Vous souhaitez être crédible ? Devenez une experte anglophone

4515-experts-credibles-150x150Mes collègues de Science politique à l’Université de Montréal se sont livrés à un intéressant exercice: à message identique, quel expert parait le plus crédible ? Un homme, une femme ? Un anglophone, un francophone ?

The female winner is: l’experte anglophone ! Éric Montpetit et Erick Lachapelle ont soumis 156 étudiants au baccalauréat au test. On leur a présenté les fiches et les citations d’experts fictifs. On a changé leurs noms, genres et langues, mais pas leurs diplômes, affiliations ou avis. On a séparé les étudiants en groupes et on les a interrogé sur la crédibilité de l’un ou de l’autre expert (sans leur demander de comparer).

Résultat: l’expert « anglo » est jugé plus crédible. Les francophones, après avoir lu son avis, lui donnent 90% de crédibilité, mais 80% à l’expert francophone — qui a exactement le même avis. Les étudiants étrangers présents dans l’échantillon ne sont pas si capricieux: ils accordent le même crédit aux deux experts. La langue n’est peut-être pas seule en cause: l’universitaire francophone est québécois, l’anglophone est américain.

Intéressant: les étudiants indépendantistes donnent un léger avantage à l’expert anglo, soit une prime de 15%. Les fédéralistes, eux, n’ont pas ce réflexe.

Les femmes et le risque: plus crédibles?

Montpetit et Lachapelle s’attendaient à ce que les experts masculins soient jugés plus crédibles que les féminins. Il y a peut-être ici un signe générationnel: les étudiants aujourd’hui en baccalauréat (la jeune vingtaine) ayant vécu dans un univers où les femmes sont plus valorisés que les générations précédentes. De plus, ce test en particulier portait sur des experts donnant leur avis sur la nocivité des OGM. La réticence au risque des femmes porte peut-être, là, un avantage intrinsèque.

Quoiqu’il en soit, les étudiants mâles ont un biais pro-expertes plus affirmé: 60% ont jugé la dame crédible, 42% ont fait de même pour l’homme. Les étudiantes, elles, sont plus modérées: 39% pour l’experte contre 27% pour l’expert.

Éric et Érick ont poussé plus loin et ont évalué la perméabilité de nos opinions selon que nous sommes de gauche ou de droite. On leur a ensuite présenté, toujours dans deux groupes différents, les avis d’un même expert, au pédigrée universitaire identique, le premier offrant leurs vues sur le haut niveau de risque des déchets nucléaires, du changement climatique et des armes à feu; le second donnant un avis contraire.

Est-ce vraiment surprenant ? Les étudiants de gauche ont constamment jugés plus « crédibles » les « experts » jugeant ces phénomènes risqués, ceux de droite préférant les avis selon lesquels les risques sont réduits. La bonne nouvelle est que le refus de reconnaître la crédibilité de l’expert les contrariant n’est pas si fort. Les écarts de crédibilité varient de zéro (au sujet des déchets nucléaires) à 17%. C’est dire que dans tous les cas, seule une minorité d’étudiants refuse de reconnaître la compétence d’un expert qui le prend à rebrousse-poil.

Aux États-Unis, une étude semblable enregistre des taux de rejet de l’expert indésiré allant de 23 à 65% (dans le cas du changement climatique). Hypothèse: la société québécoise est moins polarisée et plus respectueuse des avis scientifiques. Surtout s’ils sont rendus par des… femmes américaines!

(Transparence totale: Éric Montpetit est un de mes experts favoris, même s’il est un homme francophone. Il a codirigé avec moi Imaginer l’après-crise. Certes, aucune femme anglophone ne s’était proposée…)