Pour un Québec éthique et équitable

Le Québec fait plutôt bonne figure en matière d’équité et de justice sociale, surtout lorsqu’on le compare à ses voisins. Pourtant, il n’a pas été épargné par la hausse des inégalités qui a marqué les sociétés avancées depuis 30 ans. Et il est encore loin derrière les pays qui font le mieux en ces domaines (par exemple, la Suède, le Danemark ou la Finlande)!

En tant que premier ministre du Québec, je m’attaquerai aux inégalités en m’y prenant par les deux bouts : d’abord, en améliorant la situation économique de ceux qui se trouvent au bas de l’échelle (salaire minimum à 15 $, respect des droits des salariés non syndiqués, politiques d’insertion), puis en luttant contre la concentration de la richesse au sommet.

Je veux que nous nous fixions un objectif constant : faire du Québec une société qui figure parmi les plus dynamiques, les plus entreprenantes, les plus innovantes et les moins inégalitaires en Occident.

La réussite, oui; la dérive, non

La réussite doit être valorisée au Québec, aujourd’hui plus que jamais. Qu’un entrepreneur crée une entreprise de toutes pièces et devienne milliardaire grâce à son travail et à son inventivité va de soi. Il paiera ses impôts en conséquence.

Mais la dérive en cours vers un absurde déplacement de la richesse vers l’ensemble des cadres supérieurs de la société est un non-sens qui mine le tissu social et le vivre‑ensemble.

Investissement Québec dispose déjà de moyens pour limiter les dividendes pouvant être remis à un entrepreneur qui bénéficie d’un prêt gouvernemental. Un gouvernement du Parti Québécois se donnerait un protocole qui couvrirait les prêts et les investissements en entreprise, guidant son action pour une modération des politiques de rémunération.

Ramener le haut de l’échelle à la raison

Le secteur public doit donner l’exemple. Il doit être irréprochable et dire « non » à la spirale des hauts salaires. Sous mon gouvernement, la rémunération de tous les employés de l’État sera limitée à un montant fixé 10 % en dessous de la rémunération du premier ministre (qu’on évalue à environ 250 000 $, en incluant les avantages). Cette norme s’appliquera aux hauts fonctionnaires, mais aussi aux PDG d’Hydro-Québec, d’Investissement Québec, de la SAQ, de Loto-Québec, etc. Il est complètement faux de prétendre que les dirigeants des sociétés d’État seront happés par la concurrence internationale si on limite leur rémunération. Cela ne s’est jamais produit. D’ailleurs, si cela devait s’avérer, ça ne serait pas une mauvaise nouvelle pour le rayonnement du Québec. (Nous ferons une exception, la seule, pour le PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec, puisque l’expérience montre qu’il est recruté dans les milieux financiers locaux, où les salaires sont plus élevés.)

Les recteurs et les cadres supérieurs des universités. Depuis des années, la rémunération des recteurs et des cadres supérieurs des universités soulève à très juste titre l’indignation des Québécois. Ce n’est pas le cas dans le réseau de l’Université du Québec, où elle est étroitement encadrée; cela concerne uniquement les « universités à charte ». Celles‑ci prétendent que ces rémunérations exagérées sont motivées par la compétition entre grandes universités nord-américaines pour les talents des gestionnaires. Or, il n’existe pas un seul cas où un de nos recteurs a été happé par une grande université américaine.

Notre gouvernement exigera que ces universités se plient aux mêmes règles que le reste du secteur public. Une pénalité financière sera imposée aux établissements qui persistent à offrir de très hauts salaires à leurs cadres supérieurs.

Les coopératives. En tant que membre de Desjardins, je suis choqué de voir ses hauts dirigeants toucher des millions de dollars en rémunération, empruntant ainsi les mauvaises pratiques du secteur bancaire. La rémunération de la dernière présidente du Mouvement, Monique Leroux, est passée, en deux ans, de 700 000 $ à 4 M$. Cela dépasse, de loin, les bornes de l’indécence.

Le statut de coopérative étant un privilège accordé par l’État pour des raisons précises, le gouvernement du Parti Québécois modifiera la Loi sur les coopératives afin que la rémunération des hauts dirigeants ne puisse dépasser un multiplicateur raisonnable par rapport au salaire médian au sein de la coopérative.

Une rémunération équitable des médecins. Nous avons brisé un tabou en affirmant qu’il était impératif de geler, dès notre élection, la rémunération des médecins. Cette mesure est essentielle non seulement pour assurer la viabilité des finances publiques, mais aussi pour réduire les inégalités économiques. Avec un salaire moyen dépassant les 300 000 $, l’écrasante majorité des 22 000 médecins du Québec fait maintenant partie du 1 % des Québécois les plus fortunés (en fait, près du tiers du 1 % est constitué de médecins). Lutter pour une rémunération équitable des médecins, c’est lutter pour davantage d’égalité.

Contre l’évasion et l’évitement fiscaux. Depuis des années, le Canada multiplie les conventions fiscales et les accords d’échange de renseignements fiscaux (AÉRF) avec des paradis fiscaux notoires. Ces accords permettent à ceux qui « investissent » dans ces législations de complaisance de rapatrier au Canada des bénéfices en payant peu ou pas d’impôt. Le pire cas est celui de la Barbade, où les Canadiens ont « investi » pour 71 G$ au cours des ans, ce qui représente 15 fois la taille de l’économie de ce pays. Le portrait est également troublant aux îles Caïman (où les Canadiens ont investi 37 G$ pour un PIB de 5 G$) ainsi qu’aux Bermudes (18 G$ pour un PIB de 5 G$). Ces montants ne sont souvent que des transferts au sein de filiales dans le seul but d’éviter de payer sa juste part d’impôt au Québec et au Canada.

Historiquement, Québec a pris la très mauvaise habitude d’appliquer aveuglément les conventions fiscales canadiennes. Pourtant, aucune contrainte légale ne l’oblige à le faire.

Sous notre gouverne, le Québec cesserait immédiatement d’appliquer les conventions fiscales conclues entre le Canada et une dizaine de paradis fiscaux notoires, et considérerait comme imposables les revenus et dividendes provenant de ces juridictions. Il est possible que les fraudeurs parviennent de nouveau à masquer ces sommes, mais la première étape, dans la lutte contre les paradis fiscaux, est de s’assurer que la fraude est bel et bien déclarée illégale par l’État et traitée comme telle.

Finalement, nous mettrions fin à la pratique insensée de n’imposer aucune amende aux contribuables qui font des déclarations volontaires après avoir caché de l’argent au fisc. Cette pratique encourage les fraudeurs à tenter de cacher leur argent dans les paradis fiscaux, car ils savent qu’ils pourront obtenir une amnistie sans amende si le risque devient trop grand!

Un sommet pour un Québec éthique et équitable

Au privé comme au public, deux des principales raisons qui expliquent la croissance des inégalités sont la perte de repères éthiques et l’affaiblissement des normes sociales en vigueur jusque dans les années 1980.

Pour faire évoluer les mentalités, notre gouvernement initiera des travaux qui culmineront en un sommet pour un Québec éthique et équitable. Le gouvernement du Parti Québécois contribuera ainsi à établir un nouveau consensus sur ce qui est socialement préférable et ce qui ne l’est pas. Je m’engage à ce que notre gouvernement établisse un dialogue constructif avec les experts, les partenaires sociaux et patronaux afin de définir un cadre de référence, non contraignant mais socialement influent pour avoir un impact sur les hautes rémunérations dans le secteur privé. Cette initiative s’insèrera dans le cadre d’une campagne plus large en faveur d’une culture de l’intégrité.

Le sommet traitera également des comportements éthiques attendus de tous les membres de la société, dans un Québec qui a fait, ces dernières années, un effort gigantesque pour faire reculer la corruption et la collusion. Les questions du travail au noir, de l’insertion équitable en emploi, de la responsabilité collective et individuelle feront partie des thèmes, comme celles liées au bénévolat et à la pratique de la philanthropie.

Une politique générale, cohérente et patiente de lutte contre les inégalités

Ces mesures formeront le cœur d’une politique de lutte contre les inégalités de revenu au Québec. Elles accompagneront un effort dynamique de création de richesse, de soutien aux entrepreneurs. Un gouvernement du Parti Québécois doit donner un signal fort quant à sa volonté de contenir les écarts de richesse dans des limites socialement équitables.

 

Jean-François Lisée
Chef du Parti Québécois
Le 6 avril 2017

18 avis sur « Pour un Québec éthique et équitable »

  1. Bien d’accord avec les propositions de JFL pour baliser la rémunération des hauts fonctionnaires , des sociétés d’État, des médecins, des recteurs, de certaines coopératives… Depuis quelques années, la rémunération de ces « élites » a bondi sans aucune gêne. Il est temps de mettre fin au party…

  2. Proposition: pourquoi les directeurs des sociétés d’État seraient-ils pas payés AU MÊME salaire que le premier ministre? Pourquoi le premier ministre devrait-il le mieux payé?

    • De Québec, M. Auclair, probablement selon moi, le Premier Ministre est en poste 24 heures sur 24, 365 jours de l’année.
      Qu’est-ce que vous en pensez ?

