Réplique: Le jeu des erreurs de Frédéric Bérard

Frédéric Bérard m’a rendu un grand service ce mercredi en regroupant dans un seul article la plupart des faussetés et demi-vérités qui circulent sur mon compte au sujet de la laïcité (Lisée, Kaboul et St-Jérôme). Les lecteurs de Métro méritant mieux, je corrige la copie du chroniqueur.

VRAI : Il écrit : « avant que le débat sur le voile ne soit élevé au rang d’obsession médiatico-politique, le chroniqueur écrivait: « Le voile? Franchement, je m’y suis habitué et ce qu’on met sur sa tête ne devrait pas soulever l’ire nationale. »» C’était il y a 15 ans, avant qu’on discute spécifiquement des signes religieux dans l’État.  C’est en 2010, à l’occasion d’une pétition lancée par le grand Guy Rocher, que je me suis rangé au principe que les employés de l’État ne devaient afficher aucune conviction. Je m’en suis alors expliqué sur mon blogue, toujours en ligne et n’ai jamais changé d’avis depuis.

FAUX : J’aurais erré, écrit-il, en « associant fallacieusement Alexandre Cloutier à Adil Charkaoui » pendant la course au leadership de 2016. La réalité est que l’Imam toxique a écrit sur sa page Facebook le bien qu’il pensait d’Alexandre et le mal qu’il pensait de moi. Un journaliste a attiré mon attention sur ce fait, désagréable. Attaqué frontalement par l’équipe Cloutier au sujet de la laïcité, j’ai répliqué en attirant l’attention sur ce fait. J’ai aussi précisé qu’évidemment, Alexandre n’avait jamais voulu de cet appui gênant, mais l’Imam a récidivé.

FAUX : Bérard me décrit « accusant son rival d’avoir souhaité une «bonne fin de ramadan à [ses] amis musulmans». Cette citation n’existe pas. J’ai écrit au contraire au sujet des fêtes religieuses qu’il « n’est pas interdit de les souligner mais, à mon humble avis, il est préférable que l’État ne s’en mêle pas. Ce serait, en tout cas, ma pratique comme chef. » Signaler systématiquement les fêtes religieuses contribue, il me semble, à définir les communautés par la religion, plutôt que par leurs autres attributs.

FAUX : Le chroniqueur me cite ayant dit : «en Afrique, les AK47 sous les burqas, c’est avéré là». Il prétend qu’il n’y a « aucun cas recensé, ici comme ailleurs ». En fait, les cas sont à ce point recensés que plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, victimes d’attentats terroristes ainsi commis, ont interdit le voile intégral, ce que Google lui aurait facilement appris (lire ici). J’avais aussi écrit qu’il n’était qu’une question de temps avant qu’on vive une situation semblable chez nous. Mais en Amérique du Nord, l’usage criminel, (par des bandits, pas des dévots), du voile intégral fut relevé au Canada dans un meurtre, une tentative de meurtre, un vol, et aux États-Unis par plusieurs vols (le plus récent ici) et un enlèvement/agression sexuelle d’une fillette à Philadelphie.

FAUX. Il déclare ceci : « en feu lors d’une activité partisane péquiste, le politicien-scorpion hurle au micro, à répétition: « Y a des hidjabs partout… ça suffit! », enjoignant à la foule de se joindre à lui.» La vidéo existe. On n’y voit ni répétition ni hurlement. Ma position est que les éducatrices en garderies subventionnées ne devraient porter aucun signe, religieux ou autre. Dans les garderies à Montréal, le signe le plus visible – en fait le seul signe de conviction perceptible – est un symbole qui signifie spécifiquement modestie et soumission des femmes, exactement le contraire de ce que l’on veut enseigner à nos enfants.

FAUX : Bérard m’accuse de ne pas voir que l’analogie entre l’Arabie Saoudite et Montréal est « nulle, absurde et non avenue ». Samedi dans Le Devoir, j’ai écrit que « La situation est évidemment complètement différente à Montréal, où le voile, selon une intervenante interrogée dans ces pages, peut être un symbole féministe. Je n’en doute pas. »

FAUX : Bérard affirme au sujet du voile le « caractère volontaire du port en question chez la femme du Québec » et que « les illustrations, tristes et délétères, issues d’autres coins du globe n’ont aucune chance de résonance, ici. » Aucune chance ? L’an dernier, un père montréalais d’origine algérienne reconnu coupable d’avoir voulu tuer ses quatre filles car elles souhaitaient « s’habiller comme des québécoises ». Un écho de l’assassinat de trois jeunes Montréalaises (et de leur belle-mère) en 2009 par leurs parents d’origine afghane, les Shafia, mécontents des comportements insuffisamment islamiques de leurs filles. Bérard devrait avoir honte d’ignorer l’existence du voile contraint à Montréal, même s’il est, on l’espère, minoritaire.

Finalement Frédéric, homme sympathique pour lequel je n’ai aucune animosité, attaque mon honnêteté intellectuelle en prétendant que je suis trop « intelligent et cultivé pour (sincèrement) croire » à mes arguments laïques. Je ne lui rends pas la pareille. J’estime au contraire que, malgré son intelligence, Frédéric voit (sincèrement) comme une preuve de modernité et d’ouverture la normalisation dans des publicités gouvernementales de symboles de religions indubitablement inégalitaires, misogynes et homophobes, perçues par plusieurs québécoises, y compris d’origine arabe, comme les étendards de l’oppression.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !

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