Devoir de mémoire

Ils me trouvent insistant, les politiciens à la retraite. Chaque fois que j’en croise un (ou une), je m’informe sur l’avancement de leurs mémoires. Je fais de mon mieux pour culpabiliser ceux qui répondent qu’ils n’en font pas, que ça ne les intéresse pas. J’évoque leur responsabilité de témoigner pour que les historiens comprenne l’époque, la prise de décision, l’humeur, le climat, la tension comme la camaraderie. Tous n’ont pas la plume agile. Je les enjoins de se trouver un jeune auteur qui fera le travail de recherche pour eux et enregistrera, dans le détail, le parcours de leur vie.

Paul Bégin : les colères d’un indépendantiste

Le petit Paul s’est cassé les deux poignets. La douleur est insupportable. Assis sur une chaise roulante à l’hôpital de Chicoutimi, ses poignets sur les genoux, l’enfant de douze ans attend. Mais nous sommes en 1955. Alors il n’attend pas d’abord les soins. Du moins c’est ce qu’il finit par comprendre. «On attend de savoir, avant de prendre la décision de me soigner, si mes parents sont solvables.» Ils le sont. Mais Paul réalise en cet instant que l’argent mène le monde. Même pétant de santé, le jeune Bégin est turbulent, colérique, un « faisant-mal», dit-on à l’époque.