À vos souhaits!

Transportons-nous dans la réunion exécutive, fictive, de l’Organisation de coopération de Shanghai, réunissant notamment la Chine, la Russie et l’Iran. Elle aurait pu se tenir le 1er janvier dernier. L’ordre du jour : élaborer la liste de souhaits pour l’année 2025, maintenant que les Américains se sont choisi un nouveau président. Autour de la table, les présidents chinois, russe et iranien, Xi Jinping, Vladimir Poutine et Massoud Pezeshkian.

Il faut voir grand, commence Vlad, et viser un impact maximal.

Moi, enchaîne Xi, ma priorité, c’est le FBI. Ils ouvrent chaque jour une nouvelle enquête sur nos activités d’espionnage aux États-Unis, leur directeur actuel en a fait une priorité et il est très efficace. Alors je commencerais par le dégommer et le remplacer par un novice un peu crinqué. Ensuite, je mettrais à la porte les huit plus hauts responsables du bureau, ceux qui ont le plus d’expérience, puis je tenterais de me débarrasser du tiers des agents sur le terrain.

Massoud : Le tiers ? Tu ferais ça comment ?

Xi : D’abord, je pardonnerais et libérerais les 1500 insurgés criminels du 6 Janvier, en proclamant qu’ils ont été des héros, des otages, horriblement mal traités par la justice. Ils seraient donc validés dans leur désir de se venger. Or, s’ils avaient été emprisonnés, c’est à cause du travail d’enquête d’environ 6000 agents du FBI. Les nouveaux dirigeants du Bureau exigeraient des informations nominatives sur ces 6000 agents. Le risque que cette information coule et tombe dans les mains des vengeurs serait énorme. Même si je ne mettais pas ces 6000 à la porte, ils seraient démoralisés et démobilisés. Plusieurs démissionneraient.

Vlad : C’est bien beau, le FBI, mais moi ce qui m’inquiète, c’est la CIA et leurs espions dans mon pays. Alors, j’essaierais de me débarrasser du plus grand nombre possible. Je mettrais un gel sur toutes les embauches et j’offrirais à tous les employés actuels huit mois de salaire s’ils acceptent de déguerpir immédiatement.

Massoud : Mais Vlad, n’aurais-tu pas le contrôle sur tout l’appareil du renseignement américain si tu nommais Tulsi Gabbard au sommet de la pyramide ? Ce n’est pas une agente à toi ?

Vlad : Je ne confirme ni n’infirme que Tulsi est mon agente. Mais juste le fait que beaucoup de professionnels américains du renseignement le pensent saperait leur moral et provoquerait beaucoup de rétention d’information, donc de perte d’efficacité.

Massoud : Je vois. Moi, mon problème, c’est que j’ai beaucoup été affaibli depuis deux ans. Mes milices du Hamas et du Hezbollah sont décimées, Israël est plus fort que jamais et le monde arabe, dont mon ennemi l’Arabie saoudite, est prêt à faire la paix avec Israël, ce qui va m’isoler. Alors j’ai eu une idée qui permettrait d’unir et de mobiliser tout le monde arabe et musulman contre l’ennemi commun : que le président américain annonce qu’il veut expulser 1,7 million de Gazaouis, occuper Gaza et y construire des hôtels et des casinos pour les millionnaires du monde entier.

Xi : C’est génial ! J’aimerais voir la tronche des électeurs musulmans du Michigan qui ont été convaincus de voter pour Trump parce que Kamala était trop pro-Israël !

Vlad, Xi et Massoud : (Long fou rire.)

Xi : Bon, revenons aux choses sérieuses. Vlad et moi avons un autre problème. On tente d’étendre notre influence en Afrique, et on fait des progrès, mais on se bute au fait que Washington envoie chaque année pour 40 milliards de dollars américains d’aide humanitaire et médicale à travers l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). On n’a pas les moyens de les concurrencer. Donc je ferais simplement sauter cette baraque complètement, en les traitant de criminels et de vers de terre. Les populations privées de vivres et de médicaments vont être furieuses contre les États-Unis.

Massoud : Parlant de médicaments, on pourrait essayer d’augmenter les problèmes de santé aux États-Unis en nommant à la tête du département de la Santé quelqu’un qui a affirmé qu’« aucun vaccin n’est efficace et sûr ». Puis attendre de voir les épidémies se répandre.

Vlad : Moi, je suis content qu’on se soit débarrassé du vieux Biden. Il avait quand même unifié l’OTAN et y avait intégré deux de mes voisins. Maintenant, il faut semer le plus de zizanie possible entre ses membres. Le président américain pourrait dire du mal de l’Europe et du Canada chaque jour, ça aiderait.

Massoud : Peut-être même les menacer d’imposer des tarifs douaniers rédhibitoires. Mais ça pourrait s’appliquer à toi aussi, Xi, alors c’est peut-être une mauvaise idée.

Xi : Ne t’inquiète pas, on ferait en sorte que les tarifs soient moins durs sur nous que sur eux. L’important, c’est que la simple menace de tarif briserait le lien de confiance entre les États-Unis et leurs alliés et réduirait la qualité de leur coopération économique qui faisait leur force. Tout ce qui les affaiblit facilite la montée de la Chine.

Vlad : Le plus important serait de miner leur économie, pour provoquer des compressions dans leur filet social et augmenter la pauvreté et la misère. Déjà, on essayait de les forcer à gaspiller 2 % de leur PIB en dépenses militaires. Maintenant qu’ils dépassent cette cible, on devrait les forcer à monter ça à 5 %.

Massoud : Oui, mais tu n’as pas peur que leur force militaire soit plus invincible qu’avant ?

Xi : Il faut les faire dépenser en défense, tout en les désorganisant et en démoralisant leurs troupes. Par exemple, on rendrait le recrutement plus difficile. On pourrait commencer par virer les soldats trans, mais ils ne forment pas 1 % des troupes. Il faudrait surtout faire déguerpir les femmes, en nommant comme secrétaire à la Défense quelqu’un qui non seulement s’est opposé à leur présence, mais qui est accusé d’agression sexuelle.

Vlad : Oui, comme l’est aussi le président ! C’est parfait ! Mais on pourrait faire davantage pour faire reculer le filet social. Réduire les impôts des plus riches et des entreprises aux États-Unis obligerait, comme d’habitude, tous les pays occidentaux à se priver de revenus, à sabrer la santé et l’éducation. En plus, il faudrait mettre la hache dans la tentative de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) d’imposer un impôt minimal international sur les grandes compagnies.

Xi : Oui, et protéger à tout prix les réseaux sociaux, qui polarisent à outrance la vie politique des démocraties et rendent patraques tous les adolescents d’Occident. Maintenant que j’ai apporté ma contribution avec TikTok, si les Américains voulaient l’acheter et distiller eux-mêmes ce poison, je n’ai pas d’objection. Mais pas d’impôts ni de régulations sur les GAFAM, c’est essentiel. On pourrait même nommer le patron de X responsable de déconstruire tout le service public américain.

Massoud : C’est un programme ambitieux. Pensez-vous qu’on pourrait réaliser tout ça dans un mandat de quatre ans ?

Xi : Pas du tout. On va faire tout ça dans les trois premières semaines.

(Ce texte fut d’abord publié dans Le Devoir.)

La guerre, reportée de cinq ans ! (Ouf !)

20110101_CNA4001J’étais heureux de voir que The Economist avait eu la même idée que moi, en mettant en Une la possibilité d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

(Deux scénarios dans leur cas, une attaque Israélienne sur l’Iran et/ou un nouveau conflit avec le Hezbollah au sud-Liban.)

Mes collègues de The Economist seront sans doute aussi rassurés que moi en lisant les commentaires du directeur sortant du Mossad, rapportée ce vendredi dans le quotidien israélien Haaretz, selon lequel l’Iran n’obtiendra sa capacité nucléaire, non cette année ou l’an prochain comme le jugeaient les évaluations récentes, mais seulement en 2015.

Selon Meir Dagan, « une série de difficultés (malfunctions) a retardé le programme nucléaire iranien de plusieurs années ». Quelles types de difficultés ? Selon Haaretz, du type provoquées par le Mossad lui-même. On sait que les forces spéciales américaines et, dit-on, britanniques, sont à l’oeuvre sur le terrain pour tenter de saboter le programme nucléaire iranien. Le Mossad, dont l’efficacité a été rétablie sous la direction de Dagan, est évidemment également impliquée dans ce travail.

Haaretz résume le report de l’imminence de l’acquisition d’une bombe iranienne en ces termes:

The Israeli intelligence community’s assessments of Iran’s nuclear capability have changed during Dagan’s tenure. In 2003, Israeli intelligence officials thought Iran would have its first bomb by 2007. In 2007, they thought it would be 2009, and a year later they put it at 2011. Now the date has moved to 2015. These adjustments were not the result of mistaken evaluations, but due to the difficulties Iran has encountered in advancing its program, largely because of the Mossad’s efforts.

Compte-tenu de la cascade de catastrophes, militaires et économiques, que déclencherait une attaque israélienne sur l’Iran, le report de l’échéance est une excellente nouvelle. En plus, Dagan affirme que la date de 2015 est « approximative ». Évidemment, cela dépendra des autres tuiles qui pourraient tomber sur le programme iranien d’ici là !

Pour ma part, je ne peux que me raccrocher à ce paragraphe de mon billet, où j’écrivais que l’attaque israélienne serait déclenchée en 2011, à moins que…

Cela pourrait changer. Tout dépend de la lecture que fait Jérusalem de l’état et de la qualité des renseignements obtenus par l’espionnage occidental, et russe. (Et la qualité des renseignements obtenus par les espions israéliens infiltrés chez les russes !). Tout dépend aussi des succès de la stratégie de sabotage actif du programme nucléaire iranien effectué par les troupes spéciales américaines et, dit-on, britanniques.

Et, aurais-je du ajouter, du Mossad.

Quant à The Economist, je les laisse s’ajuster eux-mêmes !

À moins, bien sûr, que tout cela ne soit qu’une jolie tentative de désinformation du Mossad pour endormir l’armée iranienne alors que l’attaque, elle, est imminente. Et ça, on le saura bien avant 2015 !

(Merci à l’alertinternaute André B. pour ce signalement.)

Sanctions contre l’Iran: viser juste, juste le pouvoir !

2215643-jpeg_preview_mediumC’est toujours le même problème. Pour punir l’Iran de vouloir se nucléariser, et maintenant de réprimer son opposition, le Conseil de sécurité s’apprête à voter des sanctions.

Mais lesquelles ? Des sanctions économiques peuvent avoir un impact majeur sur le niveau de vie des populations, alors punies deux fois: par le pouvoir local et par le pouvoir international.

Dans une entrevue publiée aujourd’hui sur le site Tribune des droits humains, l’avocate iranienne, prix Nobel de la paix en 2003, Shirin Ebadi, offre des conseils forts pertinents pour viser juste: juste le pouvoir. Extrait:

Que pensez-vous de sanctions économiques ?

Nous sommes opposés aux attaques militaire ou aux sanctions économiques qui ne feraient du tort qu’au peuple. Le pouvoir iranien peut contourner les sanctions économiques avec l’aide de la Chine ou de la Russie. Cependant, je vous demande de ne pas livrer à Téhéran des armes ou du matériel pouvant servir à la répression des opposants.

Il y a aussi d’autres moyens de faire pression : cesser par exemple toute livraison de matériel informatique et de communication. Par exemple, Nokia et Siemens ont fourni au gouvernement des logiciels qui permettaient de surveiller les conversations téléphoniques, les SMS, etc. Des gens ont été arrêtés grâce à ces logiciels.

Les autorités ont aussi paralysé Internet, elles ont brouillé les émissions radio et télévision venant de l’extérieur. On pourrait faire la même chose et empêcher le gouvernement iranien de diffuser ses propres programmes en langue étrangère en brouillant les réseaux officiels. Nous encourageons aussi les sanctions politiques.

Qu’entendez-vous par sanctions politiques ?

Sans rompre les relations avec l’Iran, les délégations peuvent rappeler les ambassadeurs de Téhéran et laisser des chargés diplomatiques de moindre niveau. C’est une manière de montrer que les droits de l’homme doivent être respectés.

Par ailleurs, les hauts diplomates, lorsqu’ils viennent en visite en Iran, doivent aussi rendre visite aux familles des prisonniers, aux militants, aux journalistes indépendants.

Mais pour l’instant, les étudiants, journalistes, militants ne reçoivent plus de visas pour étudier à l’étranger ou participer à des colloques internationaux. Les mêmes pays qui refusent des visas à nos citoyens en donnent au moindre fonctionnaire iranien qui en demande.

Vous, en Occident, vous voulez punir notre peuple ou notre gouvernement ? Il faut être clair. C’est cela que j’entends par sanction politique. Sans oublier que l’argent que gagne le gouvernement avec la corruption se trouve dans vos banques en Occident.

L’Imam chaché, le sauveur musulman

Saviez-vous que les Musulmans ont aussi leur version du retour du sauveur, avec grande lutte du bien et du mal et leur anté-christ (ils pensaient que c’était George W Bush). Finalement, le désintéressement est-il vraiment désintéressé ?

Sabrina Mervin, Chargée de recherche au CNRS/CEIFR, Co-directrice de l’IISMM (EHESS)
Ancienne pensionnaire de l’Institut français d’études arabes de Damas (IFEAD, 1993-96), elle a enseigné l’histoire des doctrines de l’islam à l’École Normale Supérieure (1998-99), à l’Ecole Pratique des Hautes Études (1999-2001), et à l’université Paris 3 (2002-2003). Elle est chargée de recherche au CNRS depuis 2001, et a été dans ce cadre affectée à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), à Beyrouth, de 2004 à 2008. Depuis septembre 2009, elle est co-directrice de l’IISMM (Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman, EHESS).

(Aller à 19’03 »)