Mémo au juge Bastarache : libérez-vous des libéraux !

887-couleuprLe premier ministre du Québec a mis son sort entre vos mains en vous désignant responsable de l’enquête portant sur les graves affirmations de trafic d’influence portées par son ancien ministre de la Justice dans la nomination de juges.

Dans les entrevues que vous avez données hier, vous êtes resté prudent en indiquant que vous ne comptez pas aller au-delà du mandat qui vous est confié et spécifiquement que vous n’avez pas à vous intéresser à la « provenance des sommes » des corruptions alléguées et que vous n’avez pas à « faire une enquête sur le financement du parti libéral ». Cependant vous avez ouvert deux portes :

1) « je veux voir aussi s’il y a un problème systémique » dans ce trafic d’influence (SRC) ;

2) « avec l’enquête, souvent on va voir surgir des choses qu’on ne soupçonnait pas et ca va changer un petit peu le cours des choses, je vais m’ajuster » (TVA).

Un problème systémique, cela ne peut signifier qu’une chose : une culture de l’influence allant des donateurs et des collecteurs de fonds libéraux vers ceux qui décident des nominations, donc le ministre de la Justice et le bureau du premier ministre. Cela fait déjà tout un mandat.

Des choses surgir, cela ne peut signifier que l’aveu, par un témoin ou un participant, qu’en plus de l’achat de juge, il y avait d’autres emplettes : contrats, nominations, etc. Vous auriez pu indiquer que vous alliez « référer ces faits hors-mandat à la Sûreté du Québec ou à la GRC, selon le type d’infraction ». Mais vous avez préféré dire « je vais m’ajuster ».

Si c’est le cas, comment le justifier, au regard du mandat assez restreint que vous a tracé le premier ministre, dont vous ne pouvez ignorer qu’il est juge et partie dans cette affaire ?

Vous n’avez, Monsieur le Juge, qu’à continuer à faire ce pour quoi vous vous êtes rendu célèbre : de l’interprétation créative des textes.

En effet, à la Cour suprême, lors de l’arrêt Beaulac en 1999, vous avez réussi à faire dire aux dispositions linguistiques de la constitution canadienne qu’elles ne prévoyaient pas seulement l’obligation de livrer tel ou tel service –  comme l’éducation ou la justice – en français. Vous y avez lu (avec des lunettes juridiques 3D)  « la nécessité d’interpréter les droits linguistiques comme un outil essentiel au maintien et à la protection » des minorités linguistiques.

Donc, non seulement la protection des droits, mais l’obligation de les appliquer de telle façon que la minorité soit protégée et maintenue, même si elle décline en nombre, même si elle n’utilise pas les services offerts, comme c’est souvent le cas.

C’est un peu comme dire que l’article du Code de la route qui prévoit que les vélos peuvent circuler sur la voie publique signifie, en fait, que le gouvernement a l’obligation d’apprendre à tous à faire du vélo et de leur acheter un vélocipède.

Vous n’aurez donc aucun mal, compte tenu de vos talents interprétatoires, à vous « libérer des libéraux » et de mener l’enquête là où bon vous semble.

Bastarache: un activiste créatif, ici pour les droits francophones (Caricature Ass de la presse francophone)

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !