Maxime Bernier sur les traces de Trudeau ?

38553243_trudeau_238Maxime Bernier fut un jour présenté par Brian Mulroney comme «un futur premier ministre du Canada». Il ne l’a pas oublié. Il a de l’ambition. Ce n’est pas une tare. Cependant il a maintenant choisi de creuser une veine, le « Québec bashing », qui a eu (et aura?) ses heures de gloires dans l’histoire politique canadienne.

Libertarien convaincu, Maxime Bernier sert une version pur jus des concepts du Fraser Institute et de l’IEDM, ceux des néo-conservateurs américains. (Non, le fait que leurs politiques aient produit la pire crise du capitalisme depuis les années 1930 n’a rien modifié à leurs convictions. Ces gens sont surréalistes et inoxydables.)

L’intervention de l’État est un frein à la prospérité, répète Bernier, oubliant au passage que les pays scandinaves sont parmi les plus interventionnistes et les plus prospères sur le globe, sans connaître la pauvreté et la criminalité dont souffrent les USA. Maxime a aussi enfourché récemment le cheval du scepticisme climatique.

Dans les milieux conservateurs, il est « hot ». Tant mieux pour lui.

Des lucides aux « enfants gâtés »

En politique intérieure québécoise, il reprend les critiques des lucides face à l’État québécois. Rien d’original. Que de la cohérence.

Il a cependant franchi un pas important et risqué, vendredi en Montérégie, en liant sa critique des politiques économiques du Québec à une dénonciation des revendications québécoises au sein du Canada :

Autant les gouvernements fédéralistes que les gouvernements séparatistes du Québec se sont servis de la menace de la séparation pour aller chercher plus d’argent. Vous vous souvenez de la Commission Bélanger-Campeau ? Du débat sur le déséquilibre fiscal ? C’est toujours le même discours, la même politique de quémandage.

Autre extrait :

Disons-nous les choses franchement : dans le reste du pays, il y a beaucoup de gens qui perçoivent les Québécois comme des enfants gâtés qui n’en ont jamais assez et qui en redemandent toujours. Ce n’est pas pour rien si cette perception existe. Ça découle de 40 ans de débats futiles sur l’indépendance ; 40 ans de politiques irresponsables de la part de gouvernements du Québec qui vivent au-dessus de leurs moyens et qui nous endettent ; 40 ans de revendications pour aller chercher toujours plus d’argent dans les poches de nos concitoyens du reste du Canada.

Que Maxime Bernier reprenne les rengaines de droite sur la pauvreté du Québec est une chose. Qu’il assimile la totalité de l’effort québécois pour sa reconnaissance et son autonomie, voire sa souveraineté, à un «quémandage» est autre chose, qui a des relents de déjà entendu. On note d’ailleurs dans son récit l’absence de toute référence au fait que l’ordre constitutionnel canadien soit imposé au Québec, contre son gré, depuis maintenant 28 ans.

Pierre Trudeau, maître du mépris

« Nous sommes en voie de devenir un dégueulasse peuple de maîtres-chanteurs. » C’est ainsi que Pierre Trudeau décrivait les Québécois dans son tout premier article de Cité Libre, en 1950.

En 1992, dans un article où il pourfendait la réforme constitutionnelle proposée par le conservateur Brian Mulroney, Pierre Trudeau reprenait le passage de Cité Libre, puis ajoutait : « Les choses ont bien changé depuis ce temps, mais pour le pire. »

La critique constante que Trudeau a faite des demandes québécoises l’a transformé, à partir de 1990, en héros au Canada anglais. C’est celui qui donnait au Québec-bashing ses lettres de noblesse. Celui qui, compte tenu de son origine québécoise, accordait la permission de refuser au Québec sa reconnaissance comme peuple, nation, société distincte.

De même Jean Chrétien, qui a fait campagne contre l’accord du lac Meech pour devenir chef libéral en 1990, était le Québécois qu’on aimait outre-Outaouais, car il disait tout haut le mal qu’on pensait du Québec.

Une place à prendre

Depuis quelque temps, la place du « Québécois qui dit du mal du Québec » était libre. Il y avait, au Canada anglais, un marché à prendre.

C’est un paradoxe de l’histoire que Maxime Bernier, ex-attaché politique de Bernard Landry, revête aujourd’hui un des habits de Pierre Trudeau.

Ce choix idéologique lui gagnera des appuis au Canada, c’est certain. Toute l’aile conservatrice du Reform est gagnée à cette idée. L’Alberta, où la détestation du Québec est la plus forte, est un terreau fertile.

Même au Québec, on trouve des preneurs, comme au temps de Trudeau. Ainsi, le ministre Jean-Pierre Blackburn a appuyé ce mercredi son jeune collègue :

« L’image qu’on a projetée à l’extérieur du Québec, au niveau des autres provinces, c’est que le Québec demande tout le temps, quémande, n’est jamais content et n’est jamais satisfait. »

Ce genre de déclaration ne va certes pas aider les candidats conservateurs à se faire réélire, dans les campagnes québécoises.

Mais Maxime Bernier tient la plus forte majorité conservatrice québécoise, dans son château fort beauceron.  Serait-il demain le seul député conservateur restant, il demeurerait toujours en piste pour la succession. Bernier premier ministre, on sait déjà comment il répondrait aux « quémandeurs » québécois.

On moins, on est averti !

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Au sujet de l’oeuvre de Pierre Trudeau face au Québec, j’offre aux intéressés, en archive, la lettre que j’avais contribué à préparer pour le premier ministre Lucien Bouchard qui répondait aux arguments avancés par Trudeau.

On peut la lire ici : Le club des démocrates.