Nouveau parti: Quelles forces pour Force Québec ?

lucidesLe journaliste de TVA Robert Plouffe nous apprenait ce mercredi que le nouveau mouvement politique que tente d’organiser François Legault s’appellerait Force Québec. Je dis: pas mal ! L’idée étant de rendre le Québec plus fort, c’est bien trouvé.

Cependant, le nouveau groupe devra faire une démonstration de force pour gagner une crédibilité durable dans l’opinion.

Certes, le jour de l’annonce du lancement du mouvement, la présence d’un ancien ministre senior du gouvernement Bouchard (ou deux), annonçant vouloir s’opposer à son ancien parti aura un impact négatif sur le Parti québécois. Cela le mettra sur la défensive. Généralement — j’en ai fait plusieurs fois l’expérience — le PQ gère très mal la défensive et le fait de la pire façon: en ordre dispersé.

Mais une fois ce moment passé, la question reviendra: quelle crédibilité donner au mouvement de François Legault ? C’est le politologue de l’Université Laval Vincent Lemieux qui nous a enseigné comment l’opinion accorde du crédit à un groupe politique: par cercles concentriques, le groupe doit d’abord montrer sa capacité à assurer sa cohésion et unir ses alliés potentiels, sinon il n’est pas considéré comme compétent pour rassembler au-delà de ces premiers cercles.

1) Réunir les lucides

Au jour de sa fondation, le FQ (je suppose que ce sera le sigle, on parlera donc des Féquistes) doit survivre à un premier point de comparaison : le nombre et la qualité de signatures réunies il y a cinq ans par les lucides, dont ce mouvement est l’héritier politique.

On y trouvait notamment les Facal, Bouchard, Robert Lacroix, Claude Montmarquette, Pierre Fortin, l’ex-ministre libéral Guy Saint-Pierre, la productrice Denise Robert et la chef d’entreprise Denise Verreault.

François Legault n’a pas besoin des mêmes, mais il doit présenter un calibre équivalent. La présence ou l’absence des Bouchard et Facal, seront, a fortiori, une indication forte de sa capacité, ou non, de rassemblement.

On rapportait ce jeudi, sur TVA et la SRC, que Charles Sirois, l’homme d’affaires qui fit à la fois fortune et faillite dans les télécommunications, et Normand Legault, ex-pape de la Formule I,  étaient présents lors d’une rencontre d’information/stratégie, le 11 septembre dernier, à la résidence de François Legault. Seront-ils du voyage ?

2) Les futurs-ex-adéquistes

Une fois passé le test de la reconstitution de la force de frappe des lucides, le test de la crédibilité se portera sur la capacité du FQ d’intégrer ses jumeaux idéologiques, les députés de l’ADQ. Il semble acquis que l’ex-aspirant chef puis adéquiste démissionnaire, Éric Caire, sera du voyage féquiste. Bien.

Mais les autres députés, Gérard Deltell en tête, feront-ils le saut? En un sens, si Legault et son équipe n’arrivent pas à rallier ceux qui sont de leur famille idéologique, et à absorber ce qui reste de l’ADQ sous un chapeau nouveau et amélioré (comme le RIN s’est dissout dans le PQ), cela sera vu comme un signe de faiblesse.

S’il y arrive, cependant, cela donnera au nouveau mouvement une petite aile parlementaire, ce qui n’est pas un bénin bénéfice. Avec un minimum d’effort, Caire et Deltell pourraient, à eux deux, être plus visibles et audibles qu’Amir Kadir !

3) La cohésion interne

Voilà une des causes de la déconfiture de l’ADQ, lors de la croissance de ses candidats vedette en 2007: la polyphonie et la cacophonie. Trop de contradictions entre les porte-parole tue le message.

On peut penser que l’appareillage de François Legault tiendra un discours cohérent sur les finances publics, la gouvernance et l’économie. Mais comme le signalait mon ami Facal I, il sera difficile de tenir souverainistes et fédéralistes sur un discours unique concernant: la loi 101, les écoles passerelles, les accommodements raisonnables, la laïcité, etc. Et les gaz de schistes ? Et l’environnement ? Et l’eau ?

4) Les signaux externes

Vincent Lemieux nous a aussi appris que l’opinion est très sensible aux signaux envoyés par les corps sociaux. Ils tenteront de voir si les gens d’affaires, alliés naturels, s’y montreront visiblement favorables. (Et si les syndicats sont contre — le contraire serait louche.) Ils voudront savoir si la personnalité télévisuelle Mario Dumont en dit, ou non, du bien. Les éditorialistes de droite enverront également des signaux. Un Alain Dubuc qui serait négatif, par exemple, ce serait une petite tuile.

5) La chasse aux électeurs

Une fois ces tests à peu près franchis, l’électeur cible du FQ sera prêt à se faire séduire. Où se trouve-t-il ? Contrairement à ce qui semble être généralement accepté, je crois qu’il est davantage chez les électeurs francophones ayant voté PLQ dans le passé que chez les péquistes.

S’il se transforme en parti à temps pour la prochaine élection, le FQ tiendra un discours de l’effort, de la rigueur budgétaire, de la remise en cause des acquis sociaux, du remboursement de la dette, du rapetissement de l’État. Cela sera fait, j’en suis certain car je connais François Legault, aussi intelligemment que possible.

Cependant cela sera compris comme suit: Vous n’avez pas, à 70% de Québécois, aimé le budget Bachand d’augmentation de tarifs et de taxes ? Ce n’est rien à côté de ce que vous promet maintenant le FQ !

Il y a un marché pour ce discours: les électeurs de l’ADQ, une toute petite tranche de péquistes, mais surtout les libéraux francophones de droite qui: 1) n’ont déjà pas voté en 2008; 2) ne voudront pas voter pour un PLQ déconsidéré, même avec un nouveau chef, la prochaine fois.

Je pense donc que le parti de François Legault, s’il franchit toutes les étapes, nuira davantage aux libéraux qu’aux péquistes.

La nécessaire abnégation

Cela dit, je me dois d’ajouter en terminant que je lève mon chapeau à François Legault et à tous ceux qui ont suffisamment de détermination et d’abnégation pour se lancer dans l’arène politique et vouloir créer une nouvelle formation.

Quels que soient mes désaccords avec lui (et avec eux), la santé démocratique dépend, en dernière analyse, des volontés individuelles de participer pleinement au débat public, dans les formations existantes ou dans de nouvelles. C’est ainsi que François, s’il va de l’avant — et comme Mario Dumont l’avait fait avant lui –, met du carburant dans le moteur de la démocratie québécoise.