Zombies : un sujet qui refuse de mourir

On n’en démord pas : le thème des zombies semble increvable. (Avertissement : ce texte est infecté de nombreux mauvais jeux de mots. La contagion est possible.) Et c’est pire que ce que vous craignez. Oui car, avec les zombies, le pire est toujours sur. Ils sont sortis des écrans et des bédés où ils sévissaient pour s’immiscer maintenant dans les bulletins de nouvelles, voire dans les publications savantes.

Même les nains de jardin…

Chacun a pu lire l’avis officiel publié début juin par le très sérieux Centre for Disease Control, d’Atlanta,  selon lequel  «Le CDC n’a pas connaissance d’un virus ou d’une situation qui ranimerait les morts (ou qui créerait des symptômes de type zombiesques).» Cette précision n’était pas rendue nécessaire par la sortie d’un nouvel épisode de la série de films américains « Resident Evil » mettant en vedette une hyper-résiliente Mila Jojovitch. Non, le CDC s’est fendu de ce communiqué à la suite de quelques faits divers scabreux dans lesquels des meurtriers américains avaient démontré un appétit débordant pour leurs victimes, leurs membres et leurs cerveaux.

Il est vrai que la CDC avait déjà abordé le sujet, l’année précédente, en émettant un communiqué se voulant ironique sur l’état de préparation à une attaque de zombies. Puisque les précautions sont semblables à celles requises pour un tsunami ou une attaque nucléaire (équiper la maison de provisions sèches, d’eau, de piles, etc), la CDC avait trouvé malin d’user de l’astuce zombie pour diffuser la bonne nouvelle. Une technique qui est revenue la mordre dans la nuque, pour dire ainsi, car il se trouve toujours des gens à la marge qui croient n’importe quoi. (À preuve, 2% des Québécois se disent « très satisfaits » de Jean Charest.)

Il y a aussi des gens qui s’amusent à prendre les zombies au sérieux, sous prétexte de tester des théories scientifiques. C’est le cas de chercheurs des universités Carleton et d’Ottawa qui ont fait une simulation mathématique de la progression d’une pandémie zombie. Évidemment, les morts-vivants  disposent de conditions hyper-favorables. Chaque victime devient zombie et chaque cimetière procure des troupes fraiches. Enfin…  des troupes.  Les conclusions des chercheurs est aussi claire que prévisible: la progression du mal est exponentielle et l’espèce humaine est en péril.

Ils ont testé l’hypothèse de la mise en quarantaine. Mais puisque, dans 100% des récits où la chose est tentée (Resident Evil, 28 months later, etc) les zombies finissent par s’échapper, le résultat est toujours le même. Seule une attaque agressive, combinée et précoce contre le premier groupe de zombies aurait des chances de sauver la planète.

En serions-nous capables ? C’est la question qu’a posée un sérieux professeur de politique internationale américain, Daniel Drezner, dans un livre publié en avril : Theories of International Politics and Zombies. Il passe en revue comment un gouvernement de droite ou de gauche, réaliste ou idéaliste, dictatorial ou participatif, réagirait à une crise zombiesque. (En l’espèce, croyez-moi, vous préférez avoir Arnorld Schwarzenegger en charge du processus décisionnel plutôt que Mahatma Ghandi.)

Mais pourquoi le sujet des zombies a-t-il droit à autant d’incarnations ? On sait que l’attrait pour le surnaturel et les extra-terrestres vient de notre double et paradoxale angoisse d’être seuls dans l’univers – et de ne pas l’être.

Mais des morts-vivants ? Ce n’est quand même pas parce qu’on manque de compagnie ? Une théorie que j’invente à l’instant postule que notre appétit collectif pour les zombies – et leur appétit pour nous – tient à notre conscience nouvelle d’avoir mis l’existence de l’humanité en danger ces dernières décennies.

Il s’agissait naguère de notre capacité nucléaire à nous autodétruire. Les zombies étaient en noir et blanc. Il s’agit aujourd’hui de la destruction programmée des écosystèmes. Les zombies sont en 3D.

Hubert Reeves affirme posément que si la tendance se maintient – et elle s’accélère– les insectes seront les seuls habitants de la planète dans à peine un siècle.  Nos enfants diront s’il a raison. Mais en attendant, les zombies seraient la façon trouvée par notre inconscient collectif, nourri de notre culpabilité latente, faisant elle-même ripaille de notre inaction face au danger, pour nous postillonner son virus mortel au visage, sur grand écran.

Ça, ou des troubles de digestion.

Et encore :

Dans son communiqué de mai 2011, le CDC écrivait :

Si les zombies commençaient à se balader dans les rues, le CDC conduirait une enquête, comme pour n’importe quelle épidémie. Le CDC fournirait une assistance technique aux villes, états, ou partenaires internationaux pour gérer une infestation zombie.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !