Mulcair, pitbull pour la cause : la mauvaise, puis la bonne ?

mulcair-pugnace-150x150Je tiens à confier au lecteur que je ne suis pas prédisposé à dire du bien de Thomas Mulcair. Comme conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, je l’ai vu mener la charge, chaque jour à la période de questions, avec une agressivité et une mauvaise foi hors normes. « À la Chambre, confirme un de ses collègues libéraux plus modéré, il était terrible ! C’était sans foi ni loi ! »  Idem au sujet des votes référendaires annulés dans sa circonscription, où il a fait preuve d’une extraordinaire malhonnêteté intellectuelle.

Mais, c’est souvent le cas, les pires bagarreurs dans l’opposition peuvent se révéler efficaces  au pouvoir. Et si on mesure la droite, du moins une certaine droite, à son à-plat-ventrisme envers le privé, alors Thomas Mulcair fut, au ministère de l’Environnement, le Che Guevara québécois.

« C’est un bagarreur, note le journaliste du Devoir Louis-Gilles Francoeur, qui a assuré la couverture de chacune de ses croisades. S’il pogne un pollueur, c’est un pitbull. Il va revenir avec son fond de culotte dans la gueule et il va s’en réjouir.»

C’est précisément sa volonté de résister aux intérêts privés particuliers qui lui ont valu son expulsion du ministère de l’Environnement, en 2006. D’abord, dans le dossier de la privatisation partielle du parc du Mont Orford — dossier personnel du premier ministre –, il a soulevé objection sur objection, refusant de signer l’autorisation administrative requise, voulant préserver le domaine public contre les promoteurs.

Sa réforme du ministère de l’Environnement avait également augmenté, comme on l’a noté hier, l’efficacité et le nombre d’interventions de ses inspecteurs, au grand dam des constructeurs de petites dams [barrages], entre autres. S’il avait gagné toutes ses batailles administratives, dont le rapatriement des biologistes du ministère de la Faune, ses services auraient été encore davantage des empêcheurs de polluer en rond.

Sa décision fatale fut celle d’appliquer désormais la loi et de protéger tous les milieux humides du Québec, y compris ceux sis en terrains privés, y compris ceux situés sur la belle île de Laval, joyaux des entrepreneurs, des contracteurs, des remblayeurs, sous la royauté du maire Gilles Vaillancourt, que Mulcair n’a jamais porté dans son cœur.

Mais qui dit entrepreneur en construction dit contributeur à la caisse du PLQ et, parfois, organisateur libéral. Comment Mulcair pensait-il l’emporter et faire plier la colonne vertébrale financière du parti ?

« Mulcair pensait qu’il était indispensable, note un témoin. Il pensait qu’avec sa réputation et l’appui du public, il allait gagner. » Il comptait aussi, ajoute Francoeur, sur ses appuis au Conseil des ministres.

Mais les entrepreneurs ont eu sa peau. Jean Charest lui a montré la porte, en lui offrant une rétrogradation aux Services gouvernementaux. Mulcair a compris et est parti. Les milieux humides ont été les victimes collatérales de cette opération.

Alors, de gauche ou de droite, Thomas Mulcair ?

« Thomas travaille pour Thomas, résume Liza Frulla, qui a siégé avec lui. Mais de dire que c’est un gars de droite, je ne suis pas prête à dire ça. Peut-être plus à droite que le NPD en général, mais je le mets dans la même ligne que Jack Layton. »

Un autre ex-ministre le dit « pragmatique avant tout ». Un troisième : « J’étais loin de penser qu’il était de centre droit. Il avait des préoccupations sociales, sur les garderies et la politique familiale, par exemple. »

Mais rien n’est plus parlant que son attitude à la barre du ministère de l’Environnement. Avocat de formation, Mulcair tient à un principe d’équité : l’égalité devant la loi. Il appliquait et faisait appliquer la loi avec force et rigueur, quelles que soient les affiliations politiques ou le compte en banque des pollueurs. Il avançait, contre les avis contraires des ministères des Ressources naturelles et de l’Agriculture.

« Ce n’est pas un militant de gauche, résume Louis-Gilles Francoeur, du Devoir. Mais il pouvait aller loin sur le plan de l’éthique et de l’égalité devant la loi. » Mulcair au pouvoir avait, ajoute-t-il, « une grande rectitude à cause de ses valeurs sur l’équité ».

Aux militants du NPD de décider si ça leur suffit…