Remous à Rad-Can: Vers de l’info hyper-locale ?

indexIl y a les mots clés. L’information à Radio-Canada doit entrer dans une « nouvelle étape », affirme le nouveau patron du service français, Louis Lalande.

En annonçant son départ, jeudi dernier, Alain Saulnier a indiqué que M. Lalande « a décidé de procéder à la transformation de l’information avec une autre personne que moi ». Notez: « transformation ».

Le nouveau maître de l’info, Michel Cormier, apporte un « vent de fraicheur », expliquait vendredi dernier, Louis Lalande en réponse aux questions acides du journaliste Michel Désautels. Les qualités de Michel Cormier sont nombreuses, a-t-il ajouté, car il connaît peu les joueurs de l’information à Montréal, tout en étant radiocanadien.

De quoi s’agit-il ? Difficile à dire. Mais une partie du virage voulu par le PDG Hubert Lacroix porte sur l’information hyper-locale. Une mode de l’info en Amérique du Nord, fondée sur la capacité qu’a internet de rendre compte de ce qui se passe dans chaque quartier.

Ce virage vers l’hyper-local, dans un contexte de restriction budgétaire, ne peut se faire qu’au détriment de l’information non-hyper-locale: nationale et internationale.

Sous la pression, le prédécesseur de Louis Lalande, Sylvain Lafrance, lui-même viré/démissionnaire il y a six mois dans des circonstances toujours obscures, avait accepté de mettre sur pied une expérience pilote : Projet 450.  Il s’agissait de mettre 1,5 millions de $ dans l’embauche d’une douzaine de journalistes et webmestres pour offrir aux citoyens de la couronne Nord et de la couronne Sud de Montréal une information locale, sur internet. Cela dans un marché saturé par les hebdos de Transcontinental et de Quebecor disposant eux-mêmes de sites internet.

Les cadres de l’information interrogés pour cette série sont unanimes à noter l’échec patent de cet investissement, échec parfaitement prévisible. C’est une formule, explique un cadre dirigeant d’un groupe médiatique québécois, « qui n’a pas trouvé son modèle d’affaires au Québec », bref le moyen de s’autofinancer.

C’est pourtant ce type de virage vers l’information locale, d’une part, l’allégement du TJ d’autre part qui est voulu par le PDG Hubert Lacroix et rejeté par les cadres à qui on a montré la porte.

L’autre mot clé, revenant comme un serpent de mer dans la tradition radiocanadienne, est celui de la « régionalisation » de l’information. L’Acadie, d’où arrive Michel Cormier, est une région au même titre que le Manitoba ou le Saguenay.

« Qu’ils me ramènent (sur RDI) l’émission Le Monde de l’Atlantique, moi ça va faire mon affaire » rigole au bout du fil un cadre de l’information de TVA, qui sait que les cotes d’écoutes de LCN montent et que celles de RDI plongent chaque fois que la maison Radio-Canada succombe à cette obsession régionaliste.

Radio-Canada est sans cesse victime de cette tension entre son auditoire principal – massivement québécois – et sa mission pancanadienne. Reste que le virage régional permet une déquébécisation, au moins relative, de l’information.

Revient-on, par ce biais, à répondre à une volonté politique conservatrice, au moins objectivement ?

C’est ce que pense le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, dans un communiqué émis jeudi dernier. Pour la Fédération, le renvoi de Saulnier :

prend les allures d’une première salve des conservateurs dans leur bataille pour réduire la taille, l’influence et le budget de Radio-Canada. À la veille de compressions importantes à la SRC, la FPJQ craint plus que jamais qu’on saborde le mandat d’information du diffuseur public.

Jusqu’où le nouveau couple Lalande/Cormier poussera-t-il le bouchon hyper-local ? Le plus loin possible, espèrent les concurrents de Radio-Can. Le moins loin possible, prient les artisans de l’information de Radio-Canada qui, se levant pour ovationner longuement Alain Saulnier lors de son départ jeudi, savaient qu’ils perdaient avec lui leur plus solide rempart.

Tout repose cependant sur la volonté ultime du PDG, Hubert Lacroix. Nous allons tenter d’entrer dans ses pensées demain, dans ce qui pourrait être le dernier de cette série.

Demain: Remous à Rad-Can: La société d’État, c’est moi !