Semaine difficile pour Jean Charest

Le Devoir,  samedi 15 novembre 2008

Ce qui me frappe le plus cette semaine, c’est que c’est une très dure semaine pour Jean Charest. D’abord, la semaine a commencé alors qu’on continuait à remettre en question la raison qu’il avait invoquée pour déclencher des élections, c’est-à-dire l’économie. Déjà la semaine dernière, il avait démontré que sa plate-forme économique n’était pas foncièrement différente de celle de son principal adversaire, le PQ, et on a ensuite passé quelques jours à débattre sur la question de savoir s’il avait laissé derrière lui un déficit ou non.

Ensuite, les libéraux ont perdu le débat sur le débat. Ils ont fait l’erreur de passer deux jours à donner l’impression qu’ils ne voulaient pas de débat. Pour quelqu’un qui réclame des élections, ce n’est pas une impression qu’on veut laisser derrière soi. Le débat doit par ailleurs être réservé aux représentants des partis qui jouent un rôle significatif dans la gouvernance ou qui sont sur le point de le faire. Temps (sic) que Québec solidaire ou le Parti vert ne réussiront pas à faire élire un député, je ne pense pas qu’ils acquerront le droit de participe au débat.

M. Charest a également eu un problème sur la question de la santé. En 2003, c’était une priorité telle qu’il en parlait tous les jours, mais il a complètement oublié d’en parler cette fois-ci alors que la situation globale ne s’est pas améliorée de façon significative. En se contentant d’accuser Pauline Marois d’en être responsable, M. Charest a fait quelque chose de très dangereux, ce qui n’a pas eu pour l’instant tout l’impact négatif que cela aurait pu avoir. Non seulement accuser les gouvernements Bouchard et Landry est un peu léger après six ans de pouvoir, mais il est très dangereux de pointer Mme Pauline Marois du doigt. D’abord, elle n’a été ministre de la Santé que pendant une partie de cette période, et elle ne l’était pas lorsqu’il y a eu les coupures budgétaires. Si Pauline Marois n’est pas devenue chef au moment du départ de Lucien Bouchard, c’est précisément parce qu’elle était plus concentrée sur la défense des budgets de la santé que sur la course à sa succession. Il est quand même un peu bizarre que M. Charest accuse aussi directement Mme Marois de quelque chose qui la dépassait largement. Ce faisant, il n’est pas loin de s’exposer à se faire accuser d’acharnement.

M. Dumont a quant à lui eu une semaine paradoxale. S’il est très bon à la télévision et donne l’impression de quelqu’un qui est au maximum de sa forme, on a néanmoins l’impression qu’il en fait trop. Mario Dumont fait la démonstration que sa présence est utile, agréable, voire divertissante… mais pas au gouvernement. Sur le site Web, Mario Dumont a eu rapidement la bonne réaction. Mais l’épisode renforce l’impression, auprès de l’électorat, que les membres de l’ADQ sont une bande de jeunes adultes pas complètement responsables. Les meilleurs moments de Mario Dumont se sont déroulés dans le contexte où des travailleurs de l’usine d’Abitibi-Bowater de Donnacona étaient très fâchés pour des raisons économiques contre Jean Charest. Ça frappait l’imagination.

Mme Marois réussit pour l’instant à tirer son épingle du jeu, mais elle n’a pas encore dominé. Compte tenu de la faiblesse de ses adversaires, Pauline Marois devrait arriver à dominer le débat et à imposer ses thèmes.

Ce contenu a été publié dans campagne 2008 par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !