Loi spéciale : des conservateurs la mettent en conserve

Je vous parlais récemment ici des auteurs conservateurs québécois Mathieu Bock-Côté, sociologue, et Éric Bédard, historien. Ils ne sont pas du genre à soutenir des étudiants grévistes en petites culottes réclamant la gratuité.

Mais la loi spéciale, c’est autre chose.  Mathieu écrit sur son blogue :

Il faut restaurer l’ordre public ? Bien d’accord. Mais cela ne peut se faire dans le mépris des autres institutions qui fondent notre démocratie. Cela ne peut se faire en piétinant la vocation de l’Université. Cela ne peut se faire en confondant la baguette du professeur avec la matraque du policier.

La solution à cette crise est politique. Elle suppose un compromis du gouvernement. Elle suppose un compromis de la part des étudiants. Je devine que cela pourrait prendre la forme d’un dégel modéré, moins massif que celui qui était prévu au départ. Mais cela présuppose que les deux protagonistes se réconcilient autour d’un principe indispensable : le respect de la paix civile.

Éric a mis ceci sur son mur Facebook :

S’il était légitime de critiquer la CLASSE, les débordements, le lyrisme révolutionnaire, la réaction du gouvernement Charest à ces débordements est à l’image de leur gestion de crise : maladroite, mal avisée, déphasée, choquante même.

Au lieu de discuter du fond de la question (gel ou dégel, gestion des universités, orientation de nos politiques publiques), nous allons passer des mois à débattre d’enjeux bien différents : qu’est-ce que la liberté d’association ?  Qu’est-ce qu’une manifestation « paisible » ? Qu’est-ce que la démocratie ? Un simple débat de société risque de se muer en débat sur la légitimité d’un régime.

En voulant clore une discussion, le gouvernement en provoque une autre, beaucoup plus lourde. Quel gâchis…

Dernière minute : Richard Martineau, qui ne se définit pas comme conservateur, vient de gazouiller ceci :

Charest : c’est ce qu’on appelle échapper la balle, big time. Était-il obligé d’aller si loin ? Quand le pompier jette de l’huile sur le feu.

Ajouts : Éric Duhaime ajoute son grain de sel sur Twitter :

Je déteste l’État qui brime mes libertés économiques. Je déteste aussi l’État qui brime mes libertés civiques.

Autant je trouve détestables les idées gauchistes de certains manifestants, autant je vais défendre leur droit de s’exprimer librement.

Joseph Facal, lui, est pour.

La loi spéciale reprend les paramètres habituels des lois du genre. Ce n’est jamais élégant ni agréable, mais il faut ce qu’il faut.

Ce contenu a été publié dans Printemps érable par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !