Gaz: j’ai une bonne et une bonne nouvelle !

gaz-de-schiste-150x150Pour se résumer à l’extrême, il y a de bonnes nouvelles.

Bonne nouvelle #1: Le Québec est plus riche qu’il ne le croyait. Plus riche, en hydrocarbures, en Gaz de schiste et en pétrole;

Bonne nouvelle #2: Les Québécois souhaitent être riches, mais à la condition de ne pas être sales. C’est-à-dire qu’ils veulent bien exploiter leurs hydrocarbures si on leur fait la démonstration qu’il n’y aura pas de dommages significatifs pour l’environnement.

Bonne nouvelle #3: Le Bape fonctionne. L’organisme indépendant chargé de déterminer si les projets de développement répondent à nos exigences environnementales a passé, cette semaine, un test important. Le gouvernement Charest avait tenté de l’enfermer dans un mandat et un échéancier restreint, le Bape s’est rebiffé en affirmant son indépendance sur le fond et dans la forme.

Bonne nouvelle #4: Le ministre québécois de l’environnement dit aujourd’hui la même chose, à quelques mots près, que Steven Guilbeault il y a un an ! Le Québec adore ces consensus ;

Bonne nouvelle #5: Sur la nécessité pour le Québec de trouver une façon, directe ou indirecte, de s’approprier une partie significative de la richesse de la future exploitation, voici les personnes qui disent des choses convergentes: Lucien Bouchard, Nathalie Normandeau, Pauline Marois, Amir Khadir;

Bonne nouvelle #6: Les Gaz ne s’échappent pas, c’est-à-dire qu’ils vont rester dans le sol assez longtemps pour que deux conditions soient réunies: 1) que nous ayons déterminé une façon correcte de les exploiter et 2) que le prix du gaz augmente;

Les variables temps et argent

Le chroniqueur économique François Pouliot, dans Les Affaires, expliquait avant le rapport du Bape qu’un moratoire économique sur l’exploitation au Québec allait avoir lieu de toutes façons:

L’Amérique du nord nage actuellement dans une mer de gaz naturel en raison justement de l’explosion des techniques d’exploitation des gaz de schiste. Beaucoup de sociétés ne sont pas rentables en raison des surplus qui pèsent sur les prix du marché. Or, les coûts d’exploitation au Québec seront pour un temps significativement plus élevés qu’ailleurs. Nous n’avons en effet aucune expertise, ni masse critique.

En fait, même avec un régime avantageux, il apparaît douteux que les sociétés viennent ici pour autre chose que quelques travaux de délimitation de réserves gazières pour l’avenir et la conservation de leurs droits sur les territoires.

Pendant quelques années encore, il sera en effet plus avantageux pour elles de continuer à exploiter des territoires gaziers comme Marcellus, Fayetteville, Montney ou Haynesville où les coûts sont moins élevés. La situation n’est pas du tout comparable à celle du pétrole. Dans le secteur pétrolier, l’offre et la demande sont en équilibre (en fait, on craint même pour l’offre…) et les prix permettent de faire de l’argent. Il y a dans le gaz, trop de producteurs.

Après avoir lu les 300 pages du rapport du Bape, Pouliot ajoute ce qui suit, dans son texte intitulé Schiste, le modèle québécois disciplinera-t-il l’Amérique?

L’exploitation du gaz de schiste en Amérique ne date que de 1993. Elle s’est fait sans que les gouvernements ne s’attaquent à son impact par des analyses globales et bien étayées. La preuve en est que, devant les difficultés, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a lancé l’an dernier une étude sur l’impact des fracturations. Un rapport préliminaire est prévu en 2012 et un rapport final en 2014.

L’étude dans laquelle s’engage le Québec apparaît embrasser encore plus large, et devrait conséquemment contenir des mesures encore plus importantes. Il sera intéressant de voir si, une fois établit, toutes les composantes du modèle seront importées ailleurs.

À défaut, notre désavantage économique s’accentuera et pourrait bien venir fermer le cercueil du projet. Jusqu’à ce que l’Amérique ait moins de gaz à pomper et le fasse de façon plus responsable.

Alors, résumons-nous. Le Bape a réussi à refléter la volonté québécoise (riche, oui; sale, non) qui s’est ainsi imposée à l’État et, pour ce qu’on en constate, au porte-parole de l’industrie. Cela signifie cependant un délai d’au moins trois ans avec qu’une exploitation contrôlée puisse commencer.

Exploration économiquement peu probable car 1) les coûts sont plus élevés ici qu’ailleurs et 2) le prix du gaz est trop faible — produisant ainsi moins de richesse pour tous.

Il est donc, il me semble, dans l’intérêt de l’enrichissement du Québec d’attendre un raffermissement des prix du Gaz, qui pourrait prendre plusieurs années — 5, 10, 15? — à mesure que les autres puits sont exploités. Pendant ce temps, on constate aussi que l’opinion américaine et leur équivalent du Bape — l’EPA — est en train de suivre le même cheminement que l’opinion québécoise, ce qui devrait se traduire par des exigences environnementales plus fortes chez eux, entrainant donc, pour eux également, une hausse des coûts, qui se rapprocheront ainsi des coûts québécois.

C’est à la rencontre de ces deux mouvements — raréfaction du Gaz et augmentation de son prix + rehaussement général des exigences environnementales — que se trouve le futur profit du Québec.

Pendant que tout cela se passe, que fait-on ? On s’intéresse, à mon avis, à l’autre dossier d’hydrocarbures qui, lui, permet un enrichissement immédiat, le pétrole.

Il faut ralentir le gaz, mais accélérer le pétrole. J’y reviendrai.