Rentrée: Comment le PQ peut retrouver le chemin des électeurs

Que pourrait faire le Parti québécois, principal véhicule du changement national, économique et social du Québec du dernier demi-siècle, pour rétablir avec l’électorat la communication interrompue depuis les démissions du printemps et se présenter à l’élection en position compétitive ?

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Des tâches pour le PQ

J’ai écrit hier ce qu’il ne fallait pas faire: s’engager dans un long débat stérile sur la démarche souverainiste avec les dissidents, dans des États Généraux qui ne peuvent que déboucher sur un échec. Il faut, je le crois, travailler sur des démarches qui illustrent l’engagement péquiste et ce qu’il a à offrir aux Québécois: l’intégrité, le renouvellement, les ressources naturelles, la nation.

L’intégrité

Il faut être sourd pour ne pas entendre. Le cynisme politique — largement alimenté par la gouvernance libérale et le refus de faire toute la lumière sur la corruption — est une préoccupation majeure et légitime de l’électorat.

Les députés péquistes — Drainville, Pagé, Bérubé — expriment une forte volonté de renouvellement et de réforme du mode de communication entre les citoyens et leurs élus. Pauline Marois a bougé en acceptant le principe de davantage de votes libres et réfléchit, dans son entrevue à L’actualité, à une « Chambre des régions » à Québec et dit vouloir « trouver des façons de faire de la politique qui nous différencie ».

De l’extérieur, on a l’impression que ce débat est en quelque sorte imposé au PQ. Au moment d’écrire ces lignes, on ne trouve sur le site du PQ aucune référence aux propositions de Bernard Drainville ou à celles de Sylvain Pagé. (Ni à celles de Mme Marois d’ailleurs.)

A mon humble avis, il faut au contraire que Mme Marois et son équipe fassent de ce débat un des grands axes de l’activité et de la visibilité péquiste de la prochaine année. Les idées Marois, Drainville, Pagé et, demain, Bérubé devraient être les premiers documents lançant la discussion. Un comité mixte députés/société civile devrait être annoncé avec pour mandat de recueillir des suggestions sur le processus démocratique et sur la lutte contre la collusion et la corruption — les deux thèmes doivent être liés.

Les membres de ce comité devraient faire des tournées, solliciter des avis, publier les propositions sur le web. Puis, faire rapport à un Conseil national thématique sur ce thème qui discuterait des principales idées. (Un comité interne de députés, dirigé par Monique Richard, a été annoncé, mais il faut davantage.)

Des questions centrales devraient être posées:

Comment faire de la politique autrement, comment rétablir l’intégrité et le lien de confiance:

a) Pour le Parti québécois, parti d’opposition

b) Pour le Parti québécois au pouvoir

c) Pour un Québec souverain

Il sera toujours temps de faire le tri, en fin de parcours, entre le bon grain et l’ivraie, entre le réaliste et l’idéaliste, entre l’efficace et le nuisible, entre ce qui relève de la réforme immédiate, des engagements pour le fonctionnement d’un gouvernement péquiste, des propositions de changement de régime politique qui requièrent une approbation publique ou une constituante.

L’important, ici, est de faire du Parti québécois Le Lieu où on discute, imagine, prépare une autre façon de faire de la politique. Le Lieu où on a pris la mesure du malaise et où on travaille fort pour redonner à la vie politique la probité dont elle a besoin pour bien incarner les progrès d’un peuple minoritaire en Amérique du Nord. En 1976, avec René Lévesque, le PQ a été ce lieu et il a nettoyé les écuries laissées par les Unionistes et les Libéraux. Il faut refaire le ménage. Les héritiers de Lévesque doivent reprendre et prolonger son ouvrage pour le nouveau siècle.

On sait que ni le PLQ, ni le clan Legault ne sont présents sur ce champ. Le PQ doit l’occuper au complet.

Pauline Marois et son entourage ne doivent en aucun cas tenter de gérer ce dossier au quotidien. Au contraire, si la chef veut rétablir sa légitimité, elle le fera en étant celle qui ouvre et appelle ce débat, ces contributions, de la façon la plus large possible, sans se prononcer sur chacun des éléments en cours de route. Qu’on laisse les propositions vivre, être débattues, certaines mûrir et certaines mourir. Ici, l’ouverture d’esprit doit être l’attitude clé. Que Mme Marois se fasse le relais de ces débats dans les assemblées citoyennes qu’elles tient de son côté, c’est fort bien.

Le renouvellement

On l’a dit, les Québécois veulent du « changement ». Cela peut vouloir dire François Legault. Mais cela peut vouloir dire autre chose. Au printemps, 56% des Québécois affirmaient voir en lui un « politicien comme les autres ». Ils n’ont pas tort. Il faut lui opposer de nouvelles façons de faire de la politique, comme on vient de le voir. Lui opposer aussi une nouvelle équipe de gouvernement, pour l’instant quasi inconnue.

Le gouvernement libéral vient de perdre un de ses principaux ministres et ne peut présenter qu’une équipe qui a des allures de fin de régime. On ne sait rien de l’équipe qui sera formée autour de François Legault.

On sait cependant que les bancs du Parti québécois, renouvelés de façon massive depuis 2008, regorgent de talent. Tout doit être entrepris pour donner à cette équipe une visibilité maximale. L’équipe péquiste — je note l’arrivée de deux nouveaux conseillers seniors, Stéphane Gobeil et Shirley Bishop, d’excellentes recrues — devrait faire en sorte que, d’ici le printemps, quatre ou cinq de ces nouveaux visages aient acquis une importante notoriété.

Ils incarnent le changement et, en plus, sont rodés et connaissent leurs dossiers.

Les thèmes

Comme je l’ai écrit cette semaine, le PQ est, sur papier, en avance sur deux thèmes majeurs: les ressources naturelles et l’identité.

Mais qui le sait? Un ami souverainiste généralement bien informé m’écrivait cette semaine que les propositions Legault sur l’immigration semblaient plus radicales que celles du PQ. C’est la preuve que les propositions péquistes sont inconnues. L’exigence d’une connaissance minimale du français au point d’entrée pour les futurs immigrants aurait un impact immédiat à la baisse sur les niveaux d’immigration bien plus important que la « pause » de deux ans avancée par Legault.

De même, sur les ressources naturelles, les propositions de réformes péquistes sont majeures. Mais elles méritent discussions et précisions.

Dans son blogue de ce jeudi, le journaliste économique de Radio-Can Gérald Fillion se demande s’il ne faudrait pas faire table-rase, en matière d’exploitation et d’exploration:

Le rapport du BAPE l’hiver dernier a jeté une douche froide dans le secteur du gaz de schiste.  Et puis, le Plan Nord, un plan à la fois ambitieux et imprécis, suscite autant de questions que d’espoirs.

Pourquoi, dans ces circonstances et dans l’objectif de s’approcher d’un consensus social, pourquoi alors ne pas reprendre la discussion à zéro et évaluer avec tous les intervenants – décideurs politiques de tous les niveaux, gens d’affaires, environnementalistes, citoyens – les balises de notre exploration et exploitation?

Il est illusoire de penser que le gouvernement Charest, trop lié à l’industrie, pourrait bouger sur ce plan. Mais pourquoi le PQ ne déciderait-il pas d’organiser lui-même, avec des organisations intéressées et des spécialistes, des États-Généraux… des ressources naturelles ? Il y a, là, un vrai débat à faire sur une politique-cadre d’un futur gouvernement péquiste. Il y a, là, matière à mettre en avant les députés péquistes aguerris sur ces questions. On discute, là, des « vraies affaires » pour préparer de « vrais changements ».

Bref, on le voit, au processus de débat interne au PQ qui a eu lieu l’an dernier, doit succéder un processus d’engagement du dialogue entre le PQ et le reste de la société, sur les grands enjeux.

C’est à ce prix, à mon avis, qu’une partie de l’électorat acceptera d’écouter ce que le PQ a à proposer.

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Vous lisez ma série de quatre sur la rentrée politique 2011:

1. La forêt qui cache l’arbre
2. L’annonce de la mort du PQ est-elle prématurée
3. Des États-Généraux? La recette de l’échec
4. Comment le PQ peut retrouver le chemin des électeurs