Lire Le Carré : Mode d’emploi

C’est ce qu’on appelle une valeur sûre. Qu’on soit, comme moi, un fidèle ou, comme vous peut-être, un novice, entamer un Le Carré c’est se laisser guider par un conteur d’une redoutable efficacité.

L’intrigue, bien sûr. Une horlogerie sans faille. Mais on s’étonne de constater comment, depuis maintenant un demi-siècle, Le Carré colle au présent. Celui qui vient de s’éteindre à 89 ans,  a brillé jusqu’à la fin par sa capacité à traduire l’air du temps.

Il nous a conduit de la guerre froide, à ses débuts, aux lendemains de la chute de la Maison Russie, à la montée des oligarques et nous plonge aujourd’hui dans une Angleterre désemparée à l’ère du Brexit, de Trump et de Putin. (La traduction française de ce dernier ouvrage s’intitule Retour de service.)

Comme d’habitude, Le Carré incarne le dilemme géopolitique du moment dans la vie de ses protagonistes, qu’il dessine avec amour, délicatesse, nuance et beaucoup d’empathie. Bref, un régal.

Si vous souhaitez entrer dans son univers, voici mes suggestions.
(Pour commander les ouvrages en ligne, cliquez sur la couverture ou sur le titre en bleu.)

Débutez par Un pur espion/A perfect spy.  Le livre ne fait pas partie de la série historique construite autour de l’agent Smiley mais porte en lui l’univers d’espionnage Est-Ouest et la qualité d’écriture qui ont fait la renommée de Smiley. Probablement un de ses chefs-d’oeuvre.

Je suggère ensuite La petite fille au tambour/Little Drummer Girl. Le Carré plonge ici dans le conflit Israélo-Palestinien de façon extrêmement habile. Lorsque je donnais des cours de journalisme d’enquête, je conseillais ce livre pour la technique d’entrevue/interrogatoire utilisé par un des protagonistes.

Je poursuivrais avec Le tailleur de Panama/The Taylor of Panama. On n’avait encore pas entendu parler de fake news ou de réalité alternative. Le Carré trace ici le portrait des conditions de création et de croissance d’un malentendu devenu mensonge qui aura des conséquences majeures sur un petit pays. Délicieux.

Le Carré a traité deux fois d’affaires africaines. Son Chant de la Mission/Mission Song sur une tentative de libération du Kivu, riche en minéraux, dans l’Est du Congo est simplement à faire pleurer.

Bon, maintenant que vous avez goûté à la méthode Le Carré et que vous y avez, c’est certain, pris goût, je vous invite à mordre dans sa grande trilogie de la guerre froide. Adaptée plusieurs fois au petit écran et au cinéma, la trilogie met en opposition George Smiley, du contre-espionnage britannique, et Karla, le super-espion qui tire les ficelles au sommet du KGB.


La Taupe/Tinker, Tailor, Soldier, Spy, porte sur l’infiltration soviétique des services secrets anglais et la chasse à la taupe. C’est, à mon avis, le plus difficile d’accès. Il faut s’accrocher, mais ça vaut la peine.

Dans Comme un collégien/The Honourable Schoolboy, Smiley fait le constat des dommages causés par Karla, tente de remonter sa piste et de démonter sa méthode. C’est d’une intelligence folle.

Finalement dans Les gens de Smiley/Smiley’s People, on assiste à la confrontation finale avec Karla. Très satisfaisant.

Ensuite, vous pouvez prendre le reste de l’oeuvre dans l’ordre qui vous plaira.


 

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !