Cela vous a sans doute échappé, mais, la semaine dernière, le Parti québécois a déposé un document qui pose une question audacieuse : pour lutter contre le décrochage, faudrait-il rendre l’école obligatoire jusqu’à l’obtention d’un premier diplôme ou jusqu’à 18 ans ? Je n’ai pas de réponse à cette question, mais elle a le mérite de l’audace.
Audace ? Petite bière comparée aux mesures de dissuasion massive de l’absentéisme — et de la violence à l’école — dévoilées ce mercredi par Nicolas Sarkozy. (Je vous mets mon appréciation entre parenthèse)
* D’abord, il va « ficher les décrocheurs », pour répertorier ceux que la France appelle avec élégance « les élèves en cours de déscolarisation ». L’objectif affiché est semblable à l’informatisation du dossier santé : faire en sorte que les intervenants aient accès à toute l’information sur l’élève en difficulté, pour mieux l’orienter. Mais le fichier devient national et ses détracteurs n’aiment pas qu’il puisse être utilisé, aussi, par la police. Ainsi fichés, ils pourront être orientés vers les établissements de réinsertion. (Mesure un peu excessive, c’est le boulot des directions de chaque école d’identifier ces étudiants et de les accompagner.)
* Il veut retirer aux parents d’enfants qui s’absentent trop souvent de l’école leurs allocations familiales — une mesure très contestée, qu’il veut introduire dès l’automne prochain. (Cela ressemble à une double punition. Déjà, votre ado décroche. En plus, on vous coupe les vivres !)
* Ensuite et surtout, il va créer d’ici un an une dizaine d’internats — l’école où on réside — pour les élèves de 13 à 16 ans qui ont été « exclus au moins une fois » de leurs écoles pour avoir été trublions. Ils y apprendront « l’apprentissage de la règle, le respect de l’autorité et le goût de l’effort. » Seront ainsi exclus des écoles régulières les « jeunes qui rendent la vie impossible » au sein de leur établissement, dixit le président, voire « terrorisent les autres, y compris les parents, y compris les enseignants ». (La mesure ne peut bien sûr être appliquée sans l’autorisation des parents. Cette condition étant remplie, pourquoi pas ?)
* Autre mesure: les 53 écoles de France où il y a le plus de violence auront chacun leur policier sur place. (C’est la moindre des choses.)
* Les directeurs des écoles situées en zones défavorisées auront la capacité de choisir leur personnel enseignant. (Là, je dois dénoncer un plagiat, car je proposais cette mesure dans le chapitre éducation de Pour une gauche efficace. Pour que l’équipe école puisse être responsabilisée dans son objectif de réussite, il faut que la direction puisse choisir les meilleurs éléments, les plus compatibles, et les rémunérer en conséquence.)
* Finalement, un second type d’internat, créé celui-là pour recevoir les « élèves doués » en provenance des milieux défavorisés : des « internats d’excellence ». Il y a actuellement un projet pilote, avec 2 900 places, il y en aura 20 000 d’ici trois ans. Un investissement de 250 millions de dollars dans l’excellence en provenance du bas de l’échelle. (Je suis inquiet du fait qu’on écrème ainsi les écoles de milieux difficiles, mais je suis tenté d’applaudir quand même.) Chacune de ces mesures (sauf celle qu’il m’a empruntée) suscite la controverse et mérite débat. On doit cependant admettre que ces décisions témoignent d’une réelle volonté politique de s’attaquer au problème et d’y mettre les moyens.
On peut écouter le discours complet de Sarko ici (il dure 40 minutes) :
Cette vidéo n’existe plus