Scandales financiers providentiels aux États-Unis

cartoon-three-apes-150x150Moody’s et Standard & Poor’s, les deux grandes agences de cotation devant lesquelles se prosternent les gouvernements (dont celui du Québec) et les grandes entreprises, sont sur le point de vivre une décote historique.

Vous avez entendu parler des courriels échangés par les dirigeants de la grande banque américaine Goldman Sachs, discutant de leur stratégie pour profiter financièrement de la déconfiture financière de leurs propres clients ? Ce n’est rien à côté de ceux où des employés de Moody’s et S&P s’entendent pour aider Goldman Sachs à y parvenir.

Car leur rôle dans la crise fut essentiel. Ce sont eux qui, en donnant leur note AAA à des produits financiers complètement toxiques, ont affirmé sur l’honneur aux acheteurs, investisseurs, fonds de pension et banques étrangères que ces produits étaient super sûrs. (Paul Krugman du NYTimes rappelait ce lundi que 93 % des produits ainsi approuvés sont aujourd’hui considérés comme sans valeur — junk !)

La grande décote des agences de notation

Ces produits étaient aussi sûrs, affirmaient les firmes de notation, que les bons du Trésor américains et… rapportant un peu plus. Bref, une aubaine.  (J’en discute avec Yvan Allaire, des HEC — qui explique tout–, dans le dernier Planète Terre).

Pour l’instant, ces agences avaient réussi à se sortir complètement indemnes de la crise. Or contrairement à ce que le citoyen moyen peut penser, ces agences ne sont pas indépendantes. Elles sont des entreprises privées. Les clients, comme le Québec, peu influent, ou Goldman Sachs, un géant, les paient pour obtenir leur fameux bulletin non chiffré.

La quantité de produits toxiques qu’il fallait noter — en tout, pour une valeur de 600 mille milliards de dollars — constituait pour eux une véritable fontaine d’or liquide. Ils ne voulaient pas en manquer une goutte.

Dans les courriels qui font surface, un employé de S&P écrit qu’il faut « ajuster » les critères utilisés, sinon la compagnie risque « de perdre des contrats ». Un autre écrit qu’il faudrait « manipuler les données des sub-primes et alt-A pour préserver notre part de marché ». Ce qui laisse entendre que la concurrence — d’autres maisons de notation– pourraient être encore plus coopératives pour bien noter ces produits ridicules.

Un excellent moment

Ce scandale, s’ajoutant à celui concernant Goldman Sachs, ne pourrait tomber mieux pour ceux qui espèrent, comme 65 % des Américains, un effort réglementaire important pour empêcher Wall Street de continuer à jouer au casino avec l’économie mondiale.

On pouvait croire, il y a à peine deux mois, que le projet des démocrates de re-réglementer le secteur financier allait mordre la poussière, ou alors, pour rester dans la métaphore buccale, être complètement édenté.

Cependant, ces scandales, ajoutés aux annonces de profits et de bonis faramineux, continuent à alimenter l’ire populaire contre Wall Street, alors qu’approchent les élections de mi-mandat de novembre. (Dans plusieurs États et circonscriptions, les partis sont dans leurs phases de primaires pour la désignation des candidats. Ils sont donc très sensibles aux mouvements d’opinion.)

Un président ressuscité

Le président américain, que certains disent «ressuscité» depuis sa victoire sur le thème de la santé, surfe sur la colère anti-Wall Street pour faire pression sur les Républicains et faire avancer une réforme plus agressive que ce qui avait été prévu.

Les Républicains tentent de bloquer le débat sur la réforme — ce qu’ils ont fait ce lundi en refusant de laisser le Sénat engager le débat en plénière. C’est cependant un jeu dangereux, car ils se placent ainsi dans la cible de la colère populaire, plutôt que d’en être les véhicules. Pour l’instant, 52 % des Américains préfèrent l’approche d’Obama sur la question, contre 35 % qui appuient les Républicains.

Certains sénateurs républicains pourraient d’ailleurs leur faire faux bond et briser cette stratégie de blocage — c’est ce qu’espèrent les Démocrates, qui sont cette fois beaucoup plus agressifs que dans les étapes préliminaires de la réforme de la santé. Un des Républicains estime même que les démocrates sont trop timorés dans leur réforme et voudrait ajouter un amendement fort créatif: en cas de future faillite d’une institution financière, les salaires et bonis des dirigeants et des membres du Conseil d’administration versés pendant les cinq années précédentes seraient tout simplement confisqués par l’État.

Enfin, un Républicain à mon goût.

Ce contenu a été publié dans 1%, Économie, États-Unis par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !