Le parcours original d’un séparatiste devenu juif

jui-hst-qcRichard Marceau est un cas. Il en est conscient. Petit gars d’une famille catholique de Québec, militant puis député du Bloc québécois, il s’intéresse graduellement à la communauté juive, émotivement (il épouse une juive anglophone peu pratiquante) puis intellectuellement –  il séjourne en Israël.

Le contact avec la réalité israélienne a conduit beaucoup de Québécois élevés dans un a priori pro-palestinien à mieux équilibrer leurs opinions des droits, revendications et méfaits des uns et des autres.

Et à devenir — c’est le courant dominant chez les responsables souverainistes — à la fois favorable à un État juif et à un État Palestinien. (Ce qui n’est pas le cas pour certains mouvements pro-palestiniens québécois et canadiens.)

Mais dans son livre « Juif, Une histoire québécoise », Marceau raconte bien davantage qu’un rééquilibrage. Une adhésion.

Lui, l’ex-catholique devenu athée ou agnostique, s’est graduellement converti au judaïsme. D’abord dans sa branche libérale. Ensuite dans sa branche orthodoxe.

Juif pratiquant, il est devenu professionnellement un porte-étendard de la Communauté juive et d’Israël à titre de conseiller politique principal du comité Canada-Israël.

On ne s’étonnera pas que le récit de son parcours personnel est l’aspect le plus intéressant — parce que très original — de son récit. Dans le reste de l’ouvrage, il présente avec intelligence, vivacité et longueurs sa défense de l’État d’Israël en général, et vilipende ceux — dans les médias, les organisations, sur internet ou à titre de député — qui font preuve à son avis de copinage avec des organisations qui mettent en cause l’existence même d’Israël.

Il se dit favorable à l’existence d’un État palestinien et critique les implantations de colons israéliens en Cisjordanie, mais on sent bien que le Juif Québécois Marceau serait plus disert sur sa critique envers Israël s’il n’occupait pas l’emploi qui est le sien.

Ce biais l’empêche aussi d’être complètement franc au sujet de l’histoire de la Communauté juive québécoise. Il insiste sur les points de convergence entre elle et la québécitude. Mais s’il indique qu’après la rébellion de 1837, l’avocat Adolphus-Mordecai Hart prend bravement fait et cause pour les Patriotes, il omet d’ajouter que son oncle, le juge Benjamin Hart, est considéré comme « le plus violent des magistrats » contre les Patriotes.

Il souligne la participation de juifs québécois dans la fondation de la Société Saint-Jean Baptiste ainsi que l’excellent compagnonnage de juifs et de canadiens-français de gauche dans la naissance des organisations syndicales. Cependant le lecteur ne saura rien de la déclaration de Sam Bronfman qui, parlant des péquistes en 1976, affirma: « ces bâtards veulent nous tuer ».

Ces oublis sont intéressants, car ils viennent d’un homme – un séparatiste avoué et assumé – qui n’aurait jamais, au grand jamais, été embauché par la communauté juive il y a 50, 40, 30 ou 20 ans. Le fait que Richard Marceau soit juif et le fait qu’il représente aujourd’hui la communauté juive témoignent de parcours originaux. Marceau incarne en un sens fort la normalisation des rapports entre la communauté juive et la majorité francophone. Il est à la fois l’outil et le produit d’un apaisement certes inachevé, mais bien réel.

C’est, en effet, une histoire québécoise.