Tu as raison Daniel, Çapâdallure !

audet-entete

 

 

 

Daniel, tu avais raison avec ce titre. Çapâdallure.

Çapâdallure que tu sois parti, ce lundi matin, à 51 ans.  Parti sans avoir gagné la dernière manche contre ce monstre que tu avais pourtant su tenir en échec pendant cinq longues années… quatre de plus que ce que les médecins avaient prévu.

Çapâdallure que tu ne sois plus avec nous, pour refaire le monde — et surtout le Québec — entre amis de droite et de gauche, fédéralistes et souverainistes.

Çapâdallure qu’on t’aie enlevé à ton enfant, à ta blonde, à tes amis, à tes combats alors que tu n’avais complété que la moitié — car tu avais l’énergie des centenaires — des nombreuses tâches que tu savais accomplir.

Çapâdallure. Le néologisme exprime bien ta capacité de t’indigner, oui, mais de mettre ensuite l’épaule à la roue pour redresser ce qui te semblait croche, muscler ce qui te semblait chétif, redresser ce qui te semblait molasson. Et ce n’était pas les causes qui te manquaient: la souveraineté, oui, par-dessus tout. La liberté et l’entreprise, beaucoup. Ton amour de la langue précise. Ta détestation de la laideur urbaine (un des champs où tu applaudissais l’investissement public.)

Tu voulais que le Québec, ton Québec, ait « de l’allure ». Comme toi tu en avais. Tout en hauteur — physiquement parlant, seulement. Tout en élégance — jamais mesquin, jamais jaloux, jamais hargneux.

Chef de cabinet aux Affaires internationales, quel diplomate tu faisais, dans cette période essentielle où se préparait la reconnaissance internationale d’un Québec souverain.  Chef de cabinet du ministre des finances et de l’économie, ensuite, tu as épaulé Bernard Landry dans la politique volontariste qui a fait sortir Montréal de la torpeur économique où elle s’était endormie. Délégué général à Londres, ensuite, un poste qui t’allait comme un gant, tu emplissais tes poumons et ta cervelle de l’air de ce qu’on appelait alors Cool Britannia.

J’ai eu la chance de te connaître un peu avant, puis de travailler avec toi pendant ces années où chaque jour compte double et où se forgent des amitiés durables. Nous enfants jouaient ensemble lorsque tu t’es plaint, il y a cinq ans, d’une inexplicable difficulté d’élocution. La tumeur t’avait choisi, toi. Pourquoi ? Pourquoi toi ?

Tu l’as longtemps combattue, l’a fait reculer, a pensé l’avoir domptée. Chaque année gagnée sur elle nous faisait lever nos verres à ta résilience, toi le survivant, toi le revenant.

Ta ténacité aura donné cinq ans de plus à ta fille, surtout. À tes proches. À tes lecteurs. À tes collaborateurs du CPQ. Ces cinq ans, volées au monstre, auront été d’autant plus précieuses. C’est le cadeau que, par ton combat, tu nous as donné.

N’empêche. Que tu sois parti, çapâdallure. Ça n’en aura jamais.

Adieu mon ami,

Jean-François

Ce contenu a été publié dans Autobiograhie non-autorisée ! par Jean-François Lisée, et étiqueté avec . Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !