Nous interrompons, comme c’est notre habitude le vendredi matin, le lancinant commentaire antimodèle québécois des plumes économiques locales pour vous transmettre ce bref message d’intérêt public.
Dans l’excellente revue canadienne Inroads du début 2010, l’économiste le plus social des lucides, Pierre Fortin, dans un texte dont je n’ose même pas traduire le titre — Québec is fairer: there is less poverty and less inequality in Québec — y va de cette étonnante affirmation :
«Dans un texte précédent, j’ai démontré que le niveau de vie au Québec et en Ontario est équivalent. Le revenu réel par habitant du Québec est de 92% de celui de l’Ontario. Mais les Québécois jouissent davantage de temps libre, par choix pour une bonne part: ils travaillent moins d’heures par semaine, moins de semaines par an et moins d’années dans leur carrière. Si on tient compte de la valeur du temps de loisir et du revenu salarial dans un estimé global de leur « vrai » niveau de vie, alors on ne peut que conclure: le niveau de vie moyen est désormais à peu près équivalent au Québec et en Ontario.
Ce résultat vient avec une seconde surprise: parmi les régions du Canada, le Québec est un leader dans la lutte contre la pauvreté et l’inégalité.
Je vous laisse lire l’article en entier. Mais j’en ai extrais quelques tableaux qui valent le détour.
Cliquez pour agrandir
Je vais tout de suite au devant d’un contre-argument courant et légitime: puisqu’on calcule la pauvreté en proportion du revenu, les endroits où le revenu est plus élevé (comme l’Ontario) ont des pauvres moins pauvres.
Fortin a calculé le revenu moyen réel des 20% de la population du bas de l’échelle dans chaque région du Canada, en 2006. Voici ce que ça donne:
British Columbia $14,100 Atlantic provinces $14,200 Canada (total) $15,100 Ontario $15,200 Quebec $15,300 Prairie provinces $16,300
Bref, seules les prairies, dopées par le pétrole, font mieux que le Québec. Fortin démontre que la bonne performance du Québec a une cause: le degré supérieur de répartition de la richesse opérée par l’État québécois, via la fiscalité et les prestations.
La photographie et le film
Donc, la photo est bonne pour le coureur québécois. Le film est meilleur encore. Car Fortin compare l’évolution de la pauvreté sur vingt ans:
Le décrochage, début 1997, lorsque le Québec affiche une chute marquée de son niveau de pauvreté coïncide avec une période de forte croissance économique et avec l’introduction de la politique familiale du gouvernement québécois. On en retient les garderies à peu de frais, mais elles étaient accompagnées par:
* La couverture des besoins des enfants à bas revenus. (Programme ensuite pris en charge par Ottawa, mais que Québec bonifie);
* L’introduction de la perception automatique des pensions alimentaires — élément important de la chute de la pauvreté chez les mères seules;
* L’introduction de l’appauvrissement zéro chez les bénéficiaires d’aide sociale inaptes à l’emploi.
Toutes des mesures fortement social-démocrates. (Transparence totale: j’étais alors conseiller du premier ministre).
Nous retournons maintenant à notre programme régulier.