Mémo à John Kerry : Attaquez Bush sur sa droite

Mémo au : candidat démocrate à la présidentielle

Sujet : Repositionnement pour le dernier sprint

Il ne reste que neuf jours de campagne avant le vote. Vous avez fait des gains importants lors des trois débats, mais les sondages montrent que ce ne sera pas suffisant. Vous avez besoin d’un nouveau souffle.

Marteler encore les thèmes des pertes d’emploi et de l’assurance-santé ne permettra pas d’engranger davantage de votes. Pour ceux qu’il reste à convaincre, il est trop difficile de départager ce qui est clairement bénéfique dans vos propositions et clairement néfaste dans celles de votre adversaire.

Il est temps de sortir l’artillerie lourde et de revenir sur le champ de bataille central de l’élection : l’intervention en Irak. Vous avez réussi à redonner de la crédibilité à votre opposition à une guerre déclenchée trop hâtivement et sans l’appui suffisant des alliés. Cependant il s’agit d’un débat d’arrière-garde. Il porte sur le passé, pas sur le présent ou l’avenir.

La question qu’il faut poser est celle de la compétence du commandant en chef pour renverser la situation en Irak. Voilà la principale vulnérabilité de George W. Bush. Votre timidité à vous y attaquer a assez duré.

Il saute aux yeux de tous les électeurs – pour ou contre la guerre – que les ressources allouées aux troupes furent nettement insuffisantes dès après la prise de Bagdad. La guerre a été menée de façon compétente, mais la planification de la paix est un échec historique. Vous n’avez accusé le président d’être incompétent dans l’intervention en Irak que du bout des lèvres, en reprenant le jugement porté par le sénateur républicain Richard Lugar.

Il faut utiliser les derniers jours de campagne pour démontrer à ceux qui approuvent l’intervention en Irak que George Bush est un commandant en chef d’une médiocrité telle que son maintien au pouvoir est un danger pour la sécurité des États-Unis. Il faut le mettre sur la défensive non sur sa gauche, maintenant unie autour de vous, mais sur sa droite, où il ne vous attend pas. Voici ce que vous pourriez dire :

* Les Irakiens devaient être reconnaissants de l’intervention américaine et cette reconnaissance devait faire boule de neige dans la région. C’était possible, vous l’auriez fait. Mais par son incompétence, George Bush a gaspillé cette occasion. Il a refusé d’écouter ses généraux qui lui disaient d’envoyer des centaines de milliers de soldats supplémentaires pour établir, dès les premiers jours, un sentiment de sécurité et de contrôle dans le pays. Ce faisant, le président a commis une faute qui a coûté des vies, aux troupes américaines et aux civils irakiens.

* L’Irak devait devenir un phare de démocratie dans la région. C’était possible, vous l’auriez fait. Mais par son incompétence, George Bush en a fait le nouveau paradis des terroristes. En ne fermant pas les frontières dès la fin de l’offensive, en ne sécurisant pas rapidement tous les sites militaires, en ne protégeant pas efficacement les civils étrangers, le président a mis tous les résidents irakiens en danger et a permis le déclenchement d’une cruelle vague d’enlèvements terroristes.

* L’intervention en Irak devait donner au Moyen Orient et au monde le signal d’une puissance américaine compétente et efficace. C’était possible, vous l’auriez fait. Mais en ne mobilisant qu’à moitié, en tentant de faire une occupation à rabais, le président donne au monde l’image d’une Amérique pataude, vulnérable, isolée, à bout de ressources. Le président a affaibli l’Amérique et met en danger, par cette démonstration de faiblesse, les Américains vivant à l’étranger et au pays.

Les Américains indépendants qui pensent voter Bush veulent le faire parce qu’ils sont portés à appuyer un candidat plus audacieux (Bush) plutôt qu’un plus réfléchi (vous). Il faut scier cette branche. Démontrer que Bush a péché, non par excès, mais par manque d’audace, manque de volonté de mobilisation militaire et financière. Il n’échoue pas en Irak parce qu’il est trop va-t-en-guerre (votre position initiale), il échoue parce qu’il ne l’est pas suffisamment.

Nous savons pourquoi vous ne vous êtes pas engagé sur ce terrain : Dire cela, c’est annoncer que vous allez renforcer la présence américaine en Irak, non la réduire comme vous le laissez entendre jusqu’à maintenant. Mais il est temps de reconnaître que le retrait américain de l’Irak n’est pas crédible. Ce message n’est jamais passé dans l’opinion, et pour cause. Il est temps de dire que les États-Unis sous une présidence Kerry vont – bien – terminer ce que Bush a – mal – commencé. Et les alliés ne pourront être convaincus de s’impliquer davantage que si les États-Unis s’impliquent davantage également, non l’inverse.

On peut penser qu’il est un peu tard pour procéder à ce repositionnement, quoique des fuites récentes qui illustrent le refus du président d’écouter ses généraux vous donnent une justification partielle. Vous avez le choix : marteler ce nouveau message maintenant, sur toutes les tribunes, dans toutes les pubs, jusqu’au 2 novembre ; ou vous demander, le lendemain d’une défaite le 3 novembre, si vous auriez du foncer.