Dans le vestiaire de la piscine, le commis d’une grande pharmacie locale m’apostrophe. « Il faut que je vous dise. Au travail, tout le monde parle en anglais entre eux. Et comme je refuse, je me fais regarder de travers. » Vous travaillez dans l’ouest de l’île ? « Non, ici, à Ahuntsic ! » Il y a beaucoup d’employés anglophones ? « Non, presque pas. Ce sont des francophones qui parlent anglais entre eux. »
Un lecteur confirme : « J’habite Ahuntsic depuis quinze ans. Il y en a encore cinq, jamais on n’y entendait de l’anglais. C’est un coin donc essentiellement francophone et pas touristique du tout. Depuis deux ou trois ans, j’entends de plus en plus l’anglais parlé dans la rue et surtout dans les magasins. L’étonnant est que nous avons là une clientèle convaincue que tout le monde peut lui répondre en anglais, exercice que je fais avec beaucoup moins de succès quand je pose des questions en français dans Westmount. »
Une lectrice de Montréal : « Que faire lorsqu’on habite au Québec et qu’on ne parvient point à obtenir des services en français dans un commerce ? On quitte l’endroit et on va acheter ailleurs. Voilà ce que j’ai fait récemment chez Tim Hortons, Pizza Pizza ainsi que chez Metro, tous situés au centre-ville de Montréal. Face à du personnel incapable de me répondre dans notre langue officielle, j’ai tourné les talons sans ouvrir mon porte-monnaie. »
Un cinéphile montréalais : « L’année dernière, avant d’entrer au cinéma du Parc, disposant de quelques minutes, j’ai voulu m’acheter un café au Subway d’en face. Incapable de me faire servir en français par la jeune femme, j’ai rebroussé chemin. Il y a environ deux mois, j’ai refait la même chose. Nouvelle employée incapable de parler français, même quelques mots. Je n’en revenais pas. J’ai de nouveau rebroussé chemin. »
Il ajoute: « En janvier, j’ai remonté à pied la côte de la rue Saint-Denis à Montréal, côté est, entre les rues Ontario et Sherbrooke, tout en cherchant un restau où je pourrais acheter des mets à apporter. J’entre dans un restaurant qui me semblait sud asiatique (indien, peut-être pakistanais, je ne sais trop). L’homme au comptoir me reçoit sans un mot, même pas un « bonjour ». Je lui demande de me parler de ses plats vedettes. Pas un mot, sinon quelques borborygmes. Il attendait que je passe à l’anglais. Je suis sorti sans plus de formalités.
En sortant, je remonte à nouveau la côte et, 30 secondes plus tard, j’entre dans un autre restau qui me semblait aussi sud asiatique. La femme au comptoir était plus aimable que le précédent, mais pas plus francophone. Je lui demande : « Parlez-vous français ? » Elle me répond en anglais : « Je suis en train de l’apprendre. » J’espère qu’elle a dit la vérité, parce qu’avec ce sésame elle a réussi à me faire commander à manger. »
Sur le Plateau: « J’étais attablé dans un resto du Plateau, en train de lire un bouquin en anglais. Quand le serveur est venu prendre ma commande, il était fort surpris que j’insiste pour lui parler en français. Après quelques échanges plutôt désagréables (il me parlait en anglais, je lui répondais en français, mais de toute évidence nous nous comprenions), il m’a pointé mon livre du doigt en me traitant de bastard: pour lui, il était clair que je lui parlais français juste pour l’emmerder, car le livre que j’avais entre les mains prouvait que je parlais bel et bien anglais. Jamais il ne lui est venu à l’esprit que je pouvais être bilingue mais tout de même préférer être servi dans ma langue, à Montréal. »
Un visiteur de la métropole: « J’allais souvent à Montréal pour des réunions de mon organisme communautaire et je louais différents hôtels pas trop chers, la plupart communiquant en français d’abord avec moi et en anglais. À l’Hotel Quartier Latin un commis à la réception m’a accueilli en anglais et ne voulait rien savoir de tenter de parler français. D’ascendance indienne, il m’a dit que si j’allais en Inde je devrais parler hindous ou autres langues. Justement nous sommes au Québec, que je lui ai répondu. Ma fille qui m’accompagnait c’est mise à lui parler en anglais ce que moi je refusais..Voilà une partie du problème. »
Un lecteur de retour aux études : « J’arrive à la soixantaine. Il y a 15 ans, j’ai fait un certificat à l’Université de Montréal. Tout était normal. Je viens de retourner à cette même université. L’anglais s’entend maintenant partout dans les couloirs des départements de sciences sociales. Les étudiants s’expriment dans un franglais prononcé et pratiquent l’alternance codique. Dans les séminaires, ils cherchent leurs mots en français qu’ils remplacent par un vocabulaire anglais. Il faut déjà soi-même connaître l’anglais pour pouvoir comprendre leur syntaxe. »
Un employé de l’Université de Montréal: « Il y a une dizaine d’années, les seuls étudiants parlant anglais fréquentaient le pavillon de Droit; maintenant on entend parler anglais (ou franglais) sur tout le campus. »
Un professeur de physiologie de la même université: « voici une situation qui malheureusement s’impose de plus en plus à l’université au point de devenir un fait anodin, une défaite acceptée. Une chercheuse francophone, professeure à l’université de Montréal, et donc institution francophone, donne une conférence au sein de son institution à un public francophone … en anglais! J’ai vu s’opérer ce glissement à mon département au fil des années sans que personne ne sourcille. Je l’ai d’ailleurs souligné à qui de droit à plusieurs reprises, mais bon. Il semble que la présence possible d’un seul étranger non francophone suffise à faire plier tant l’audience que le conférencier. »
Une lectrice de Laval : « Les statistiques ne suffisent pas à décrire la situation. Quand je vais chez Winners, les employés discutent et travaillent en anglais, en espagnol et en arabe. Les employés qui viennent à mon domicile ne parlent ni français ni anglais entre eux. Exiger le français comme langue de service ? “Madame, qu’est-ce que tu veux ? Un gars qui comprend ta thermopompe ou un gars qui parle français ?”, ou alors “you want service in French, go to France”. Demander des services en français, c’est s’exposer à du mépris et à des insultes. »
Un lecteur de la Rive-Sud : « J’ai observé que de jeunes allophones travaillant au restaurant Presse Café du Quartier Dix30 préfèrent utiliser l’anglais en arrière du comptoir même s’ils parlent parfaitement le français. »
Un autre : « À Longueuil, tous les jours, il y a des endroits où personne ne peut (ou ne veut) parler français. À moi de m’adapter. »
De l’Estrie : « Je suis enseignant au cégep de Sherbrooke et à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. Je peux vous dire que je constate chaque semaine une aggravation de la situation. De plus en plus de mes étudiants, pourtant parfaitement francophones de souche, choisissent de se parler en anglais entre eux lors des pauses durant les cours. L’anglais devient graduellement la langue d’usage, même pour les francophones. »
Une autre enseignante : « Depuis plus de 20 ans que j’enseigne le français aux enfants, aux adultes, aux immigrants, aux anglos, au primaire, au secondaire et tutti quanti. Je n’en peux plus. Plus je me bats, plus l’adversaire est féroce et armé. Pour les plus jeunes, le français c’est out et dépassé, alors que l’anglais, c’est tellement plus cool ! »
Une lectrice de retour de Québec : « Quelle déception de voir que toutes les personnes travaillant dans les restaurants et les commerces s’adressaient à nous d’abord en anglais. Nous visitons notre capitale nationale et nous sommes traités en étrangers. J’ai essayé d’en parler à un serveur, et il m’a répondu qu’au moins 97 % de sa clientèle parlait anglais. Je lui ai répondu que les non-francophones qui visitaient la ville de Québec s’attendaient sûrement à ce qu’on s’adresse à eux d’abord en français. Il y a du travail à faire pour que les travailleurs à Québec comprennent que le français est aussi une force d’attraction pour les touristes et une insulte aux francophones lorsqu’il n’est pas utilisé en premier. Il est toujours temps, après le premier contact, de passer à l’anglais. »
Un habitant de Québec confirme: « Si l’idée me vient de fréquenter un endroit touristique du Vieux-Québec, immanquablement, je suis reçu en anglais. Par les plus jeunes seulement. À quoi je réponds de manière élaborée et décapante ! »
Une médecin de Québec: « Je suis médecin et oeuvre au CHU de Québec. Pour la première fois depuis 33 ans, j’ai fut témoin d’employés de l’hôpital conversant allègrement en anglais d’une situation clinique, aux vues et aux sues de tous dans un corridor d’un réputé département. Cette situation, sûrement fréquente à Montréal, ne s’observait jamais à Québec. Évènement isolé? Peut-être mais j’en doute … »
À l’Université: « Même à Québec, des fois ça parle anglais entre francophones. Ce ne sont pas des conversations complètes. Mais au milieu de la conversation, « Will you be there tomorrow? » au lieu de « Vas-tu être là demain? ». Des fois, je me fais répondre « C’est nice ». C’était dans un laboratoire informatique de l’Université Laval. »
Évidemment, ce ne sont que des anecdotes.
Finalement, il y a ce lecteur : « Jean-François, je pense que vos propos sur la langue sont bien documentés. J’admire votre ténacité. Mais, est-il utile de fouetter un cheval mort ? »
Mon garçon travaillait comme étalagiste à la pharmacie Jean-Coutu de l’avenue du Parc à Montréal. Un jour, un client l’apostropha en anglais et il eut la mauvaise idée de lui répondre en français, bien qu’il soit parfaitement bilingue. Le client exigea du patron que mon fils s’excuse de lui avoir adressé la parole en français. Le client précisa être bilingue, mais qu’il exigeait d’être servi en anglais. Il est vrai qu’en accueillant un membre de la communauté hassidique, mon garçon aurait dû savoir que ce groupe ne communique presque jamais en français. Mon garçon s’est excusé, mais il a démissionné quelques jours plus tard. Aujourd’hui, il a adopté l’anglais dans une grande partie de ses échanges à Montréal, comme la plupart de ses amis. La pression contre l’usage du français est énorme à Montréal.
La dernière phrase de votre article est assassine!. On n’est pas morts bordel. Et nous combattrons sans relâche pour que le GRAND RÉVEIL survienne. Il y a de l’espoir avec PSPP comme chef. Un pour tous, tous pou UN QUÉBEC LIBRE!