Marois « d’attaque » sur la langue

congres2011_400x400_01-150x150Samedi, devant ses militants, Pauline Marois s’est dite «d’attaque».  La proposition qu’elle a déposée en vue de son congrès, et qui reflète donc son programme de gouvernement, contient en effet la plus grande offensive linguistique jamais imaginée par le PQ, depuis la loi 101 de Camille Laurin.

Disséminées dans le document de 55 pages, on trouve des mesures qui sont, à mon avis, à la hauteur de la tâche. Laquelle ? Freiner, puis renverser le déclin de la langue française à Montréal, dont les locuteurs (langue d’usage) seront bientôt minoritaires.

Je remets ici les propositions par ordre d’importance et on verra que la mesure — significative — sur les Cégeps n’est pas la plus importante ni la plus structurante de toutes.

Le PQ s’attaque à chacune des variables principales qui fragilisent le français. Ayant, dans mon livre Nous, sur ce blogue, en conférences publiques et en privé lorsqu’on m’a, parfois, invité à le faire, fait la promotion de plusieurs de ces mesures, je ne vais pas me gêner aujourd’hui pour souligner les progrès, et indiquer les insuffisances restantes.

1. La composition linguistique de l’immigration

Rien n’a plus de poids, dans l’évolution linguistique du Québec et de Montréal, que les capacités linguistiques des immigrants. Dans l’état actuel du plan Charest, le Québec devrait accueillir en 20 ans un million d’immigrants dont 400 000 n’auraient aucune connaissance du français au point d’entrée. Et, comme nous l’a indiqué le Vérificateur général ce printemps, cela surestime certainement cette connaissance du français, tant les tests sont des passoires.

Or dans la section immigration du document, on lit qu’un gouvernement péquiste :

* Exigera de tous les candidats à l’immigration qu’ils remplissent des conditions liées à la connaissance du français, à l’employabilité et à la sécurité, et ce, avant leur arrivée au Québec.

Cette seule mesure est capitale. Pour la première fois, le Québec exigerait de tous ses futurs immigrants la démonstration d’une connaissance minimale du français au point d’entrée. C’est ce que font depuis une dizaine d’années d’autres nations occidentales, la France, le Royaume-Uni, bien d’autres.

2. Freiner l’exode des francophones vers les banlieues

La seconde variable la plus importante dans le déclin du français à Montréal est la propension des jeunes francophones à quitter l’île au moment de l’acquisition de leurs résidences. Dans la section Métropole de la proposition, on lit qu’un gouvernement péquiste:

* Relancera la construction de logements pour les familles, en vue de les garder ou de les inciter à revenir vivre sur l’île de Montréal.

C’est la proposition la plus faible du texte. Il faudrait à mon avis que le PQ annonce que son gouvernement établira sans inhibition qu’il est d’intérêt national qu’une nette majorité des habitants de l’île soient des francophones de langue d’usage.

L’affaire n’est pas simple, mais pour y arriver, qu’il dise vouloir mettre en œuvre des mesures incitatives d’application générale, non discriminatoires, de nature fiscale, administratives ou autre, mais dont l’impact sera la rétention des francophones sur l’île ou leur établissement ou rétablissement. Par exemple, des mesures visant la rétention des jeunes familles sur l’île ou leur attraction (une aide à l’achat d’une première ou d’une seconde résidence) seraient ouvertes à tous, mais puisque la majorité des jeunes familles quittant l’île sont francophones, l’effet principal serait la rétention de davantage de francophones.

3. Assurer la francisation des PME

La loi 101 avait visé les entreprises de plus de 50 employés. Or l’utilisation de l’anglais dans les petites entreprises est un important facteur d’anglicisation des nouveaux arrivants. La proposition indique qu’un gouvernement péquiste:

*Étendra graduellement les dispositions déjà existantes appliquées aux entreprises de plus de 49 employés, aux entreprises comptant de 11 à 49 employés dans la nouvelle Charte de la langue française;

4. Les cégeps

L’extension de la loi 101 aux cégeps a acquis au fil des ans un poids symbolique supérieur à son impact réel sur la situation linguistique. Cependant, il n’est pas anodin qu’une nation à la situation fragile finance, via les cégeps anglophones ouverts à tous, l’anglicisation d’une partie de ses élites techniques et professionnelles. Cette situation ne peut plus durer.

Habilement, la proposition d’extension de la loi 101 aux cégeps est assortie d’une offre plus solide d’enseignement de l’anglais, répondant à la demande légitime des parents à cet égard.

D’abord, aux niveaux primaire et secondaire, un gouvernement péquiste:

*Favorisera l’apprentissage de l’anglais en recourant à la pédagogie la plus efficace qui soit dans l’enseignement intensif à un moment de la scolarité où l’acquisition du français est confirmée, c’est-à-dire à la fin du primaire ou au début du secondaire;

Ensuite, au niveau collégial:

*Fera en sorte que les cégeps francophones offrent, aux étudiants qui le désirent, une session d’immersion en anglais et, inversement, que les cégeps anglophones offrent une session d’immersion en français à leurs étudiants;

Cette proposition est bienvenue, mais mes lecteurs réguliers savent que j’appelle à une audace plus grande encore. Cette réforme permettra, certes, de soustraire aux Cégeps anglophones une partie de la clientèle allophone, mais pas toute. Les allophones historiques (grecs et italiens, par exemple) ainsi que les cégépiens anglophones continueront cependant à vivre au Québec sans avoir jamais transité par un palier d’éducation francophone.

À degré de difficulté politique égal, j’estime socialement et linguistiquement plus souhaitable encore de faire en sorte que l’étape du cégep, au Québec, soit en français pour tous. Qu’à l’intérieur de ce cégep francophone ouvert à tous les étudiants, ceux qui le désirent puissent avoir accès à une session en anglais.

Nous aurions ainsi la certitude que la totalité des futures élites québécoises aient une réelle connaissance, opérationnelle, du français et, pour des milliers d’entre eux, un réel contact avec la majorité francophone.

Et la langue du commerce ?

Je n’ai parlé ici que des quatre principales propositions linguistiques du document, il y en a plusieurs autres. J’en profite pour soumettre une autre proposition à la discussion, qui concerne la langue du commerce. On le sait,un nombre croissant de francophones ont eu la mauvaise surprise de se faire servir en anglais seulement dans certains commerces, notamment à Montréal. Cette situation, dont l’ampleur est difficile à saisir, est simplement inacceptable car les commerçants ont l’obligation de pouvoir servir la clientèle en français en tout temps et en tous lieux.

Un gouvernement du Parti québécois devait envoyer un signal clair aux entreprises de service qui embauchent, pour interagir avec la clientèle, du personnel incapable de s’exprimer en français. Un processus de remise d’infraction rapide, semblable à une contravention, comportant des amendes sévères augmentant en cas de récidive, devrait être établi.

Ce contenu a été publié dans Langue, Parti Québécois par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !