Une loi assez spéciale, merci !

D’abord, mais peut-être pas surtout, il y a ce qu’on ne sait toujours pas: l’appareil répressif supplémentaire que le gouvernement Charest veut mettre en œuvre dans le projet de loi qu’il déposera sous peu. Le premier ministre en a préfiguré l’importance en insistant sur la fermeté avec laquelle il compte faire « respecter le droit à l’éducation ».

Ensuite, le gouvernement annonce la fin de toute tentative de négociation avec les représentants étudiants et rejette la demande de médiation réitérée ce mercredi par le Barreau. Il confirme l’étalement sur sept ans de la hausse et la bonification déjà annoncée des bourses et des prêts.

Cependant il confirme le retrait de la proposition de créer un Conseil des universités qui aurait permis d’identifier des économies et de les reporter sur la contribution étudiante. Les recteurs ont effectivement tué cette initiative, jugée comme la clé de la sortie de crise par deux des trois principales fédérations étudiantes. Il retire ainsi la proposition de reporter, et peut-être d’annuler, la hausse des frais pour l’automne qui vient. Il y a donc, pour reprendre une expression à la mode, un net « durcissement » de la position gouvernementale. Durcissement et fermeture à tout nouveau dialogue.

Surtout, le scénario du pire a été évité: l’adoption d’une loi qui aurait imposé une injonction nationale qui généraliserait aux portes de 14 Cégeps et 11 Universités la scène accablante vue au Cégep Lionel-Groulx cette semaine, donc l’augmentation de la violence.

La décision de suspendre les sessions et de les reprendre en août permet en effet de faire baisser la pression. La décision de la ministre de ne priver aucun étudiant de la capacité de terminer sa session est bienvenue, comme un réaménagement du calendrier qui, s’il est respecté, assurera la qualité des enseignements.

Cette décision ne créée pas les conditions d’une confrontation immédiate. Le risque est bien sûr réel d’une reprise des moyens de pression au mois d’août, lors de la fin de la suspension des sessions. Il y a donc possibilité d’un simple report de la confrontation.

Cependant le pire n’est pas sûr. Nous sommes à la mi-mai. La capacité des fédérations de maintenir une mobilisation importante pendant trois mois de printemps et d’été est incertaine. Il faut cependant compter sur la présence de commandos radicaux qui tenteront de perturber ces reprises. Et c’est là que l’appareil répressif dont nous ne connaissons pas l’ampleur s’appliquera.

Il y a évidemment un autre risque: que les étudiants radicalisés décident d’aller perturber dès cette semaine des cégeps et facultés qui ne sont pas en grève. L’appareil répressif s’abattrait immédiatement.

Il est donc dommage que le gouvernement fasse preuve d’autant de fermeture et de franche mauvaise foi face aux compromis réels auxquels les fédérations, notamment la FEUQ et la FECQ, se sont rendus. Dommage aussi qu’il rejette toujours l’idée d’une médiation.

S’il pouvait être convaincu de profiter de cette pause pour ouvrir une phase de médiation, une solution négociée au moins partielle pourrait être dégagée qui apaiserait également la rentrée d’août.

Mais le Premier ministre Charest semble avoir donné l’heure juste à ce sujet: « on changera pas notre attitude, » a-t-il dit.

Cela pose la question du calendrier électoral. On le sait, le gouvernement libéral a toujours en tête une plage de déclenchement de l’élection à la mi-août pour une élection à la mi-septembre. Un retour des affrontements à la mi-août pourrait lui donner l’occasion de jouer la carte de la loi et de l’ordre. Cela rappellerait cependant aussi aux électeurs que le gouvernement a failli à correctement gérer le dossier et encore plus à le régler.

Nous sommes donc essentiellement en présence d’une tentative de report d’un problème réel. De la poursuite d’une mauvaise gestion d’un dossier essentiel. Rien n’est encore joué. Mais les choses pourraient être pires. En effet, le gouvernement aurait pu écouter les recommandations de François Legault et de la CAQ et de « prendre tous les moyens » pour faire appliquer les injonctions, donc taper davantage sur plus d’étudiants.