Nous débattons en ce moment à Québec du Projet de loi créant l’Inspecteur général de Montréal. C’est un outil de plus dans l’effort colossal que mène le Québec de se dégager d’une période de corruption qui l’a profondément miné ces dernières années.
Tous les partis, à l’Assemblée, souhaitent voter pour cet Inspecteur, même si nous avons des divergences avec le gouvernement libéral sur la latitude qui doit être laissée aux dénonciateurs pour aider l’Inspecteur dans son travail. (Nous disons: davantage. Ils disent: ça dépend !)
Au moment où je devais présenter mes arguments en faveur du Projet, j’ai entendu le ministre responsable, Pierre Moreau, tenter de faire l’histoire récente de la lutte pour l’intégrité comme une grande œuvre commune, « transpartisane », où chaque parti en avait fait autant, aussi vite, aussi bien. J’ai cru bon de rétablir les faits. Car si la transpartisanerie est une belle et bonne chose, la vérité a ses droits.
Voici le verbatim de mon intervention:
C’est assez intéressant parce que c’est le projet de loi n° 1 du gouvernement de la 41e législature qui était un projet de loi du gouvernement de la 40e législature, le gouvernement du Parti québécois. C’est un projet de loi qui est venu à la fois lentement et vite; lentement, parce que ça a été le dernier projet de loi que le gouvernement du Parti québécois a déposé, le dernier d’une liste assez longue de changements importants pour redonner au Québec une intégrité qui était chancelante; vite, parce que nous avions 100 jours pour le faire, 100 jours, parce que le maire de Montréal a été élu début novembre. C’était son engagement de faire en sorte que, dans les 100 jours, son premier engagement de réalisation était celui d’un inspecteur général. Et donc, entre début novembre et le 12 février, alors même qu’il y avait un arrêt pour Noël, les ministres, les ministères, les sous-ministres, les légistes ont travaillé de concert avec la ville de Montréal pour produire un projet de loi qui était à la satisfaction de la ville de Montréal. Et d’ailleurs, le jour même où le projet de loi a été déposé, le maire de Montréal, Denis Coderre, a annoncé la désignation de Me Denis Gallant comme inspecteur général désigné, et l’inspecteur général s’en disait satisfait.
Je reviendrai tout à l’heure sur les modifications qui ont été apportées et les débats que ça a suscités et je vais le faire dans un préambule que je vais faire plus long que je ne le pensais parce que j’ai entendu le ministre parler de la continuité de l’action de cette Assemblée sur les questions d’intégrité. Et je veux bien que, dans la plupart des cas, nous soyons majoritaires ou unanimes à vouloir faire avancer le bien commun, mais j’entends, chez le ministre et chez certains de ses collègues, parfois une volonté de réécriture de l’histoire récente du Québec sur le thème de l’intégrité, qui prend trop de liberté avec la vérité pour être laissée sans commentaire.
S’il est vrai qu’à partir de 2009 le gouvernement de la législature précédente a déposé un certain nombre de projets de loi qui étaient des améliorations sur la situation antérieure, il serait particulièrement hasardeux de dire que ça a été fait assez rapidement et dans l’enthousiasme pour endiguer le fléau qui commençait à se faire envahissant dans la société québécoise, privée et publique. C’est d’autant intéressant d’essayer de faire ce lavage a posteriori de l’action des gouvernements libéraux qui nous ont précédés qu’aujourd’hui même, au moment où nous avons cette discussion, M. le Président, nous apprenons que, pour la première fois… enfin, pour la deuxième fois de l’histoire récente du Québec, le quartier général d’un parti politique est l’objet d’une perquisition de l’Unité permanente anticorruption dans le but de déposer des accusations criminelles. Voilà pourquoi cette perquisition-là… Est-ce que c’est le parti des députés indépendants qui a subi cette deuxième perquisition en deux ans? Non. Est-ce que c’est le parti de la deuxième opposition, la CAQ? Non. Est-ce que c’est le Parti québécois? Non. C’est le Parti libéral du Québec qui a vu son quartier général intégré par les gens de l’UPAC qui cherchent des preuves pour monter pour le Procureur général du Québec un dossier criminel pour des cas de collusion. Nous verrons, l’UPAC fera son travail. Mais un journaliste québécois spécialisé en ces questions, Brian Myles, écrivait il y a deux mois qu’il n’y a qu’un parti politique au Québec aujourd’hui qui est l’objet d’enquêtes criminelles. Il n’y en a qu’un. Il n’y en a qu’un.
Alors, c’est vrai, lorsqu’on regarde la série de projets de loi qui ont conduit à l’étude d’aujourd’hui du projet de loi n° 1, il y a un certain nombre de changements qui ont été faits.
Alors, le ministre dit : En 2009, nous avons créé l’UPAC. C’est vrai, et on l’en félicite, d’avoir créé l’UPAC. On sait cependant, grâce à la commission Charbonneau, que, depuis 2004, il y avait des dénonciations précises avec des noms, et des faits, et des chiffres qui avaient été portés à la connaissance de membres du gouvernement et que rien n’avait été fait. On sait que, depuis 2008, une députée de ce qui est maintenant la CAQ avait commencé à demander une commission d’enquête, que le Parti québécois l’avait fait et que les journalistes québécois avaient mis au jour presque chaque semaine un certain nombre de situations extraordinairement embarrassantes qui auraient réclamé une action rapide, et cette action rapide n’est pas venue avant la création de Marteau, effectivement, en 2009.
Que s’est-il passé ensuite? Bien, ensuite, on a eu 40 %, 60 %, 75 %, 80 % de la population québécoise qui ont réclamé une commission d’enquête sur la corruption au sein de l’industrie de la construction, et faisaient partie de ça des chambres de commerce, le Barreau, les ingénieurs et, jusqu’à un moment, M. le Président, la FTQ-Construction. La FTQ-Construction avait cédé à la pression populaire et avait réclamé une commission d’enquête. Et, pendant ce temps, le gouvernement de la 40e… de la 39e législature, donc le gouvernement du Parti libéral, disait que non seulement c’était une mauvaise idée, mais c’était ce que les fraudeurs voulaient. C’est ce qu’on entendait : Les fraudeurs veulent une commission d’enquête parce qu’ils veulent que la preuve soit détruite, c’est ce qu’ils disaient, et que donc il n’en fallait pas et il n’en fallait pas, en principe. C’est ce que le ministre est allé défendre d’ailleurs à Tout le monde en parle. Récemment, il y a eu les meilleurs moments des 10 dernières années. J’étais content pour lui que son moment n’ait pas été choisi. Mais un moment du premier ministre Charest qui expliquait pourquoi il ne fallait pas de commission d’enquête sur l’industrie de la construction a été choisi parmi les meilleurs moments des 10 dernières années parce que, jour après jour, dans cette Assemblée, le gouvernement du Parti libéral disait qu’il n’en fallait pas.
Ensuite, il a dit qu’il n’en fallait pas tout de suite. Il y avait un moment, un glissement. Il n’en fallait pas tout de suite parce qu’il fallait laisser le temps à l’UPAC de construire sa preuve.
Alors, que s’est-il passé pour que finalement le gouvernement Charest accepte la tenue de cette commission? Est-ce qu’un jour, après une délibération de caucus du Conseil des ministres, ils se sont dit : Finalement, l’ADQ avait raison, le Parti québécois avait raison, 80 % des Québécois ont raison, il faut y aller.
Ce n’est pas comme ça que ça s’est produit, M. le Président, et il faut le rappeler. Ce qui s’est produit, c’est qu’une personnalité qui s’appelait Jacques Duchesneau avait été embauchée par le ministre des Transports de l’époque pour créer… qui est ici encore aujourd’hui et qui doit s’en souvenir, qui a été créé pour faire une enquête sur le fonctionnement interne du ministère des Transports dans la délivrance des contrats pour voir s’il n’y avait pas un peu de fligne-flagne à l’intérieur de ça.
Alors, M. Duchesneau, qui est un homme qui a beaucoup d’initiative et d’ambition, a décidé de ratisser large. Il a produit un rapport qui était dévastateur. Et il était secret, ce rapport, M. le Président, il était secret. Et, lorsque M. Duchesneau a remis son rapport au ministre de l’époque, qui est maintenant ministre du Travail, selon le témoignage de M. Duchesneau, le ministre de l’époque a refusé même de le prendre dans ses mains, comme si les empreintes digitales allaient conduire à une enquête quelconque. Et ensuite le premier ministre, M. Charest, a dit qu’il ne l’avait pas lu et peut-être qu’il ne le lirait pas. Et qu’a fait M. Duchesneau à ce moment-là? Il est devenu — et on va en parler tout à l’heure dans le cadre de ce projet de loi — il est devenu un dénonciateur. Il est devenu un dénonciateur. Il a pris ce rapport que le ministre ne voulait pas toucher et que le premier ministre affirmait ne pas vouloir lire et il l’a remis à un journaliste de Radio-Canada. Il a ensuite confirmé à la commission Charbonneau qu’il avait posé ce geste, un document qui appartenait à l’État, un document qui serait couvert par la loi d’accès à l’information et dont on dirait qu’il ne devrait pas être rendu public, à moins que le gouvernement décide de ne le faire. Mais de toute évidence le gouvernement ne voulait pas le rendre public.
Alors, il a pris sur lui de donner le document, et là c’est devenu une énorme affaire, et, parce que c’est devenu une énorme affaire, le gouvernement Charest s’est dit : Bon, nous n’aurons plus le choix que de créer la commission Charbonneau.
Il faut se le dire aujourd’hui, si Jacques Duchesneau n’avait pas désobéi en coulant le rapport, jamais la commission Charbonneau n’aurait été créée par le gouvernement Charest. Mais ça ne suffisait pas parce que, dans un premier temps, M. Charest a continué à résister à l’idée de créer une vraie commission. Il a dit : Ça sera une commission, mais elle sera peut-être à huis clos complètement. D’ailleurs, j’étais peiné qu’à l’époque le chef de la deuxième opposition était d’accord avec cette idée de huis clos. Bon, il a droit à l’erreur. Et ensuite le premier ministre a dit : Bien, ça sera à huis clos, mais peut-être pas à huis clos complètement, mais il n’aura pas les pouvoirs d’enquête d’une commission d’enquête, toujours avec cette idée qu’il ne faut pas détruire la preuve. C’était le prétexte. Et là on a assisté à un moment intéressant où, au début d’un congrès du Parti libéral du Québec, le ministre de la Justice, je crois, de l’époque donne un point de presse en disant : Il n’est pas question qu’ils aient des pouvoirs d’enquête, cette commission. D’ailleurs, Mme Charbonneau avait déjà été désignée. Et, moins d’une heure après, dans son discours d’ouverture, le premier ministre affirme : Bien, non, finalement, il va y avoir des pouvoirs d’enquête. Et mon collègue, critique, à l’époque, avait dit que c’était une patente à quelque chose que je ne répéterai pas. Et donc l’argument avait porté, mais peut-être qu’il y a d’autres arguments qui ont porté.
Je vous dis ça simplement pour vous dire que, lorsqu’on essaie de nous décrire aujourd’hui le sursaut québécois pour l’intégrité et contre la corruption comme ce grand fleuve tranquille de la prise de conscience de tous les élus de cette Assemblée, sans distinction, en faveur d’un renforcement de nos anticorps d’intégrité, ce n’est pas la réalité. Il y a un gouvernement, le gouvernement Charest, qui a été contraint et forcé, à chaque étape de son travail, à faire, à reculons et le moins possible, jusqu’au dernier moment, ce qu’il fallait faire pour endiguer la corruption. Et, si on se demande pourquoi, on ne le sait pas, mais on sait qu’aujourd’hui les policiers sont au quartier général de ce parti et dans aucun des autres partis représentés à cette Assemblée.
Alors, lorsque le gouvernement du Parti québécois est arrivé au pouvoir, il a décidé de faire voter une loi n° 1 parce qu’un projet de loi n° 1, ça donne le ton et ça dit : Quelle est la priorité absolue et comment faut-il s’engager dans la réforme prioritaire?
Le projet de loi n° 1 du Parti québécois n’était pas emprunté au parti qui l’avait précédé, il a été inventé de toutes pièces pour résoudre un problème majeur. Lorsque nous sommes arrivés, en septembre 2012, les municipalités québécoises étaient prises dans un dilemme éthique cornélien, ils avaient l’obligation légale, compte tenu du cadre légal qui avait été laissé par le gouvernement précédent, ils avaient l’obligation légale de signer et respecter des contrats avec des entreprises dont les noms étaient constamment cités comme étant des potentiels fraudeurs, et ils n’avaient aucune mesure législative à leur disposition pour refuser de le faire, et, ce faisant, ils étaient évidemment des cibles de l’opprobre journalistique populaire et de leurs oppositions municipales. Et donc ce sont des officiers municipaux extrêmement pris d’un désarroi auxquels nous avons dû dire : La première chose que nous allons faire, c’est donner un cadre réglementaire et législatif, législatif d’abord, qui va faire en sorte que vous n’aurez d’obligation que d’avoir des contrats avec des entreprises dont la probité aura été vérifiée. Et c’est ainsi que nous avons créé, avec l’Autorité des marchés financiers, ce mécanisme de vérification de la probité.
Alors, ça, c’était une loi révolutionnaire. Jamais on n’avait fait autant aussi rapidement pour obliger la probité dans l’ensemble des contrats publics non seulement de la ville de Montréal, mais de l’ensemble des organismes publics québécois sur le territoire. C’était énorme, c’était essentiel et ça a fait en sorte que, 18 mois plus tard, nous ne sommes plus dans le même contexte. Nous avons libéré les municipalités de ce dilemme éthique dans lequel elles avaient été plongées et nous avons provoqué, à l’intérieur des sociétés québécoises, des sociétés privées, des sociétés d’ingénierie, de certains géants, comme SNC, Dessau et d’autres, une obligation de se transformer de l’intérieur pour recouvrer le droit de faire des affaires avec l’État québécois. Nous avons tenu tête à ces géants. Nous avons fait en sorte que, ces grandes sociétés qui, semble-t-il, faisaient la loi dans un certain nombre de municipalités et ailleurs, on leur a dit : Pendant un an ou pendant le temps que ça prendra, vous n’aurez pas de contrat public jusqu’à ce que l’Autorité des marchés financiers soit satisfaite, que la culture de l’intégrité a pris racine chez vous. Il fallait du cran, du courage et de la ténacité, et maintenant ça a été fait.
Ce qui s’est passé aussi pendant ces 18 mois, c’est que des anecdotes comme celles que nous avions entendues précédemment, que des filatures de la SQ étaient interrompues parce que se rapprochant trop du pouvoir, n’ont plus jamais été entendues, n’ont plus jamais été entendues. Et les filatures se sont rendues jusqu’à des maires, dont le maire de Laval, dont un ancien membre de cette Assemblée, ancien ministre du gouvernement Charest, M. Mulcair, avait dit qu’il était protégé par le premier ministre Charest. Eh bien, M. le maire de Laval Gilles Vaillancourt n’a plus été protégé par personne. Aujourd’hui, il doit subir un procès pour gangstérisme.
Voilà ce qui s’est produit pendant ces 18 mois. Nous avons également fait en sorte qu’un maire qui était sous une accusation criminelle de fraude reliée à son activité professionnelle, qui, lorsque nous sommes arrivés, pouvait rester maire ad vitam aeternam ou jusqu’à sa prochaine échéance électorale… nous avons fait en sorte de créer un mécanisme qui permettait aux citoyens de faire relever ce maire de ses fonctions. Et le simple fait que nous ayons adopté cette loi avec l’appui du parti de l’opposition à l’époque, qui est maintenant au gouvernement, et du deuxième groupe d’opposition a fait en sorte de faire déguerpir au moins deux de ces maires qui ne voulaient pas subir ce nouveau mécanisme. La transformation que nous avons faite, que nous avons accomplie dans le financement des partis politiques — et là je souligne que le gouvernement précédent avait fait un premier pas en faisant passer de 3 000 $ par personne à 1 000 $ par personne la contribution autorisée — il nous semblait que ça ne suffisait pas pour casser complètement le système des prête-noms. Ça l’affaiblissait, ça l’affaiblissait. Mais 1 000 $ par personne, pour des gens qui organisent des prête-noms à temps plein, ça fait encore beaucoup d’argent. Il nous semblait qu’à 100 $ par personne ce… On ne voulait pas affaiblir le système des prête-noms, nous voulions le terrasser.
Et j’étais heureux d’entendre le premier ministre, aujourd’hui, saluer cette mesure comme étant excellente, cette mesure qui a été originaire de mon collègue de Marie-Victorin, qui était ministre des Institutions démocratiques et qui, maintenant, est salué et applaudi par le premier ministre du Québec. Je pense que c’était la bonne chose à faire. C’est nous qui l’avons faite.
Il y a des choses qu’on aurait voulu faire également, que nous n’avons pas pu faire complètement, sur la question des députés qui quittent en début de mandat et qui ramassent leur pactole. L’opposition libérale de l’époque ne voulait pas le faire, mais il y a eu une série de lois, y compris de moralisations de la vie politique municipale, qui a fait en sorte, là, dans une zone de non-droit, où rien n’avait été fait ni par le gouvernement précédent ni par les gouvernements précédents dont nous avions la charge… Et là, encore une fois, unanimement, nous avons fait en sorte que cette réduction de la contribution individuelle au financement des partis municipaux soit de beaucoup réduite pour faire en sorte, là, de faire reculer les experts des élections clés en main qui ont maintenant la tâche beaucoup plus difficile.
Donc, voilà, et j’en oublie, une partie du foisonnement de lois qui ont été adoptées par le gouvernement du Parti québécois, pas sous la contrainte, pas à reculons, pas au dernier moment possible, mais dans la volonté, l’enthousiasme et l’efficacité. Et on ne peut que saluer le gouvernement actuel qui… dont les députés d’opposition ont participé à l’élaboration de ces lois et ont voté plusieurs de ces lois unanimement.
Alors, le projet de loi n° 1, on y vient, était un peu un genre de… l’enfant municipal de cet énorme travail québécois de moralisation de la vie politique et économique. Le maire de Montréal, le candidat Denis Coderre, a dit : Non seulement ce travail est important, mais nous voulons faire en sorte que, dans l’épicentre de la corruption québécoise, qui a été Montréal, il y ait, en plus de l’UPAC, en plus de la commission Charbonneau, en plus de la loi n° 1, un haut fonctionnaire, un inspecteur général désigné au deux tiers par le conseil municipal dont ce sera la tâche de surveiller l’octroi des contrats, de surveiller la culture d’intégrité de la ville de Montréal et de faire en sorte de rester toujours un pas devant les fraudeurs.
Les fraudeurs, ils sont d’une grande créativité. C’est un peu le côté obscur de la créativité. Et je crois que, de part et d’autre de cette Chambre, nous sommes d’accord pour dire que dans le passé nous avons fait des grands efforts de moralisation avec la commission Cliche et avant, même sous le jeune Jean Drapeau, mais que le relâchement de l’effort entre ces grands moments ne fait que permettre aux fraudeurs de créer de nouvelles façons de contourner nos règles et que l’action, elle doit être permanente. Et donc notre action sera permanente au niveau québécois avec l’UPAC et notre action sera permanente au niveau municipal grâce à ce projet de loi qui a été présenté par notre gouvernement et qui est à nouveau présenté par le gouvernement de l’actuelle législature.
Alors, qu’est-ce qu’il fera, cet inspecteur général? Alors, effectivement, à l’identique le ministre a repris ce qui avait été préparé par ses prédécesseurs, l’inspecteur général a pour mandat de surveiller les processus de passation des contrats et l’exécution de ceux-ci par la ville ou par une personne morale visée au paragraphe précité. L’inspecteur général recommande au conseil toute mesure visant à prévenir les manquements à l’intégrité dans le cadre de la passation des contrats par la ville ou dans le cadre de leur exécution. L’inspecteur général a également pour mandat de former les membres des conseils de même que les fonctionnaires et employés afin qu’ils reconnaissent et préviennent les manquements à l’intégrité et aux règles applicables.
Alors, le ministre a raison de noter que ce projet de loi renferme du droit nouveau, du droit qui n’existait ni au Québec ni, à notre connaissance, ailleurs au Canada. De faire en sorte de donner à une instance municipale un pouvoir de cette nature est un progrès notable qui est à la hauteur de la difficulté que nous avons connue dans la ville de Montréal, qui est à la hauteur de la volonté du maire de Montréal et des électeurs de Montréal. Et d’ailleurs je pense que c’est un pas, que nous voulions franchir lorsque nous étions au gouvernement et que le gouvernement actuel veut franchir, vers un réel statut de métropole pour Montréal. Et, là encore, je veux saluer effectivement les mots du premier ministre, lorsqu’il a donné ces tâches au ministre des Affaires municipales et de la Métropole, proposant de travailler, et ce sera une oeuvre importante que le ministre nous présentera d’ici à la fin de l’année, j’espère, de faire en sorte de doter la métropole d’un réel statut, comme ce sera le cas aussi pour la ville de Québec. C’est important parce que, de part et d’autre, dans la décennie 90, ce statut n’avait pas été, disons, philosophiquement intégré aux actions du gouvernement du Québec face à la métropole. Et je suis heureux de voir que, cette année, du côté du Parti libéral comme du Parti québécois, il y a une révolution culturelle sur la volonté de donner ce statut.
Alors, cet inspecteur général est un peu la bande-annonce de ce qui pourra arriver par la suite dans d’autres champs d’activité de la métropole. On a hâte de voir le film. On a hâte de voir le film. Et nous allons y travailler ensemble. Et j’offre toute ma collaboration au ministre sur ce qui est à faire.
Alors, le ministre avait raison de noter tout à l’heure que ce qui est extraordinaire dans ce projet, et il a repris ces parties à l’identique avec ce que nous avions proposé, c’est que non seulement l’inspecteur général peut obtenir des informations à l’intérieur de la fonction publique municipale, il peut interroger, lire les documents, regarder les ordinateurs. Il peut le faire auprès des personnes morales, dont des entreprises qui ont des liens contractuels avec la ville, et ensuite il peut aller aux sous-contractants. Ça a été tout un débat, ça, à savoir : Est-ce qu’il peut aller aux sous-contractants? Eh bien, notre volonté et celle du gouvernement actuel, c’est : oui, il devrait aller aux sous-contractants, parce qu’une partie des mauvaises pratiques sont souvent là, entre le rapport entre le contractant et le sous-contractant. Mais il y a un endroit où il ne peut pas aller directement, ce sont des organismes publics du Québec sur le territoire de la ville de Montréal. Et c’est là où nous avons une divergence, le ministre et l’opposition officielle, sur une modification que le ministre a introduite dans le projet de loi. Et c’est là où il n’a pas continué à reprendre le projet de loi précédent à l’identique.
Dans une longue section, qui est 57.1.13, le nouveau projet de loi a sans doute une intention, qui est tout à fait honorable, de dire : Bon, il y aura des dénonciateurs. Il y aura des gens qui voudront dire à l’inspecteur général : Bien, il y a un certain nombre de situations troubles que je veux porter à votre attention parce qu’il me semble que ce sont de mauvaises pratiques, et il est même possible qu’il y ait de l’illégalité là-dedans. Alors, évidemment, nous savons qu’il y a deux fonctions importantes. Il y a l’inspecteur général, qui s’occupe de la probité des contrats, mais qui ne s’occupe pas de chercher des crimes ou de faire des recommandations au Procureur général sur des crimes. Alors, on lui dit : Écoutez, dès que vous voyez un crime dans ces documents, dans vos enquêtes, vous l’envoyez à l’UPAC.
C’est très bien, l’inspecteur général est d’accord, l’UPAC est d’accord, mais il est certain que des dénonciateurs vont constamment attirer l’attention de l’inspecteur général en lui disant : Bon, bien, voici ce qui est en train de se passer dans tel arrondissement, ou avec tel contrat, ou avec tel sous-contractant. Ou peut-être un dénonciateur qui travaille pour le contractant ou qui travaille pour le sous-contractant, il ne va pas seulement dire à l’inspecteur général : Hum! il ne semble pas y avoir une culture de l’intégrité suffisamment forte ici, il va vouloir dénoncer — le nom l’indique — une situation qui lui semble louche et peut-être illégale. Et là ce sera à l’inspecteur général de faire le tri en disant : Bien, voici une situation louche, voici une mauvaise pratique, voici quelque chose qu’on doit corriger ou prévenir — parce que la prévention fait partie de son mandat — ou voici quelque chose où il me semble qu’il y a un crime qui a eu lieu ou qui est en train de se trafiquer, et, donc, je vais en aviser l’UPAC.
Mais le ministre s’est dit : Très bien, mais il ne faudrait quand même pas que le dénonciateur puisse envoyer des documents qui sont protégés par d’autres lois québécoises. Les discussions au Conseil des ministres, les avis, les avis juridiques, par exemple, bien, s’il y a un dénonciateur qui l’a, il ne devrait pas l’envoyer, n’est-ce pas?
Alors, tous les avis juridiques doivent être protégés, nous sommes d’accord, nous sommes d’accord, protégés dans tous les cas. Mais on sait que, dans d’autres cas, lorsque ce… Bien, on dit : Bon, bien, très bien, je pense qu’on pourrait, effectivement, protéger nommément un certain nombre de ces documents qui ne sont pas du ressort de l’inspecteur général. Remarquez, il pourrait très bien y avoir un dénonciateur qui travaille pour une institution fédérale à la ville de Montréal, et qui a accès à des documents émanant du Conseil privé, et qui déciderait de les envoyer. Bien, la loi, ici, qui est une loi québécoise, ne protège pas le gouvernement fédéral ni le gouvernement américain. Dans ce cas-ci, on dit : Bien là, c’est nos affaires, on va s’en occuper. Très bien.
Mais c’est comme si… Bon, on dit : Très bien pour ces documents. Mais qu’en est-il d’un organisme public qui est sur le territoire de la ville de Montréal — donc une école, une commission scolaire, un hôpital — qui transige avec la ville, avec ses contractants ou ses sous-contractants et où un dénonciateur verrait quelque chose de louche? On lui dit : Bien, si c’est louche, qu’il l’envoie à l’UPAC. Bien, c’est vrai dans les autres cas aussi, c’est vrai dans tous les cas, mais le ministre a décidé de dire au dénonciateur dans cet article qu’il ne devrait, en aucun cas, envoyer à l’inspecteur général des documents émanant d’organismes publics, donc une école, un hôpital, une commission scolaire qui est sur le territoire de Montréal, sauf dans les cas où… si on avait demandé à l’organisme ce document, et l’organisme aurait décidé de le donner. Alors, le dénonciateur doit se mettre dans la tête : Bon, si on avait fait une demande d’accès à l’information…
Bon, prenez un exemple concret, le CUSM. Alors, supposons qu’il y a un dénonciateur au CUSM. Et le CUSM a toutes sortes de transactions avec la ville, il y a des aqueducs, il y a des rues, il y a toutes sortes de choses, et lui, il voit quelque chose de louche. Alors, il se dit : Bon, il y a quelque chose de louche entre le CUSM et la ville, je vais l’envoyer à l’inspecteur général. On nous répond : Il devrait l’envoyer à l’UPAC. Bien, c’est vrai dans tous les cas, mais lui, il ne sait pas, il a confiance en l’inspecteur général, il l’envoie à l’inspecteur général. Mais, s’il regarde le projet de loi tel que modifié par le gouvernement actuel, bon, il dit : Ah! attention, attention, cher dénonciateur, il ne faudrait pas envoyer à l’inspecteur général un document couvert par la loi d’accès à l’information et un document que l’organisme, le CUSM, n’aurait pas voulu donner. Le dénonciateur dit : Ah bon! je vais être sanctionné si je fais ça. Pourquoi? Pourquoi? Nous n’avions pas intégré cette disposition, nous avions laissé le dénonciateur faire son travail et laissé l’inspecteur général faire le tri. Parce qu’il va faire du tri. Et c’est un officier de l’État, il ne va pas divulguer des informations qu’il ne doit pas divulguer, il va faire constamment le tri.
Mais là c’est comme si le gouvernement du Québec actuel veut dire : Non, non, nous, on va faire le tri pour le dénonciateur. Je me demande pourquoi, et la Commission d’accès à l’information se demande pourquoi aussi. On l’a entendue aujourd’hui, et la commission a écrit dans son mémoire : «L’article 57.1.13 — que je viens de citer — tel que rédigé, érige en principe de confidentialité des exceptions à la loi d’accès à l’information.» On dit : Bien, donnez de l’information, sauf… Et là la Commission d’accès à l’information dit : «Bien, dans le projet de loi tel que rédigé, ces exceptions sont érigées en principe de confidentialité. Une telle référence, en plus de poser des difficultés d’interprétation et d’application, n’est pas de nature à favoriser une culture de transparence.» C’est ce que la Commission d’accès à l’information dit de la modification introduite par le gouvernement actuel au projet de loi que nous avions déposé.
Et, d’ailleurs, il dit donc… Ce que le projet de loi actuel demande au dénonciateur, c’est de se mettre dans la tête de celui qui est normalement le responsable de l’accès aux documents d’un organisme public, une personne compétente pour faire cette évaluation, et de faire cette évaluation comme s’il était spécialiste de ce qu’on doit donner et ce qu’on ne doit pas donner. Donc, il y a un fardeau qu’on fait subir au dénonciateur dans ce cas-là, mais pas dans le cas d’un dénonciateur qui travaille pour la ville de Montréal, son arrondissement, ses organismes parapublics, ses contractants ou ses sous-contractants. On est plus dur, c’est comme s’il y avait une clause CUSM. On veut protéger les organismes publics québécois sur la ville de Montréal en donnant au dénonciateur des balises plus strictes que celles des autres.
Maintenant, il y a un autre cas intéressant, c’est le bureau du député. Il y a des députés à Montréal, M. le Président, il y en a un certain nombre. Dans l’immense majorité des cas, ce sont des gens d’une honnêteté absolue, mais il est arrivé un cas récent où un député a non seulement été accusé, mais a plaidé coupable de fraude. Donc, il pourrait arriver, dans l’hypothèse, qu’il y ait un député qui soit coupable de fraude. Encore une fois, pas de ce côté-ci de la Chambre, mais on n’a pas à nommer de nom, dont les initiales sont TT, ça suffira. Alors, ça peut arriver. Alors, évidemment, le député, il est protégé, les documents du député sont protégés. Si quelqu’un demande au député : Donnez-moi vos documents, le député peut dire : Bien, non, c’est protégé. Et on comprend ça, et notre règlement protège le député. Mais là il s’agit du dénonciateur ou de la dénonciatrice qui, peut-être dans le cadre de ses fonctions, voit passer des documents d’un député qui est en train de manigancer peut-être une fraude — il devrait appeler l’UPAC — ou peut-être juste une mauvaise pratique, une mauvaise pratique dans l’octroi d’un contrat qui concerne un contracteur de ses amis, qui concerne un contracteur de sa circonscription et la ville. Il faut que ça concerne la ville, on est tous d’accord. Si ça ne concerne pas la ville, il ne faut pas l’envoyer à l’inspecteur général. Et, le dénonciateur a un document de député, il aimerait l’envoyer à l’inspecteur général. Là, c’est écrit dans la loi qu’il ne doit pas le faire. Pourquoi c’est écrit dans la loi qu’il ne doit pas le faire et qu’il se rend vulnérable à des sanctions?
Alors, la Commission d’accès à l’information propose au ministre — et j’aimerais que le ministre y réfléchisse — d’enlever cette disposition au complet et de simplement dire au dénonciateur : En ce qui concerne les organismes publics, vous savez, il est interdit de donner des documents privés, des documents individuels, des documents personnels. Par exemple, le dossier santé, il serait interdit de donner le dossier santé, un dossier fiscal, des trucs comme ça, et là vous auriez des sanctions. Mais, si vous trouvez un document d’un organisme public dont vous pensez qu’il est pertinent ou nécessaire au travail de l’inspecteur général, envoyez-le, et vous ne serez pas soumis à des représailles. Je pense que, si ce que nous voulons, c’est d’aider la transparence et c’est de prendre au mot le premier ministre, qui a promis le gouvernement québécois le plus transparent de tous les temps… je ne sais pas pourquoi on introduit dans un projet de loi qui fait culminer le travail de quelques années pour rendre le Québec plus transparent, la corruption plus difficile, la fraude plus difficile… je ne sais pas pourquoi on compliquerait le travail du dénonciateur et qu’on restreindrait les documents reçus par l’inspecteur général dans ce cas-là particulier, celui des organismes publics, alors qu’on est beaucoup plus — je vais utiliser le mot — libéraux dans le cas des dénonciateurs qui sont à la ville de Montréal, qui travaillent chez des contractants ou des sous-contractants.
Alors, voilà, M. le Président, ce que j’avais à dire. Bien sûr, nous sommes très heureux que ce projet de loi soit déposé, puisque nous en avons écrit l’essentiel. Nous sommes moins heureux des modifications qui y ont été apportées. Nous sommes d’accord avec la Commission d’accès à l’information que ces modifications sont non seulement contre-productives, mais en plus elles sont illisibles. Si elles étaient plus lisibles, tant mieux, mais il serait quand même préférable qu’elles ne soient pas là.
Et nous pensons aussi que le ministre, bien sûr, a le droit à l’erreur, nous reconnaissons son droit à l’erreur, et nous le félicitons d’avoir corrigé le tir dans les 12 heures qui ont suivi le dépôt de son projet de loi n° 1, puisque Me Denis Gallant a immédiatement dit qu’il était mécontent d’une formulation, et le ministre a dit : Bien, si la formulation est maladroite, nous allons la corriger. Et ça, je salue cette capacité du ministre de voir… sa réactivité, de voir qu’il peut corriger tout de suite. On a vu aussi, dans le cas du contournement de Lac-Mégantic, il avait une capacité de réactivité… sa première réaction était un peu maladroite, mais sa seconde réaction est plus adroite. Alors, je sais que le ministre est capable de cette souplesse, de cette capacité d’autocritique et de correction et j’ai bon espoir que nous puissions en arriver à un excellent consensus qui fera en sorte que les dénonciateurs soient encouragés à dénoncer, et non découragés. Puisque nous faisons confiance à l’inspecteur général, c’est pourquoi nous déposons ce projet de loi… enfin, vous déposez après que nous l’ayons déposé, et nous souhaitons tous l’adopter. Il fera le tri… Et c’est ça quand on dit qu’on donne un statut à la métropole et qu’on veut l’autonomie, c’est parce qu’on fait confiance. Et l’inspecteur général devrait avoir notre confiance pour faire le tri parce que les dénonciateurs seront libres de dénoncer ce qu’ils croient louche à tort ou à raison. M. le Président, je vous remercie.
Votre exposé (un peu long je dirais) permet de faire le point tout en clarifiant les faits et liens. Ce que nous donne à voir le blogue est, en réalité, la somme d’un raisonnement autour de faits politiques qui ont leur importance. Par la lecture…nous voyons mieux les faces cachées du sentier politique. Et pourtant, je continue à penser qu’il peut y avoir épuisement à travers le verbe!
Vos interventions à l’Assemblée nationale sont toujours très intéressantes. Merci de nous les transmettre… parfois longues… mais pas ennuyantes du tout !
Merci de recadrer si bien les événements. Le grand risque à ne pas le faire, c’est que tôt ou tard, vos interlocuteurs ou vos auditeurs ne savent pas ce que sont vos convictions, votre vision, vos allégeances, vos actions, tout ce qui vous définit et vous identifie comme personne, comme militant, comme représentant des valeurs et des intérêts de vos commettants.
Tout n’est pas interchangeable sans conséquence dans notre monde de plus en plus équivoque. Il faut revendiquer clairement la reconnaissance de ce qui nous appartient comme Parti politique et comme gouvernement. Vous l’avez bien fait, ici. Ne pas baisser la garde, rester vigilant et recommencer chaque fois qu’il le faut. Suis d’avis que ce sera un exercice quotidien.
Merci monsieur Lisée de ce rappel des événements et de bien spécifier que c’est grâce au PQ si Charbonneau existe et à monsieur Duchesneau ancien député CAP démissionnaire et ancien chef de police de la SPVM…