  3. M.Lisée, je souhaite sincèrement que le parti Québécois formera un gouvernement majoritaire en 2018. Mais…de reporter le référendum dans un 2ième mandat de votre gouvernement. Ces deux objectifs me semble perdu d’avance.
    Le FÉDÉRAL M.Lisée, avec la complicité de partis politiques provinciaux fédéralistes, sont systématiquement et systémiquement contre les aspirations et les intérêts du Québec. Il faut le dire souvent cette triste réalité si l’on veut que cela rentre dans la tête des Québécois. L’arrêt Jordan, les paradis fiscaux, Énergie Est et bien d’autres affaires ne se produirait pas dans un Pays du Québec. Parce que le Québec devrait être un PAYS depuis le dernier référendum en 95. Imaginez le retard, notre société est en retard de plus de 20 ans d’avoir sa pleine LIBERTÉ de faire ses propres lois, percevoir tous ses impôts, de signer ses propres traités et d’être libre de s’administrer par et pour elle même. Que j’aimerais donc vous voir, vous entendre et vous lire comme le faisait René Levesque et Jacques Parizeau. Ils faisaient rêver les Québécois en parlant du Québec qu’ils voulaient. Pas d’un gouvernement provincialiste qu’ils voulaient diriger !

  4. « Les recteurs et les cadres supérieurs des universités. Depuis des années, la rémunération des recteurs et des cadres supérieurs des universités soulève à très juste titre l’indignation des Québécois. Ce n’est pas le cas dans le réseau de l’Université du Québec, où elle est étroitement encadrée; cela concerne uniquement les « universités à charte ». Celles‑ci prétendent que ces rémunérations exagérées sont motivées par la compétition entre grandes universités nord-américaines pour les talents des gestionnaires. Or, il n’existe pas un seul cas où un de nos recteurs a été happé par une grande université américaine. » En espérant que le message soit entendu à l’Université Laval alors qu’il y a une course actuellement au rectorat. L’actuel recteur sortant (DB) quitte ses fonctions avec une cagnotte qu’il ne mérite pas et que personne ne mérite d’ailleurs, sauf ceux se réclamant du trumpisme à qui tout leur est dû.

  5. J’ai lu tout vos livres et c’est ce que vous avez déjà écrit. Vous voulez mettre en pratique ce que vous prêchez depuis des années. Si les Québécois n’embarque pas derrière vous c’est qu’il ne sont que des chialeux qui aime se faire plumer.

  6. Un pays, comme une maison, se construit petit à petit. Une fois la maison construite, on pend la crémaillière. On a recours à un référendum. Mais le pays doit d’abord exister.
    C’est ce que le PQ, depuis 1995, a oublié. Même quand il était au pouvoir.
    Le fait précède le droit. Nous devons dès maintenant oeuvrer à la construction d’un pays réel. Sa reconnaissance viendra plus tard. Et comme le disait Gérard Bergeron, « l’état devenait ce qu’il faisait ».
    Pour le moment, le gros des débats consiste à nous demander quand va-t-on pendre la crémaillère ?
    M. Lisée, je crois que vous pouvez être celui qui voudra vraiment oeuvrer à la construction de notre maison. Pasr tous les moyens. Même en invoquant la clause « nonobstant ».

  7. Voici enfin ,mes pensés sont exaucé .
    J’ai toujours trouvé que le salaire des hauts fonctionnaires et des sociétés d’état étaient trop élevé , enfin il faut rfaire le grand ménage dans tout cela !!

  8. J’aime tout ce que M. Lisée écrit, sauf l’exception pour le PDG de la CDPQ dont le salaire ne sera pas plafonné pour des motifs que je ne comprend pas.

  9. Bonjour M Lisée,

    Pourquoi ne pas appliquer la même règle pour les dirigeants de l’état que pour les coopératives? Vous proposez d’établir un plafond de 10% sous le salaire du PM au gestionnaire de l’état. Pourquoi ne pas utiliser là aussi un multiplicateur du revenu médian des salariés de l’état applicable aux ministres et aux gestionnaires?

  10. C’est rafraichissant de voir des propositions concrètes face aux inégalités dans notre nation.
    Mon commentaire a trait aux fiducies que la plupart des médecins spécialistes utilisent pour payer moins d’impôts; cela, en plus d’avoir des revenus trop élevés. Double scandale!
    Ce serait approprié d’interdire de telles fiducies pour le 1%.
    Dans ce contexte, je crois essentiel qu’un futur gouvernement du Parti québécois devra communiquer constamment avec la population pour expliquer ces politiques égalitaires. Un de ces moyens est de rendre Télé-Québec une vraie télévision nationale au service des québécois.

  11. J’ai visité la Norvève, en 1974, Oslo, Bergen et j’ai utilisé les chemins de fer et les bateaux dans les Fjords. Un pays de montagne, de 3,6 millions d’habitants à l’époque.

    Le flotte marchande norvégienne occupait 8% du tonnage mondial des pays non communistes et on ne conservait pas un navire de plus de 6 ans. J’ai même connu un Capitaine au long court, lequel connaissait tous les ports du St-Laurent.

    L’équivalent de la CDPQ, pour la Norvège : Le Fonds souverain de la Norvège gère 1.000 milliards de dollars américains. Et le fonds ne prête pas sur n’importes quelles bases.

    La rémunération des patrons est fortement encadrée, les investissements polluant sont rejetés, l’éthique le nombre de femmes à la Direction des entreprises, le congédiement de personnels pour augmenter les revenus des actionnaires, ne font pas parti fait pas parti des valeurs du Fonds Souverain et on privilégie les investissements à long terme.

    Autrement dit, les Cowboys du tout m’est dû, ne doivent pas perdre leur temps pour chercher à se financer auprès du Fonds souverain de la Norvège.

    Devrions-nous nous inspirer des meilleurs et non de répondre aux exigences des patrons qui surtout, quêtent l’argent public ? Aux Québécois(e)s de choisir son gouvernement et par la suite, on pourra modifier nos lois pour une plus grande participation des talents que nous développerons dans notre Réseau d’Enseignement.

    Il faut faire le choix.., .

  12. Bravo M Lisée !
    Voilà une réelle vision sociale-démocrate de « l’équité » au niveau des salaires, qui permettrait au Parti Québécois de renouer avec ses racines !

    Par la même occasion, tout comme dans certains pays européens, pouvons-nous aller jusqu’à limiter les salaires des cadres des grandes entreprises à un pourcentage maximum du revenu du plus petit salarié parmi leurs employés ?

    Chose certaine, avec vos propositions, nous sommes sur la bonne voie d’une plus grande justice sociale qui, espérons-le, sera une des principales caractéristiques du Pays du Québec indépendant !

  13. De Québec, bonjour M. Lisée. Ce sera une tâche ardue de mettre tout ceci en place. Faire un sommet est une très bonne idée. Ne craigniez-vous pas que les plus riches et au sommet de cette pyramide déménagent dans une autre province pour continuer à mettre leur argent dans les paradis fiscaux ? C’est la même chose pour les médecins surtout que nous n’avons pas assez de médecins de famille en ce moment. C’est une préoccupation pour moi, car ceux et celles qui pratiquent vieillissent et prendront leur retraite, méritée, soit dit en passant. C’est scandaleux de voir tous les hauts salaire que ce soit en médecine, en affaires ou autres. On le voit et le vit avec Bombardier ! Moi aussi je suis membre du mouvement Desjardins et cela me choque de devoir débourser 2,50 $ par mois pour avoir encore droit d’avoir un livret de transactions. Certains me diront de payer moins, 1, $, en recevant par la poste le feuillet de chaque mois de mes transactions ou de les recevoir par internet ce qui est gratuit. C’est mon choix d’avoir un livret pour suivre mon compte, je ne suis pas à l’aise avec les deux autres solutions et c’est scandaleux de me le faire payer ! Pour terminer, en général, j’approuve vos propositions mais ce ne sera pas facile et ce sera long. Mais on devrait y arriver à cet éthique équitable si tout le monde y met du sien et comprenne enfin le bon sens.

  14. Le président d’Hydro-Québec est déjà sous-payé par rapport à son niveau de responsabilité et vous voulez le payer encore moins? Et le président de la Caisse de dépôt, il gouterait à la même médecine? Parlant de médecine, pourquoi les dirigeants de société d’État seraient-ils plafonnés à 225 000$ et pas les médecins?

    Sommes-nous en compétition avec Québec Solidaire dans ce domaine? Ils n’auraient pas fait mieux dans cette forme de nivellement par le bas…

    Un tel virage devrait faire l’objet d’une proposition au Congrès du parti et devrait être adopté à la majorité avant de faire partie du programme du PQ. Jean-François Lysée vient de faire là, à mon avis, une erreur très sérieuse.

    • De Québec, avec tout mon respect M. Blouin , je ne crois pas que le président d’Hydro-Québec est sous-payé. Et M. Lisée ne fait pas d’erreur en ce moment, parce qu’il présente des propositions et ne fait pas à lui seul le programme du parti. Quand il y aura le congrès , tout sera débattu , naturellement. Merci.

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