Et si on disait Bye-Bye à la vulgarité?

haddock2Pour la première fois, ce 31 décembre, j’ai laissé mes enfants de 13 et 10 ans écouter le Bye Bye.

Ils ont donc pu constater que les mots « marde », « fourrer » et « crosseur » furent abondamment utilisés dans cette émission, une institution télévisuelle québécoise.

Mes deux jeunes ont donc pu constater que ce que tentent de leur enseigner leurs parents et professeurs est faux. Ils nous avaient entendu dire que le langage grossier était réservé à la ruelle ou, puisqu’il est utilisé, à la cour d’école, mais qu’il n’a pas sa place en classe, à la maison et certainement pas dans les grandes occasions.

Or les voici conviés à une des plus importantes occasions télévisuelles de l’année, dans une des émissions les plus vues et les plus rassembleuses. Et ils constatent que les dialogues sont saupoudrés de grossièretés. Message reçu. Les gros mots sont permis en tout temps.

La normalisation de la grossièreté

La normalisation du vocabulaire grossier au Bye Bye date déjà de quelques années. Auparavant, nous avions ri autant, sinon plus, sans avoir recours au « parler gros cave ».

Il est particulièrement frappant de constater que ces termes ne sont pas utilisés pour choquer ou détonner, mais qu’ils sont simplement intégrés aux dialogues — de la fausse Michelle Richard ou du faux Premier ministre — comme si c’était normal, usuel, accepté.

On pourrait croire qu’il y a là de la paresse intellectuelle, mais je ne le crois pas. Le reste de l’émission témoigne de l’énergie et du professionnalisme investis dans les maquillages, les mises en scène, les excellents effets spéciaux, la qualité, par exemple, de la reproduction du monde de Tintin.

Non, les auteurs ne sont ni paresseux ni audacieux en faisant usage de ces termes. Ils les estiment normaux et, en les utilisant, contribuent à les normaliser.

Mais pourquoi s’en prendre au Bye Bye ? L’usage du mot Fuck est accepté  dans l’émission quotidienne de la CBC de George Stroumboulopoulos, comme dans plusieurs émissions américaines de fin de soirée, dont celles de Jon Stewart, pourtant très lettré.

Mais ces émissions sont destinées à un public d’adultes avertis (ce qui ne les excuse pas, d’après moi). Le Bye Bye, lui, ratisse extrêmement large et devrait agir en conséquence.

Il est par exemple encore étonnant d’entendre quelqu’un dire « marde » à Tout le monde en parle (je pense l’avoir entendu deux fois en deux ans, de la part d’invités).

Lorsqu’on sera habitué à l’entendre, il sera trop tard pour se demander qui aurait du soulever une objection, avant que n’arrive la normalisation de la vulgarité.

Ce contenu a été publié dans Choses vues, Radio-Canada par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !