Rapatriement de 81: 60% des Québécois rejettent la constitution

C’est un gros chiffre, 60%. Surtout 30 ans après les faits. On aurait pensé qu’ils se seraient résignés, qu’ils seraient passé à autre chose, qu’ils seraient « ailleurs ». Mais non. Le refus québécois du Canada-tel-qu’il-est est massif.

Ce n’est pas ce que vous aviez retenu du communiqué émis ce mercredi par l’organisme Idée Fédérale, qui a commandité ce sondage ? Moi non plus. J’y avais plutôt lu que « pour une très forte majorité de Québécois, le rapatriement de la constitution a été une bonne chose ». C’est d’ailleurs le titre de leur communiqué.

Procédons méthodiquement.

Les 60% dont je parle vient d’une question que mes amis de l’Idée fédérale ont eu l’honnêteté intellectuelle d’insérer dans leurs résultats en ligne (pdf).

La question était celle-ci:

Aujourd’hui, laquelle des options suivantes vous apparaît-elle la plus souhaitable pour le Québec ? Réponses:

idée-fédérale

 

 

 

 

Seulement un tiers de francophones « résignés » !

C’est clair, si la constitution n’est pas amendée pour satisfaire le Québec, 59% de tous les Québécois et 66% des francophones refusent de se résigner au statu quo. En fait, refusent, selon la formulation de la question, de « rester dans la fédération canadienne ».

Le sondage de l’Idée fédérale nous explique pourquoi:

69 % des Québécois veulent de nouvelles négociations constitutionnelles
73% veulent que la constitution reconnaisse le statut de nation et
73% veulent davantage de pouvoir pour le Québec dans le Canada.

Certes, mais ils ne sont plus pressés: 77% estiment qu’il est préférable de s’attaquer d’abord à des problèmes plus pressants (le message de Legault).

Il y a donc un mécontentement profond, une réelle volonté de changement, mais pas d’urgence.

Les Québécois, content du rapatriement ?

Comment mes amis de l’Idée fédérale ont-ils pu tirer la conclusion que les Québécois étaient contents du rapatriement?

Lorsque des Québécois informés entendent « rapatriement » ils pensent « nuit des longs couteaux » « coup de force » « isolement du Québec », etc. Les Québécois non informés (ou distraits), 30 ans après, ne peuvent se fier qu’à la question qu’on leur pose, de surcroît en tout début de sondage.

Essayez autour de vous:

En 1982, le Canada a rapatrié au Canada sa loi constitutionnelle qui était jusqu’alors une loi britannique. Selon vous, était-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Seulement 80% des répondants ont dit que c’était une bonne chose. Je ne sais pas pourquoi, présenté comme ça, le résultat n’a pas été de 100%.

Idem pour l’inclusion d’une Charte des droits et libertés. Qui peut, hors contexte, être contre. Les auteurs ont simplement oublié d’indiquer que cette Charte allait « limiter le droit de l’Assemblée nationale du Québec de voter ses lois linguistiques ».

Dans d’autres questions, les auteurs présentent toujours le refus du Québec de ratifier la constitution comme le refus « du gouvernement du Québec » et non de « l’Assemblée nationale du Québec » ou « de la presque totalité des députés de l’Assemblée nationale ». A mon avis, ce n’est pas anodin, surtout par les temps qui courent.

On met également en opposition la « Charte des droits » et la  « loi 101″ (et non la « Charte québécoise de la langue française »). Cela donne des Québécois divisés.

Si on avait demandé plutôt qui devait avoir le dernier mot en matière linguistique au Québec, l’Assemblée nationale du Québec ou la Cour suprême du Canada, j’aurais été curieux de voir le résultat.

Une autre fois, peut-être…

Ce contenu a été publié dans Canada, Indépendance par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !