Quatre idées fausses sur l’indépendance

Ce texte est un extrait de mon livre.

Un chef indépendantiste est constamment aux prises avec quatre idées fausses, très ancrées dans la base militante et le consensus. 1) Qu’il est possible, par le travail de persuasion en période non électorale, de faire changer l’opinion sur la question de l’indépendance; 2) Que depuis 20 ans le PQ n’a jamais parlé de souveraineté; 3) Qu’en faisant campagne principalement sur l’indépendance, le PQ pourrait mobiliser les 35-40 % d’indépendantistes derrière lui, donc prendre le pouvoir; 4) Qu’une assemblée constituante serait une voie crédible vers le pays. Finalement, je reviendrai sur l’évolution du vote souverainiste et ferai l’état des lieux.

1re idée fausse: une campagne active de promotion de la souveraineté peut changer la donne

Jacques Parizeau avait évidemment raison de dire que «si on veut faire progresser l’idée de la souveraineté, il faut parfois la mettre en vitrine».  Il incarnait personnellement l’idée d’indépendance. Mais il est bon de noter qu’il a choisi de ne pas en faire mention dans la publicité nationale de ses campagnes électorales de 1989 et de 1994. Pas un mot.

Lorsqu’il expliquait le chemin qu’il entrevoyait vers un Oui majoritaire, il décrivait son «autoroute de la souveraineté». Le point de départ avait été le rejet, en juin 1990, par le Canada anglais, de la reconnaissance du Québec comme «société distincte». La première station serait, en 1992, le rejet par les Québécois d’une nouvelle offre de constitution, par voie référendaire. La seconde station serait, en 1993, l’élection du nouveau Bloc Québécois à l’élection fédérale. La troisième: l’élection du Parti Québécois en 1994, puis la victoire référendaire en 1995.

Il avait le sens de l’histoire et la lucidité de savoir que les événements sont bien davantage pédagogiques que les discours. La soudaine montée vers le pouvoir du Parti Québécois en 1976 a beaucoup à voir avec un événement symbolique fort: l’interdiction faite quelques mois plus tôt aux pilotes d’avion francophones de parler en français avec les tours de contrôle du Québec. L’affaire des «gens de l’air» avait même provoqué la démission d’un des lieutenants de Pierre Trudeau à Ottawa, Jean Marchand. L’année 1976 n’était pas une année forte pour la capacité de René Lévesque de convaincre. Un de ses lieutenants réclamait sa démission. L’événement a parlé davantage que la propagande.

L’indépendance est devenue majoritaire lors du rejet du concept minimaliste de «société distincte» en 1990 — pas parce que le PQ avait fait cette année-là une bonne campagne de pub. Le Oui a de nouveau franchi le cap des 50% d’opinion favorable en 2005 lorsqu’il fut révélé que Jean Chrétien et ses amis avaient dépensé des centaines de millions de dollars pour nous rentrer l’identité canadienne dans la gorge, en engraissant illégalement leurs amis au passage. C’est le «scandale des commandites» et la procession d’escrocs fédéralistes à la commission Gomery qui a fait bouger l’opinion et non pas parce que Bernard Landry, alors chef, avait relancé les assemblées de cuisine. En 2012, une génération de futurs militants de QS s’est formée pendant la crise étudiante, un événement majeur, et non en écoutant les questions posées à l’Assemblée nationale par Amir Khadir.

Les campagnes électorales et référendaires sont des accélérateurs des changements d’opinion et, là, le message a un impact mesurable. À l’extérieur de ces périodes, le patient travail de conviction militant est bien sûr essentiel. Mais il sert à constamment renouveler et aguerrir les troupes dont l’importance est grande au moment des combats. Pas à retourner l’opinion comme une crêpe.

Leçon de politique appliquée # 47: L’opinion politique est forgée par les grands événements, pas par les discours, si grands soient-ils.

Nos militants réclament constamment des outils de promotion de la souveraineté. Lorsqu’on leur en donne, ils les utilisent peu. Nous avons produit les premiers éléments de la série 50 réponses plus 1 sur l’indépendance, avec vidéos et posters en ligne. Résultat: moins de 100 000 vues, partages ou téléchargements au total. C’est très peu pour un parti de 80 000 membres. Et ça reste entre nous. (Je l’ai dit, notre opération L’autre 150e de 2017 a eu un impact beaucoup plus grand, avec notamment 600 000 vues.)

2e idée fausse: Depuis 1995, le PQ n’a pas parlé de souveraineté

La difficulté à faire passer le message indépendantiste en période non référendaire n’est pas nouvelle.

Lucien Bouchard premier ministre a consacré presque exclusivement à la souveraineté les discours d’appui au Bloc pendant la campagne fédérale de 1999. Je ne l’ai pas appris par les journaux.

Dire que le PQ a mis de côté la promotion de l’indépendance, c’est faire injure à Bernard Landry, qui en a parlé tous les jours de sa vie, ministre, vice-premier ministre et premier ministre jusqu’en 2003. C’est oublier qu’André Boisclair a perdu l’élection de 2007 alors qu’il promettait la tenue d’un référendum «dans la première moitié du mandat».

C’est refuser de reconnaître à Pauline Marois le fait d’avoir moussé la tournée L’ABCD de la souveraineté — mettant en avant les députés Aussant, Blanchet, Cloutier, Drainville – pour parler d’indépendance dans tout le Québec, en 2009 et 2010. C’est refuser d’admettre que, au pouvoir de 2012 à 2014, elle a dégagé dans le parti les sommes nécessaires pour une campagne active de promotion sur les réseaux sociaux (au succès mitigé, mais l’effort y était). Chaque conseil national était consacré à une facette de la vie sous un Québec souverain et la campagne de promotion y était liée. Le PQ a de plus contribué à la tournée de 13 régions québécoises des États généraux sur la souveraineté en 2012, participé aux «Semaines de la souveraineté» dans plusieurs cégeps et universités (où on ne trouve nulle part de «semaine du fédéralisme»).

C’est faire injure au Bloc, qui a multiplié les initiatives et les colloques, Gilles Duceppe allant même en parler dans les capitales provinciales canadiennes. On dira que tout cela n’est pas assez. Mais il est faux de dire que ce n’est rien.

Je l’ai écrit dans un chapitre précédent mais je me permets de me répéter ici: J’ai suivi ce dossier d’assez près depuis quelques décennies et je peux dire que, depuis le référendum de 1995, on n’a jamais parlé autant d’indépendance que pendant ces deux dernières années. Mais nous nous heurtons au même problème : le peu d’écho qu’ont nos initiatives souverainistes dans l’opinion publique et le peu de relais, y compris dans notre famille politique.

À l’Assemblée nationale, dès mon arrivée, j’ai mis au défi le premier ministre de tenir un débat d’une heure sur le sujet avec moi. Nous avons parlé de souveraineté, les porte-paroles et moi, au sujet de la Davie, du cannabis, de l’arrêt Jordan et de la nomination de juges, de l’entente commerciale avec l’Europe, de l’ALENA, des décisions fédérales en langue de travail, en investissement productif, sur Bombardier, sur Énergie Est, sur Trans Mountain, etc.

Dans des questions en chambre parfois, dans les discours prononcés dans les tournées, dans les entrevues radio et télé, dans les points de presse très très régulièrement.  Nos porte-paroles, en particulier Jean-Martin Aussant, Catherine Fournier, Véronique Hivon et moi sommes allés dans les cégeps et les universités. Nous en avons régulièrement fait le thème des capsules vidéo hebdomadaires que nous produisions.

Pendant la dernière campagne électorale, l’idée d’indépendance faisait partie de nos publicités radio et télé (ce qui n’avait jamais été fait auparavant) et j’en parlais tous les jours. C’était la plupart du temps dans des entrevues en réponse à la question : « Vous ne parlez pas de souveraineté ? »

Personne (ou si peu) n’en a entendu parler. Pourquoi ? Parce que les journalistes n’estiment pas que l’indépendance est une information nouvelle. Justin Trudeau chante les louanges du fédéralisme canadien dans chaque discours. Cela n’est (heureusement) pas rapporté aux nouvelles. Pourquoi ? Ce n’est pas une nouvelle. C’est un bruit de fond.

Qu’est-ce qu’une «nouvelle» ? La meilleure définition que j’en ai vu est celle-ci: Constitue une nouvelle ce qui brise la continuité. S’il commence à pleuvoir, s’il arrête de pleuvoir, c’est nouveau. S’il pleut sans cesse, ce n’est pas nouveau, sauf si la pluie brise des records ou détruit du matériel. Pour les journalistes, la promotion du fédéralisme et de l’indépendance, c’est une longue pluie incessante qui ne se retrouvera pas en première page.

Leçon de politique appliquée # 48: Le rôle des médias n’est pas de faire passer votre message, mais de couvrir le changement. Si votre objectif ne change pas — et il ne doit pas changer , il ne sera pas couvert.

Pour traverser le mur médiatique, il faudrait annoncer qu’un Québec souverain va utiliser le peso comme monnaie nationale ou choisir le système parlementaire népalais: quelque chose de neuf.

3e idée fausse: Faire campagne sur la souveraineté rassemblera derrière le PQ 35-40 % des électeurs, lui assurant la victoire.

Combien y a-t-il, ces temps-ci, d’indépendantistes québécois ? Nettement moins qu’en 1995, mais leur proportion totale dans l’électorat tend à se stabiliser depuis 10 ans autour de 35-39 %.

La dernière mesure pré-électorale de Léger, à la mi-août 2018, en dénombrait 37% (63 % contre).

