URGENCE: Avant l’irréparable

Les déclarations entendues ce matin à Québec semblent conduire le gouvernement à commettre dans les heures qui viennent l’irréparable: une loi spéciale répressive.

La nouvelle ministre Courchesne affirme avoir constaté un « raffermissement » de la position étudiante hier, alors qu’il est au contraire clair que le gouvernement a retiré son offre de la semaine précédente de Conseil des universités, clé de l’entente selon la FEUQ et la FECQ, qui avaient d’autres propositions de sortie de crise à mettre sur la table. De plus, toutes les associations, y compris la CLASSE, étaient prêtes à accepter un moratoire suivie d’une délibération quelconque. C’est un compromis majeur par rapport à leur revendication d’annulation de la hausse.

Mais les dés sont jetés, les mononcles (et matantes) semblent avoir pris le dessus et s’apprêtent à envoyer davantage de matraques, davantage de gaz irritant, davantage de policiers à cheval, davantage d’arrestations contre cette partie de la cohorte étudiante en grève depuis maintenant 14 semaines et qui, c’est certain, refusera de céder.

Dans ce chemin, l’affrontement est inévitable. Il y aura des blessés. Peut-être davantage. Il y aura surtout la consolidation de la radicalisation d’une partie de la jeunesse. Un retour au climat d’affrontement des années 1970. Une régression sociale majeure.

La solution Facal

Si le gouvernement Charest est incapable d’entendre les pistes de solution avancées par les fédérations étudiantes et choisit la ligne dure, pourrait-on leur demander de choisir un geste final moins brutal que la loi spéciale envisagée ?

Mon collègue Joseph Facal avance dans le Journal de Montréal de ce matin une solution désagréable, certes, mais qui a le mérite de ne pas plonger le Québec dans une violence certaine. Dans un chronique intitulée Fermons jusqu’à l’automne, il écrit:

Au point où nous en sommes, si on se soucie réellement de la crédibilité de notre système d’éducation, la décision la plus honorable serait, dans certains collèges, d’annuler tout simplement la session ou de compléter les semaines manquantes à l’automne. Point à la ligne.

Les jeunes assumeraient ainsi les conséquences de leurs actes. On réduirait également les risques liés à la violence.

Il a élaboré lors d’un entretien chez Paul Arcand ce matin et je résume ses arguments supplémentaires:

– Il ne s’agit que des Cégeps et universités encore en grève, donc une minorité;

– Il ne s’agit que de reporter en août septembre et début octobre la session d’une partie de la cohorte d’étudiants;

-Dans les faits, une grande partie des étudiants prennent une ou deux sessions de plus pour terminer leurs parcours collégial et universitaire — on s’en plaint généralement pour le déplorer, mais ce serait une simple conséquence de la grève pour plusieurs;

-Si ces institutions sont fermées jusqu’en août (celles qui ont annulé leurs sessions d’été), il n’y a pas de piquetage, pas d’injonction, pas de matraque.

Pas un premier choix

Mes lecteurs savent qu’est loin d’être mon premier choix. J’ai la conviction qu’un autre gouvernement que celui de Jean Charest aurait trouvé une résolution honorable à ce conflit bien avant.

Pour leur avoir parlé directement, je sais que les fédérations veulent un règlement.

Mais puisque nous sommes face à un gouvernement autiste, une condition qui semble avoir gagné même Mme Courchesne, il faut maintenant tenter l’impossible pour empêcher l’irréparable.

Si vous connaissez un membre du Conseil des ministres, appelez-le de toute urgence, textez lui, bombardez-le de courriel, pour lui proposer la solution Facal plutôt que la solution Matraque !

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !