Lire: Dans les entrailles de la maison Trump

Pourquoi lire un autre bouquin sur les entailles de la maison blanche de Donald Trump ?

Après Fire and Fury: Inside the Trump White House d’un journaliste qu’on avait autorisé à roder dans les corridors pendant des mois, après Fear: Trump in the White House de Bob Woodward,, dont je parle plus bas, n’en sait-on pas suffisamment ?

J’ai donc hésité avant d’acheter mais j’ai cédé car il s’agissait ici d’un autre point de vue, celui d’un conseiller pro-Trump, d’un participant enthousiaste à la révolution trumpienne vivant des déconvenues de l’intérieur, sans jamais abandonner cependant son appui à son président.

Le récit est donc celui des loyaux à Trump, venus de sa campagne électorale et qui souhaitent l’application de sa politique, et des déloyaux à Trump, les républicains qui auraient préféré un autre candidat et qui tentent, de l’intérieur, de l’empêcher d’appliquer son programme et d’écarter ses fidèles. L’intérêt du récit tient à la tension entre ces deux camps, aux coups fourrés, à l’atmosphère pesante qui règne chez ces « bande de vipères ».

L’auteur est un ancien journaliste et sa plume est alerte, ses évocations vivantes. Parmi les moments surréalistes on retient le jour où il écrivait un communiqué pour défendre la conseillère Kellyanne Conway contre des accusations de déloyauté alors que celle-ci était en train de couler à des journalistes des commentaires déloyaux. Elle écrivait ces messages sur son téléphone intelligent et ils apparaissaient en temps réel sur son ordinateur portable, qu’elle avait prêté à Sims pour qu’il y écrive son communiqué. Ça ne s’invente pas !

Les autres personnages désormais célèbres: l’idéologue Steve Bannon, l’impayable Anthony Scaramucci, qui s’est auto-détruit en dix jours seulement, et plusieurs autres font la joie du lecteur.

Sims, responsable du « message », donc des discours, communiqués, lignes de presse et parfois auteur des tweets de Trump (mais pas ceux de 4 heures du matin) n’appuie pas inconditionnellement son président et ses comportements. Profondément chrétien comme certains autres conseillers (on apprend que Sarah Huckabee Sanders fait une prière avant chaque briefing de presse) il doit vivre avec les travers passés de son chef, sa réaction plus qu’ambiguë face aux violences racistes des néo-nazis à Charlottesville et autres. Mais de son point de vue conservateur, il estime que ces insuffisances, qui le troublent, sont largement compensées par les avancées permises par la fougue de Trump sur ce qu’il estime l’essentiel: la nomination de juges conservateurs à la Cour suprême, la politique de baisse d’impôts ou de déréglementation.

Est-il indispensable de le lire ? Non. Mais il apporte un éclairage unique, crédible, authentique.

Il est disponible en librairie, mais je n’ai pas d’indication qu’une traduction française existe.


Cet extraordinaire voyage au sein de la première année de l’aventure présidentielle Trump se lit avec un mélange de consternation et de fascination. La guerre des clans entre le conseiller Steve Bannon et les enfants du président en forme la trame. Le portrait fait du chef d’État le moins préparé à gouverner de l’histoire des États-Unis n’étonne pas, compte tenu de tout ce que l’on sait déjà, mais chaque nouveau détail noircit encore le tableau.
Est-ce que tout est vrai dans le récit ? Probablement pas, car les sources de Wolff mentent, comme le président lui-même. Est-ce le récit le plus proche de la réalité qui soit disponible en ce moment ? Fort probablement.

En tout cas, on ne s’ennuie pas.

Le livre est désormais disponible en poche et en français, sous le titre Le feu et la fureur, ici.


Pour ceux qui ont lu Fire and Fury: Inside the Trump White House et ont suivi de près l’actualité américaine, le livre de Woodward ne fait que confirmer que Donald Trump est colérique, xénophobe, obtus.

Mais on ressort de la lecture de ce livre avec un sentiment paradoxal. Trump a été élu en promettant un certain nombre de choses, absurdes, mais claires. Président, il insiste pour appliquer son programme, notamment le rétablissement de la balance commerciale américaine, d’où sa volonté de lancer des guerres commerciales contre les pays qui exportent davantage aux USA qu’ils n’importent. Ses principaux conseillers économiques ne sont pas d’accord et tentent par tous les moyens de l’empêcher de mettre en œuvre son programme. Ils lui font des briefings, lui montrent des données, mais font aussi exprès de retarder la prise de décision et vont jusqu’à subtiliser, sur son bureau, les documents qu’ils pourraient signer pour mettre en œuvre sa volonté.

Ces récits m’ont remémoré comment, dans Confidence Men: Wall Street, Washington, and the Education of a President, les conseillers de Barak Obama l’ont aussi empêché d’introduire les réformes qu’il souhaitait, notamment dans le milieu financier.

Il y a là, dans les deux cas, un refus de la légitimité du programme du gouvernement élu. Dans le cas de Trump, ce dernier a assez de suite dans les idées pour imposer son programme. Dans le cas d’Obama, il a abandonné, face à tant de résistance passive, son vœu de démanteler en plusieurs banques Citizen’s Bank.

En politique étrangère, Woodward, qui s’y connaît, explique bien le dilemme dans lequel sont les USA en Afghanistan. La volonté de Trump, exprimée pendant la campagne, est de simplement sortir ses troupes de ce merdier. Ses conseillers lui disent qu’abandonner le pays aux Talibans ne ferait qu’offrir un État aux auteurs de futures attaques terroristes, alors qu’on vient de tout mettre en œuvre pour faire disparaître l’État islamique.

Évidemment, Trump ne lit rien et ne fait qu’aborder les sujets en surface. Mais on s’étonne de l’entendre poser crument des questions de bon sens sur l’absence de stratégie de sortie et de maugréer contre la permanence de la présence américaine en Afghanistan.

Sur l’enquête sur la collusion avec la Russie, Woodward a parlé à la première équipe d’avocats de Trump, qui ont joué la carte de la transparence totale, dans l’espoir que l’enquêteur spécial conclue à l’absence de volonté criminelle. Ressort de son récit le fait que Trump est incapable de dire la vérité lorsqu’il tente de se défendre, mais sous ces mensonges, ressort aussi le sentiment qu’il n’y a finalement qu’assez peu de feu sous toute cette fumée. Woodward n’a pas, ici, de source chez Mueller, donc le récit est déséquilibré.

Comme d’habitude avec Woodward, on entre dans les coulisses de la Maison Blanche et dans les conversation du président avec le sentiment d’être directement les témoins de l’histoire et en se demandant pourquoi tous ces gens lui ont parlé.

On en sort mieux éclairé.

Fear est aussi disponible en français sous le titre Peur: Trump à la Maison-Blanche ici 


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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !

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