboursant, par ce biais, une partie de l’argent perçu via les deux nouveaux points de TVQ, vous ferez un pas dans cette direction. Pour annuler l’impact de la hausse de TVQ sur la majorité des familles, il faudrait étendre le crédit jusqu’au revenu familial de 70 000 par an. Au delà, vous empochez le solde pour le trésor de l’État.

Vous pouvez introduire immédiatement une surtaxe verte sur tous les véhicules automobiles à haute consommation d’essence. Vous pouvez étendre la surtaxe sur les électroménagers et autres produits à forte consommation d’énergie, lorsque des produits de remplacement, moins énergivores, sont disponibles. Et je ne parle pas d’y aller doucement. Annoncez une surtaxe immédiate de 5%, qui augmentera à 10% dans un an. Envoyez un signal fort aux manufacturiers… et aux consommateurs. Ne vous gênez pas, l’opinion vous appuiera, l’opposition ne pourra s’opposer sur ce point.

Dans un monde idéal, les revenus tirés de cette surtaxe verte devraient être utilisés pour l’investissement dans les transports en commun. Mais l’État québécois a besoin d’argent, alors versez les au Trésor.

Finalement, vous n’êtes pas sans avoir remarqué que la France, l’Angleterre et, selon le voeu du président Obama, demain les États-Unis, comptent introduire une taxe ciblée (ou impôt spécial) temporaire sur les bonus et rémunérations des dirigeants d’entreprises qui ont bénéficié, pendant la crise, de l’aide de l’État. Or les entreprises québécoises qui ont obtenu ces aides sont nombreuses.  Les Québécois ont aussi été scandalisés par les primes de départ obtenues, y compris et peut-être surtout dans des sociétés d’État, par des personnes qui avaient, disons, sous performé. Une taxe spéciale sur les bonus et primes de départ, applicable sur les derniers 18 mois et les prochains, feraient de vous un héros national.

Mais assez parlé de taxes pour aujourd’hui. Je vous sais concentré sur la question des tarifs.

Je vous promets, Monsieur le Ministre, d’aborder le sujet demain

Un citoyen intéressé

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !