De quoi Obama est-il puni ?

hopelessSi Barack Obama devait nous quitter aujourd’hui, au lendemain d’une sévère défaite politique, il ne faudrait qu’un peu de recul pour le déclarer un des présidents les plus importants du dernier siècle:

1. Il a empêché son pays, et l’essentiel de l’économie planétaire, de sombrer dans une dépression;
2. Il a fait adopter la plus grande réforme sociale en 40 ans: une couverture médicale pour tous les Américains;
3. Il a fait adopter la plus grande réforme de l’industrie financière depuis Roosevelt;
4. Dans le programme de relance économique, le plus important de l’histoire, il a investi comme jamais dans l’économie verte.

Et, ce mardi, après deux ans de ces travaux d’Hercule, il fut puni. Pourquoi ? Parce que l’Amérique devient plus conservatrice ? Non. Les sondages reflètent, aujourd’hui comme hier, que la nation est à peu près également divisée entre Démocrates et Républicains. Mais aux bureaux de scrutin, les Républicains étaient plus mobilisés et plus nombreux. Ils ont été les moteurs du changement.

La punition, réelle, est donc venue des absents. Des électeurs démocrates de 2008 qui n’ont été ni suffisamment mobilisés ni suffisamment nombreux pour contenir, cette fois-ci, la vague républicaine.

L’espoir ou moins de désespoir

Comment, donc, expliquer cette absence ? L’économie, bien sûr. Et le chômage: officiel à 9,6%, réel à 17%.

Les électeurs républicains se vengent, les démocrates et les centristes boudent.

Ils boudent celui qui leur a promis l’espoir, mais qui ne leur livre que moins de désespoir. « Sans moi, ce serait pire » est une réponse logique, ce n’est pas une réponse politique.

D’autant qu’il leur promettait moins de désespoir encore. A l’heure de dévoiler son programme de relance économique, il annonçait pouvoir ramener le chômage, cette année, à 8%. Ne pas avoir pu livrer cette marchandise a coûté beaucoup de crédibilité à son message. Une raison de plus de bouder.

Le drame d’Obama

Le drame d’Obama est bien sûr la crise dont il a hérité au jour 1 de sa présidence. Et dans les sondages de sortie de vote, mardi, les électeurs avaient la luciddité de blâmer, dans l’ordre: 1) Wall Street (35%), 2) George W. Bush (29%), et 3) le président actuel (23%).

Mais voilà, Wall Street et George Bush n’avaient pas de candidats aux élections. (L’ex-président était d’ailleurs complètement absent de la campagne républicaine.) En jeu, une chose seulement: les politiques de Barack Obama. Et puisqu’elles n’ont livré aucune amélioration tangible de la situation de l’emploi — seulement un énorme amortissement au choc qui aurait eu lieu sans elles — il fut la cible de la colère. (Dans les sondages de sortie des urnes, les électeurs étaient également divisés en trois, à savoir si le programme de relance d’Obama avait aidé, nui, ou n’avait eu aucun impact.)

Et maintenant, quoi ?

L’élection d’hier n’était que le prélude du vrai match: celui de la présidentielle de 2012. Si les Républicains avaient gagné le contrôle des deux chambres, ils pourraient être tenus pour responsables, ou co-responsables, des politiques de la nation pour les deux années à venir, et devoir, donc rendre des comptes lors du rendez-vous présidentiel.

Mais ce n’est pas ce qui s’est produit hier. Ne contrôlant qu’une chambre, les Républicains affirmeront qu’Obama a encore le vrai pouvoir — ce qui ne sera pas faux. Ils se cantonneront donc dans un rôle d’opposition, pour ne pas dire de démolition. Mais en aucun cas dans un rôle de proposition responsable.

Ils rejetteront sur Obama l’échec des politiques qu’il a introduites depuis deux ans, et de celles qu’il ne pourra introduire d’ici deux ans.

Bill Clinton au cube

Le défi d’Obama d’ici deux ans sera de répéter l’exploit de Bill Clinton, lui aussi aux prises avec une Chambre républicaine radicalisée lors de sa première élection de mi-mandat. Par un habile, mais périlleux, mélange de confrontation, de conciliation et de cooptation de politiques de ses adversaires, il a réussi à renaître aux présidentielles suivantes.

Mais il avait pour lui une économie en croissance. Ce que rien ne présage pour Obama. Son défi est donc plus grand encore.

A droite, une guerre peu civile

hopenotLa chasse à la Palin est commencée. Comme le rapportait ces jours derniers le site Politico.com, l’establishment républicain est paniqué à l’idée que Sarah Palin pourrait s’imposer comme candidate présidentielle républicaine. Ce serait, calculent-ils, offrir sur un plateau la réélection à Obama.

Le fait que sa candidate loufoque Christine O’Donnell ait perdu la course sénatoriale au Delaware — qu’un Républicain modéré avait de bonnes chances d’emporter — est immédiatement porté à son débit. La défaite de sa candidate dans le Nevada, et de quelques autres pèseront lourd dans le procès que ses adversaires républicains vont ouvrir. Des preuves que l’excès nuit et que, sans elle, le Sénat serait aujourd’hui républicain.

Cette confrontation occupera une partie de l’actualité politique et il n’est pas dit que Palin en sortira perdante. Mais on n’a pas fini de s’intéresser au personnage le plus coloré d’Amérique.