Quelle est la part de ces 37 % qui croient à la souveraineté de façon suffisamment intense pour que cela détermine son vote électoral ? L’intensité de la conviction est essentielle. Sinon elle n’est qu’une variable parmi d’autres dans son choix électoral. Certains veulent davantage des baisses d’impôts que la souveraineté. D’autres la souhaitent mais veulent d’abord se débarrasser du gouvernement actuel. C’est comme la très forte opposition des Québécois à la monarchie. En mai 2018, 68 % disaient vouloir l’abolir. Un parti qui ferait de cet enjeu sa proposition principale n’obtiendrait pas 68 % des voix car ce n’est pas une conviction jugée prioritaire.

Alors, combien y a-t-il d’indépendantistes convaincus, donc potentiellement mobilisables, pour un vote électoral ? Il n’a jamais été possible de le déterminer de façon formelle, mais le groupe de recherche animé par feu Pierre Drouilly et Alain Cotnoir a établi à travers les années une définition plus « dure » de ce qu’était un indépendantiste qui offre l’approximation la plus utile. Ils étaient, en 1995, 42 % d’indépendantistes convaincus. Ils n’étaient plus, en 2014, que 28 %. Je ne crois pas que cette mesure ait été actualisée en 2018.

Pour 2018, on peut trouver deux approximations. Un sondage Angus Reid de fin septembre 2018 a distingué ceux qui « appuient fermement » la quête de l’indépendance, et a trouvé 16 % de l’électorat. (Contre 19 % qui se contentent d’un « appui ».) 

Une autre mesure disponible est celle de la Boussole électorale de Radio-Canada, qui se fondait le 19 septembre sur 137 000 réponses pondérées pour comparer l’intention de vote indépendantiste et l’intention de vote partisan. La Boussole offre l’option « neutre » en plus de « fortement d’accord » et « plutôt d’accord » avec l’indépendance.

Le groupe « fortement d’accord » est passé selon la Boussole de 24 % en 2012 à 18 % en 2014 et à 17 % en 2018[1]. Donc, à supposer que nous ayons réussi, malgré l’existence de QS, à regrouper derrière le PQ tous les indépendantistes conséquents dans leur choix électoral, en proposant de faire la souveraineté dès le premier mandat par exemple, nous aurions fait le plein autour de 17 %.

Leçon de politique appliquée # 49: On peut détester les ananas, les radars photo ou la monarchie, sans voter pour le parti qui en propose l’abolition. L’électeur ne vote pas pour ce qui l’intéresse, mais pour ce qui l’intéresse le plus au moment de l’élection.

Le 1er octobre, nous avons obtenu 17 % du vote, mais c’était une coïncidence. Selon la Boussole, les « fortement d’accord » n’avaient pas tous l’intention de voter PQ: 68 % l’ont fait, contre 21 % à QS et 10 % qui trouvaient plus important de voter CAQ que de suivre leur forte conviction indépendantiste.

4e idée fausse: La constituante indépendantiste

Depuis une dizaine d’années, c’est l’idée à la mode. On est huit millions, faut se parler ! Puisque les deux référendums n’ont pas mené à une majorité, il est proposé de s’y prendre autrement.

Au sens strict du terme, une constituante est une assemblée élue au suffrage universel dont les membres ont le mandat d’écrire une proposition de constitution. Il a toujours été compris qu’une fois le Québec devenu souverain, il faudrait lui écrire une constitution. La désignation d’une constituante élue, puis l’adoption de la constitution par voie référendaire, faisaient partie des avenues souvent évoquées. J’ai personnellement toujours été d’avis que la tenue de cette constituante serait un moment clé de la réconciliation des camps du Oui et du Non. La décision de faire du Québec un pays ayant été prise par une majorité référendaire, acceptée et normalisée dans les faits, après une période de calme, ce grand exercice réunirait certains des combattants d’hier autour d’une œuvre commune, tournée vers l’avenir, réparatrice. Je n’ai pas changé d’avis.

La nouveauté est qu’on nous propose maintenant la tenue d’une constituante qui aurait lieu avant la décision de faire l’indépendance. Plus encore: une constituante qui aurait le mandat d’écrire la constitution d’un Québec souverain. Cette constitution serait ensuite soumise à un référendum. Selon les scénarios, c’est en votant pour cette constitution que le Québec déciderait de devenir souverain.

C’est la proposition actuelle de Québec solidaire. Contrairement à sa prétention, QS ne propose pas de faire l’indépendance dans son premier mandat et ne peut pas s’engager à consulter les Québécois sur l’indépendance dans un premier mandat. QS ne s’engage qu’à tenir une constituante. Le parti présume que celle-ci va s’entendre sur un texte indépendantiste qui serait soumis au vote. Ce n’est qu’un souhait. Il ne peut avoir aucune certitude.

Les tenants de la constituante affirment que les partis n’auront pas le droit de présenter des candidats, ce qui empêchera la constitution de groupes organisés au sein de l’assemblée. D’autres proposent même le tirage au sort pour contourner le problème de candidats qui seraient «plantés» par les partis fédéralistes.

Or, si la constituante est représentative de la population québécoise — c’est l’engagement de QS et des promoteurs de l’idée –, alors, dans l’état actuel de l’opinion, une majorité de ses membres sera opposée à l’indépendance. Supposons maintenant que l’évolution de l’opinion fait en sorte que les camps du Oui et du Non redeviennent en équilibre au sein de l’électorat. On trouvera toujours dans la constituante une moitié de gens opposés à ce que le Québec forme un pays et au moins un électeur sur trois «fortement en désaccord» avec l’indépendance. Parmi eux, on trouvera même des partitionnistes (34 % de l’ensemble des Québécois, selon un sondage Léger de 1997).

Pourquoi des citoyens fortement en désaccord avec une idée participeraient-ils à la rendre plus attrayante en écrivant un texte qui lui donnerait de la crédibilité ? Lors des Commissions régionales sur l’avenir du Québec de 1994-1995, nous avions notamment soumis à la communauté anglophone des dispositions constitutionnelles qui lui permettaient de garantir ses droits dans un Québec souverain. Nous avions invité ses membres et ses organisations à en débattre et à proposer des améliorations. Parmi les 50 000 participants, à l’exercice, plusieurs groupes et individus anglophones se sont présentés aux audiences. Aucun n’a offert quelque suggestion que ce soit pour améliorer notre projet, même sur les points les concernant. Aucun. Ils voulaient tout simplement exprimer leur opposition de principe à l’idée même de souveraineté.

On peut réunir tous les groupes représentatifs que l’on veut pour discuter des modalités d’une proposition dont le principe est acquis: les soins de fin de vie, le contrôle des armes à feu, la légalisation d’une drogue.

Mais il est illusoire de penser qu’une assemblée peut s’entendre sur les modalités d’un principe qui n’est pas acquis. Ce serait comme inviter des pro-vie et des pro-choix à débattre ensemble d’un projet de loi sur l’avortement. Ils ne s’entendront jamais sur le principe. Emmenez des pro-vie dans une assemblée délibérative dont l’objectif est de définir la légalisation de l’avortement, ils feront tout en leur pouvoir pour qu’aucun texte ne soit produit. Et les organisateurs n’auront réussi qu’une chose: démontrer l’impossibilité du consensus, donner une caisse de résonance hypermédiatisée aux opposants de l’avortement, aviver les tensions, démontrer l’échec de la démarche, donc nuire à leur cause.

Devenir indépendant, c’est poser la question de Shakespeare: Être ou ne pas être ? On veut soit l’un, soit l’autre. Il est presque indécent de demander à un citoyen québécois, fédéraliste convaincu et fier de son appartenance canadienne, de participer à une démarche dont l’objectif est de le priver de son pays, d’une part essentielle de son identité.

Au lendemain du référendum de 1995, j’avais proposé ces mots à Jacques Parizeau pour son premier discours depuis la défaite. Il fut prononcé lors du Conseil national qui a suivi. Extrait:

Il faut reconnaître que l’émotion exprimée pendant la dernière semaine de campagne n’avait rien à voir avec le débat économique ou avec le débat sur les structures politiques ou linguistiques. Pour les Canadiens, il s’agissait d’un sentiment beaucoup plus profond, beaucoup plus fondamental. Certains d’entre eux avaient mal physiquement. Plusieurs ont pleuré. Ils avaient mal à leur pays. Et leur pays fait partie de leur être même. Ils le sentent dans leurs tripes.

Ils nous ont donné, ces jours-là, une très grande leçon. Ils nous ont fait comprendre qu’un pays, c’est extraordinairement précieux. Avoir un pays à soi, un pays auquel on s’identifie vraiment, un pays dont on est fier… ce n’est pas une abstraction, ce n’est pas une structure, ce n’est pas l’affaire des politiciens. C’est quelque chose qu’on porte en soi. Quelque chose qui fait partie de notre être. C’est quelque chose qui nous donne un petit morceau de certitude, un petit morceau d’identité personnelle autant que collective. C’est quelque chose qui n’a pas de prix.

Il relève donc de l’absolue pensée magique de croire que, par je ne sais quel mécanisme, les représentants élus (ou tirés au sort) de l’importante portion des Québécois qui se sentent fondamentalement canadiens participeraient à l’extinction de leur identité.

Une fois élus, ils se reconnaîtraient, s’organiseraient, seraient fortement sollicités, privément et publiquement, par de puissantes organisations fédéralistes — le PLQ, le PLC, l’État canadien, Power Corporation qui fut de la partie en 1995 — pour les encourager à faire leur devoir de Canadiens de contribuer à sauver le pays en faisant capoter la constituante.

Est-il besoin de rappeler que l’affable ex-maire de Québec, Jean Pelletier, devenu chef de cabinet du premier ministre canadien Jean Chrétien, a avoué que rien ne l’avait retenu dans sa volonté de vaincre les indépendantistes en 1995: «Quand on est en guerre, on va-tu perdre le pays à cause d’une virgule dans la loi ?» a-t-il dit. On lui aurait organisé une constituante, il s’en serait donné à cœur joie.

Je suis sidéré de constater que cette fausse bonne idée fasse tant de progrès dans les rangs indépendantistes. Si j’étais conspirationniste, je dirais qu’elle est promue en sous-main par nos adversaires. Mais je crois qu’elle résulte de deux courants. Un, très sincère, qui estime que la délibération publique est toujours un gage de succès. S’y additionne, au sein de Québec solidaire, un courant pas vraiment indépendantiste qui voit dans cette proposition un compromis permettant à chacun de sauver la face. Les indépendantistes solidaires y trouvent un moyen de se rendre à l’objectif. Les non-indépendantistes solidaires nourrissent l’espoir (fondé selon moi) que la constituante ne conduira pas à l’indépendance.

Il ne faut pas croire que QS est imperméable à ces arguments. Pour pouvoir intégrer ce qui restait d’Option nationale, le parti a dû modifier son programme. Avant, il proposait une constituante «ouverte», c’est-à-dire qui pourrait décider de proposer autre chose que l’indépendance. Ce qui avait conduit Amir Khadir à avouer que ce serait «l’indépendance si nécessaire, mais pas nécessairement l’indépendance». Pour obtenir l’adhésion d’ON, les solidaires ont dû accepter que la constituante soit «fermée», c’est-à-dire qu’elle ait le mandat d’écrire une constitution indépendantiste et rien d’autre. Ce qui, on l’a vu, ne garantit nullement qu’elle va y arriver.

Pendant la campagne de 2018, Manon Massé a dû admettre que la constituante pourrait réserver des surprises, y compris, si telle était la volonté des constituants, la «partition» du Québec. Et pourquoi pas, dans un élan d’inclusivité angélique, la désignation de l’anglais comme seconde langue officielle du Québec. Pour les fédéralistes présents parmi les constituants, les occasions seraient belles d’inclure des «clauses empoisonnées» dans la proposition de constitution, pour la rendre imbuvable même pour les souverainistes.

Le leçon australienne

Ce qui nous amène au second grand problème posé par la proposition de constituante. Supposons que, par miracle, tous les obstacles ont été aplanis et qu’une proposition est rédigée et présentée. Des choix auront été faits. Le Québec proposé sera soit une république et, si oui, soit à la française, à l’américaine, à l’équatorienne ou autre, soit il conservera ses institutions héritées des Britanniques, mais avec un président à la place de la reine. Il y aura, ou non, une chambre des régions. Il y aura des principes généraux. Plus ou moins écologistes. Plus ou moins à droite ou à gauche. Plus ou moins laïcs. Des clauses garantissant des droits nouveaux aux Nations autochtones et, pourquoi pas, aux Anglo-Québécois.

Le texte doit alors être soumis à la population par référendum et il doit rassembler plus de 50 % des voix. Je n’ai pas besoin de rappeler qu’il s’agit là d’un énorme degré de difficulté.

Pour l’emporter, il faudra additionner tous les indépendantistes. Françoise David et Richard Martineau. Amir Khadir et Jacques Brassard. Ève Torres et Mathieu Bock-Côté. Les souverainistes écologistes et les climato-sceptiques. Les syndicalistes et, disons, PKP. Les traditionalistes et les avant-gardistes. Chaque choix opéré dans l’offre constitutionnelle est une occasion supplémentaire de dire non. De prendre des membres de la coalition souverainiste à rebrousse-poil. Choisir, c’est renoncer.

Parlez-en aux Australiens. Ils souhaitaient se débarrasser de la monarchie. S’ils avaient posé la question en référendum: Souhaitez-vous que l’Australie ne soit plus une monarchie ?, la majorité était à portée de la main (51 % pour 35 % contre et 14 % d’indécis en juillet 1999). Ils auraient pu ensuite, dans un deuxième temps, soumettre une ou plusieurs formules de remplacement aux électeurs.

Mais ils ont commis l’erreur de réunir… une constituante (mi-élue, mi-nommée). Elle a recommandé une formule de remplacement. C’est cette formule qui a été soumise au peuple par référendum en 1999. Elle a été battue, à 55 %. Un groupe favorable à une autre formule de remplacement a fait campagne pour le Non, ce qui est considéré comme la principale cause de la défaite.

Bref, si on propose de répondre oui ou non à l’indépendance, Être ou ne pas être, il y aura un camp du Oui et un camp du Non. Les électeurs répondront, pour l’essentiel, à la question posée[2]. Mais si on propose plutôt, d’un seul tenant, non seulement l’indépendance, mais la sorte d’indépendance, la couleur, la forme, la texture, il y aura plusieurs camps du Non. Les électeurs pourront répondre non à chacun des détails de la proposition.

L’expérience étrangère

Pas moins de 198 pays siègent désormais aux Nations unies. Combien parmi eux ont obtenu leur indépendance en utilisant le mécanisme d’une assemblée constituante élue au suffrage universel, produisant un projet de constitution ensuite soumis à un référendum ? Aucun.

L’Institut de recherche sur l’autodétemination des peuples et les indépendances nationales a publié en octobre 2017 la seule étude connue sur le sujet. Elle a comparé 30 cas de nations ayant quitté un pays plus grand, en situation non coloniale (sauf pour les États-Unis) et en a trouvé 10 qui avaient associé un processus constitutionnel au processus d’indépendance. Dans un seul cas, en Namibie en 1990, on trouve une constituante élue au suffrage universel, mais le texte constitutionnel n’a pas été soumis au référendum.

Dans deux cas, Malte en 1964 et Nioué (en Nouvelle-Zélande) en 1974, la question référendaire portait simultanément sur l’indépendance et sur la constitution écrite, non par une constituante élue au suffrage universel, par le Parlement ou le gouvernement. À Malte, le Oui était de 54,6 %, à Nioué de 65,4 %. Dans un cas, Samoa (aussi Nouvelle-Zélande) en 1961, le bulletin comportait deux questions, une sur l’indépendance (Oui 86,5 %) et l’autre sur une constitution écrite par une constituante désignée par le Parlement (Oui 85,4 %)[3].

La quadrature du cercle

Alors pourquoi, demandera le lecteur très informé, le programme du Parti Québécois adopté sous ma gouverne en septembre 2017 aborde-t-il favorablement la question de la constituante ? Il inclut en effet ces mots, bien choisis, faisant référence à la négociation alors en cours entre les partis indépendantistes, dont QS, pour une feuille de route commune vers l’indépendance. Il s’agit de : «déterminer, dans cette feuille de route, le rôle d’une future assemblée constituante dans le processus d’accession à l’indépendance».

L’idée d’une constituante étant présente dans notre mouvement, il fallait faire avec. Comme le montre l’exemple australien, il est possible de faire en sorte qu’une constituante ne soit pas seulement élue au suffrage universel. Éviter donc, dans notre cas, l’échec.

Dans le programme et dans la négociation pour la feuille de route, le Parti Québécois faisait le compromis d’accepter le principe d’une constituante, mais en échange du fait que QS renonce à ce qu’elle soit au suffrage universel. Après plusieurs rencontres de négociation, l’entente de principe sur la feuille de route offrait cette quadrature du cercle:

La désignation des membres de l’Assemblée constituante s’effectuera selon les modes suivants : ​ Afin de garantir la représentation équitable de la société prévue plus haut, l’Assemblée nationale lance un vaste appel de candidatures pour procéder à la nomination de Constituantes et de Constituants;Les parties poursuivront leurs travaux afin de déterminer de manière consensuelle un autre mode de désignation de Constituantes et de Constituants, ce qui pourrait inclure, par exemple, une élection au suffrage universel ou tout autre mode de désignation.(Le nombre et les proportions des membres de l’Assemblée constituante désignés par l’un ou l’autre des modes ci-haut prévus restent à déterminer. De plus, les membres de la députation sont exclus des travaux de l’Assemblée constituante.)

Nous avions donc établi le principe qu’il y aurait une constituante — ce qui n’était pas notre premier choix au PQ — mais QS avait accepté le principe qu’elle soit partiellement nommée par l’Assemblée nationale — ce qui n’était pas son premier choix. Cela ferait en sorte que, pour une grande part, des souverainistes désignés par la majorité à l’Assemblée nationale écriraient la proposition de constitution d’un Québec indépendant. Ce cap essentiel franchi, chacun ayant mis de l’eau dans son vin, nous reportions à plus tard les modalités: dans quelle proportion, quel mode de désignation pour le reste des constituants, etc.

Nous avions aplani un autre point de discorde important. QS réclamait que le référendum ne porte que sur le projet de constitution, ce qui est extrêmement périlleux, comme on l’a vu avec le cas australien. Le PQ réclamait que le référendum ne porte que sur l’indépendance. Nous avons donc fait ce deuxième compromis essentiel:

La démarche d’accession à l’indépendance du Québec est fondée sur le principe de souveraineté populaire et comprend : […]   une consultation référendaire qui permettra aux Québécoises et aux Québécois de se prononcer tant sur le statut politique du Québec que sur le projet de constitution d’un Québec indépendant élaborée par l’Assemblée constituante.

Il y aurait donc deux questions au référendum: une portant sur l’indépendance, une portant sur la constitution. On pourrait donc devenir indépendant avec une majorité à la première question, même si le projet de constitution était rejeté. On serait simplement renvoyé à la planche à dessin sur la constitution. Ces compromis de bonne foi, réalisés par des gens qui voulaient s’entendre, furent signés dans la bonne humeur en avril 2017 par les négociateurs du PQ, du Bloc, d’ON et de QS[4]. Le sabotage de cette entente par la direction de QS a été raconté dans un chapitre précédent.

En prime: La stratégie de réussir l’indépendance en deux mandats a-t-elle fait fuir les électeurs indépendantistes ? Un peu, mais ce n’est pas la seule coupable

On l’a vu plus haut, 68 % des indépendantistes conséquents ont voté pour le Parti Québécois. Mais il est indubitable que si on prend en compte l’ensemble de ceux qui s’expriment pour la souveraineté, les forts et les mous, plusieurs nous ont quittés entre 2016 et 2018. Combien ?

En comparant la répartition des souverainistes entre les partis telle qu’elle est mesurée en novembre 2016 (au moment de mon élection comme chef) avec celle d’Angus Reid de fin septembre 2018 (dernière disponible), on voit que : a) la proportion totale de souverainistes est assez stable (35-37 %) ; mais que b) la répartition change. Le déplacement du PQ vers la CAQ et QS est important.


Répartition du vote souverainiste (fort et mou) 2016-2018

 PQCAQQSPLQ
Léger nov. 201657 %12 %13 %3 %
Angus Reid sept. 201836 %27 %23 %5 %
Écart-21+15+10-2

Bref, au total, plus d’un souverainiste sur trois nous a fait faux bond en deux ans[5].

Comment expliquer ce désamour ? Plusieurs facteurs jouent. D’abord pour une partie des indépendantistes « mous », il était plus important de défaire le PLQ en votant CAQ que d’appuyer le véhicule indépendantiste péquiste. Ensuite, QS s’est fait plus insistant sur son message indépendantiste en 2018 qu’en 2014. Ces forces servaient donc d’aimant pour attirer des votes indépendantistes chez eux.

Mais pourquoi leurs aimants ont-ils été plus puissants que le nôtre ?  Il m’apparaît certain que le message dominant des relayeurs selon lesquels nous avions «abandonné» l’indépendance —  plutôt que de vouloir la réussir sur deux mandats — a eu un impact négatif sur la mobilisation des électeurs souverainistes et a favorisé leur déplacement vers la CAQ à compter de 2017.

En mêlée de presse après l’élection, Nicolas Marceau a évoqué le problème de ce qu’il appelle «l’immédiateté». Selon lui, le fait de reporter d’un mandat l’accès à l’indépendance, donc de ne pas le promettre «immédiatement», contribuait à démobiliser les électeurs souverainistes. C’est une opinion valable. Cette variable a dû jouer. Il est certain que si on avait maintenu la position que le référendum aurait lieu dans le premier mandat, personne n’aurait pu prétendre que nous abandonnions notre idéal. Notre position aurait été mieux entendue et moins de souverainistes nous auraient quittés. Pas assez pour nous faire gagner, c’est pour moi une certitude. Mais aurions significativement progressé ? Rappelons que tout est question de contexte. Plusieurs variables jouent mais en 1981, René Lévesque avait promis de ne pas tenir de référendum dans le mandat et sa base électorale s’est étendue (+8 points par rapport à 1976). En 2007, André Boisclair a promis de le tenir dans le mandat et sa base électorale s’est réduite (-5 points par rapport à 2003).

Revenons à 2018. Pourquoi les mous et les non-indépendantistes, rassurés que le PQ n’allait pas faire l’indépendance ou du moins pas dans le premier mandat, n’ont-ils pas fait le voyage vers chez nous ? Encore une fois, l’irruption de la CAQ comme meilleur véhicule de changement a dû être le facteur principal.

Mais j’estime qu’a contrario, chez l’immense majorité des électeurs qui ne veulent ni indépendance, ni souveraineté, ou certainement pas à court terme, notre plan de quatre ans de préparation de l’indépendance pendant le premier mandat – plan rendu plus clair et plus audible pendant la campagne, car réitéré très souvent – a pu aussi rendre réticents des électeurs caquistes tentés par notre bonne campagne.

Le signal selon lequel un gouvernement péquiste allait tout de même vouloir entraîner les Québécois vers une décision indépendantiste dans quatre ans. Si on est contre l’idée de se marier avec l’indépendance, pourquoi accepter de s’en faire parler pendant quatre ans ? Si on est guidé par une stratégie d’évitement, ne faut-il pas éviter tout ce qui nous mène au malaise[6] ?

QS n’a pas cette difficulté car tous ses électeurs savent qu’il n’y a aucune chance que ce parti prenne le pouvoir et mette en œuvre son programme. Le PQ, par contre…

Par ailleurs, comment penser que l’échec écossais, la difficulté avec laquelle se déroule le Brexit et, bien plus encore, la répression des indépendantistes catalans n’ont pas eu un impact dépressif sur l’appétit indépendantiste. Chacun de ces événements offre autant d’arguments à l’appui de la crainte de l’échec des Québécois, leur volonté d’évitement.

Bref, sur la question de l’indépendance, nous sommes confrontés à trois phénomènes interreliés : la montée de l’évitement, la baisse de la proportion des indépendantistes qui en font une variable déterminante de leur choix électoral, la dispersion des indépendantistes entre plusieurs partis.

Dans ce contexte, quelle doit être l’offre indépendantiste péquiste en 2022 ? Je ne répondrai pas à cette question ici car je ne détiens pas cette réponse. J’ai déclaré aux délégués réunis pour un «post-mortem» à la mi-novembre 2018: «Vous ne me ferez pas de peine, personnellement, si vous changez la position qu’on a prise pour cette année.» Il faut s’adapter aux circonstances. Et il est impossible de lire, aujourd’hui, les circonstances dans lesquelles nous serons en 2022. Il appartiendra aux membres, puis aux délégués du congrès national qui aura lieu d’ici là, en dialogue avec le nouveau chef ou la nouvelle cheffe, de tracer ce nouveau chemin.

L’heure juste

Ce n’est pas pour décourager le lecteur indépendantiste que j’insiste ici pour donner l’heure juste, comme je l’ai fait pendant quelques décennies et continuerai à le faire. Aucun grand changement ne peut s’accomplir sans l’addition de l’idéalisme et du réalisme.

Les indépendantistes ont à la fois un devoir de lucidité, sans laquelle les stratégies sont construites sur du sable, et un devoir de ténacité, sans laquelle rien ne peut s’accomplir. Notre père fondateur nous a d’ailleurs laissé une des leçons de politique appliquée les plus importantes:

Leçon de politique appliquée # 50: « C’est parce qu’on rêve qu’on fait de la politique. Mais on ne fait pas de politique en rêvant.» – René Lévesque


[1] La Boussole note que le groupe «fortement en désaccord» est passé de 37 % en 2014 à 49 % en 2018. Pour le total des répondants en désaccord: 49 % en 2014, 59 % en 2018.

[2] Pour l’essentiel. Mais certains votent stratégiquement (je vote oui pour avoir un meilleur deal dans le Canada), d’autres pour exprimer un mécontentement pour celui qui pose la question (de Gaulle a perdu un référendum sur la décentralisation qui s’était transformé en référendum sur sa personne). D’autres votent non pour l’instant mais seraient pour le oui plus tard. En 1995, j’avais vu un macaron qui disait : «Je déteste Parizeau mais je vote Oui.» J’ai compris qu’on avait réussi quelque chose de très rassembleur. J’ai abordé en détail la question du vote référendaire «idiot ou stratégique» dans mon ouvrage Sortie de secours, p. 262-269.

[3] On peut trouver l’étude en ligne ici: http://bit.ly/Constituante

[4] On peut lire l’entente complète ici: http://bit.ly/EntenteConstituante

[5] Je n’ai pas trouvé de sondage présentant l’évolution du vote souverainiste fort entre 2016 et 2018. Par ailleurs, si on prend la mesure faite par la Boussole, sa conclusion est similaire pour la baisse du vote souverainiste au PQ et la hausse à QS, mais pas pour la hausse à la CAQ. Comme elle offre aux répondants l’option «neutre» sur l’indépendance, elle chiffre à seulement 30 % la proportion totale d’indépendantistes. Parmi eux, elle mesure que 55 % veulent voter PQ, 18 % CAQ et 24 % QS. On retrouve davantage de « neutres » à la CAQ qu’ailleurs.

[6] Pour mieux comprendre ce qui se passait, nous avons posé par sondage à nos électeurs acquis et nos électeurs à convaincre la question suivante: «Lorsque vous rencontrez des amis, collègues ou voisins et que vous discutez de politique, quelle est la raison que vous entendez le plus souvent pour NE PAS voter pour le Parti Québécois ?» Nos électeurs acquis affirmaient qu’autour d’eux, le principal repoussoir était le fait que le PQ proposait l’indépendance 26 %, contrebalancé par 8 % nous reprochant de ne pas suffisamment la proposer. Chez les électeurs à convaincre, le fait que le PQ voulait l’indépendance (17 %) était un repoussoir presque aussi important que l’idée que le PQ ne la souhaitait pas assez (13 %). (Avis aux futurs candidats à la chefferie: «Maintenant que vous savez ça, vous avez 30 minutes pour trouver la formule gagnante 🙂 .»)

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