Pétrole: 14 milliards de dollars québécois plus tard

petrole_oil_dollar_2-150x150Peut-on affirmer, comme le titrait André Pratte dans son éditorial de La Presse samedi dernier, que le pétrole albertain est Notre pétrole ? Absolument.

Depuis 40 ans, les Québécois ont investi collectivement, par leurs taxes et impôts fédéraux, 14 milliards de dollars dans l’industrie canadienne des hydrocarbures.

Nous avons vu hier que l’augmentation de la production pétrolière pousse à la hausse le dollar canadien et que, selon un groupe d’économistes, ce phénomène est responsable de la destruction de 55 000 emplois manufacturiers québécois entre 2002 et 2007. Et ça ne fait que commencer. Or voici comment le Québec a financé ce cercle vicieux:

Selon un calcul de la Bibliothèque du Parlement à Ottawa, de 1970 à 2000, le gouvernement canadien a investi 66 milliards de dollars dans l’industrie pétrolière et gazière canadienne. De 2000 à aujourd’hui, il faut compter au moins 4 milliards de plus, pour un total de 70. Comme le Québec contribue pour 20% aux dépenses fédérales, nous avons donc déboursé 14 milliards en quarante ans dans l’industrie de nos voisins. Une fraction de cette somme nous est revenue, dans les années 73 à 84, en réduction du prix à la pompe. Mais si nous avions investi cette somme au Québec – au hasard, dans les énergies vertes – nous aurions pu créer, chez nous, 8 300 emplois permanents  (j’utilise la formule employée par la Canada West Foundation pour calculer les retombées économiques du pétrole). Et c’est donc dire que nos impôts ont créé ces emplois, mais ailleurs au Canada.

On m’objectera que je ne donne qu’une partie du portrait car s’il est vrai qu’Ottawa a beaucoup aidé les hydrocarbures, il l’a fait aussi pour les autres énergies. Il a mis 8,5 milliards dans le nucléaire, dont 1,7 provenait du Québec, et qu’il a presque exclusivement dépensé en Ontario. Avec notre 1,7 milliard, nous aurions pu créer chez nous 1 125 autres emplois permanents.

Pour être honnête, il faut aussi calculer les milliards investis par Ottawa dans notre source principale d’énergie, l’hydroélectricité. Il tombe sous le sens que si le gouvernement canadien a généreusement financé le pétrole de l’Ouest et de Terre-Neuve (3 milliards) et le nucléaire de l’Ontario, il a aussi financé notre électricité. Les séparatistes vous diront que le fédéral a donné 0 milliard, 0 million et 0 dollar à Hydro. Ils ont tort. Le financement fédéral d’Hydro se chiffre à -435 millions de dollars. Oui, moins un demi milliard. Ottawa avait renfloué les coffres du Manitoba et de Terre-Neuve lorsque la météo s’est déchaînée contre leurs réseaux électriques, mais a refusé de faire de même avec Hydro lors du grand verglas de 1998. Donc, nous sommes dans le rouge. Avec ce demi-milliard, on aurait pu créer un autre 320 emplois, au même tarif. (Total cumulé : 9 745 emplois.)

Pour l’avenir prévisible, le gouvernement fédéral dépensera au moins 1,5 milliards par an (donc 300 millions de nos impôts) pour les programmes de captation du carbone des sables et en dépenses fiscales pour l’investissement des pétrolières. Si cela devait se maintenir sur les 25 prochaines années, soit l’horizon utilisé par la Canada West Foundation pour nous allécher quant aux retombées économiques des sables au Québec, cela ferait un apport des contribuables québécois de 7,5 milliards qui, s’ils étaient investis ici, permettraient de créer 5 000 emplois permanents.

Bref, nous avons vu hier que le «mal hollandais» avait fait perdre au Québec 55 000 emplois de 2002 à 2007 et que cela allait s’aggraver. Nous voyons aujourd’hui que les contribuables québécois ont financé, décennie après décennie, l’industrie pétrolière qui aujourd’hui leur est si dommageable. Pire, ils n’ont eu, du gouvernement canadien, aucune contrepartie pour le développement de leurs propres sources d’énergie, bien au contraire. Une équité fédérale énergétique aurait créé 10 000 emplois chez nous. Et ils voudraient qu’on applaudisse.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !