Il nous a quittés il y a quatre ans. Il habite encore notre détermination à faire du Québec un pays.
En rappel, l’hommage que je lui ai rendu à l’assemblée nationale au lendemain de son décès.
De René Lévesque, Camille Laurin écrivait ceci : «[Il] me paraît comprendre et ressentir dans [ses chairs] ces contradictions de l’homme québécois qui tout à la fois lui imposent de se libérer et l’empêchent d’y parvenir. C’est pourquoi [Lévesque] oscille lui-même entre la nuit et la lumière… Il est pour chacun un signe de contradiction. »
Le bon Dr Laurin aurait dû tirer un diagnostic complètement opposé de l’autre incarnation du mouvement indépendantiste. Jacques Parizeau ne reflétait pas, comme Lévesque, les Québécois tels qu’ils étaient. Il les représentait tel qu’il voulait qu’ils deviennent, désinhibés, décomplexés, déjà indépendants dans leur tête et dans le monde.
C’est parce qu’il était né dans l’argent que Jacques Parizeau n’était pas intimidé par les forces de l’argent. C’est parce qu’il avait obtenu — premier Canadien français, disait-on alors — un doctorat de la London School qu’il ne s’en faisait pas imposer par les financiers anglo-montréalais de la colonie, de l’empire, finalement. Ceux-là entendaient-ils bloquer depuis ce qu’on appelait à l’époque la rue Saint-James le financement de la nationalisation de l’hydroélectricité, l’économiste Parizeau allait forcer le blocus en parlant directement aux vrais argentiers à Wall Street.
Jacques Parizeau avait l’assurance qu’il fallait, l’audace qu’il fallait pour faire lever de terre les grands instruments de développement économique de la Révolution tranquille. Il avait la confiance qu’il fallait envers les siens pour les initier à l’aube des années 80 aux actions en bourse grâce au Régime d’épargne-actions, qui allait transformer les actions des moyennes entreprises québécoises en géants mondiaux. C’était pour lui une grande fierté, 10 ans plus tard, de constater qu’on désignait spontanément le lieu où se brassent les affaires à Montréal la rue Saint-Jacques plutôt que la Saint-James. C’était beaucoup plus qu’un symbole, c’était le marqueur d’une transformation dont il avait été l’accoucheur.

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Mais ses empreintes digitales sont aussi visibles partout ailleurs sur le territoire. Le projet de loi sur l’équité salariale, c’est lui; la perception automatique des pensions alimentaires, c’est lui; la reconnaissance des groupes communautaires, la création des carrefours jeunesse-emploi, c’est lui; la réintroduction des cours de métier dans les écoles secondaires, la formation professionnelle en entreprise, c’est lui; l’embellissement spectaculaire du pourtour de l’Assemblée nationale, c’est lui, le grand amant de la ville de Québec. La plus grande coalition politique de notre histoire, en 1995, c’est aussi Jacques Parizeau. Porter une nation à quelques millimètres de la souveraineté, ce ne pouvait être que Jacques Parizeau.
J’emprunte à Guy Breton, le recteur de l’Université de Montréal, les mots qu’il a employés en novembre dernier, lors du dernier hommage public rendu à M. Parizeau de son vivant, lors de la remise d’un doctorat honoris causa : «Par votre engagement universitaire, politique, patriotique, vous avez été, Jacques Parizeau, dans le poste de pilotage du Québec pendant plus de 60 ans. Vous avez été de ceux qui ont guidé le Québec depuis la « grande noirceur » jusqu’à la mondialisation. Le Québec n’est pas encore le pays dont vous rêvez, mais, beaucoup grâce à vous, les Québécois savent qu’ils peuvent le faire, ce pays. Une chose est sûre, M. Parizeau, très cher M. Parizeau, vous avez amené les Québécois à l’indépendance d’esprit.»
Merci.
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