L’affaire Michaud à froid (Suite)

Mon billet d’hier sur l’affaire Michaud m’a valu un très abondant courrier. Notamment, de M. Michaud lui-même et de l’auteur de l’ouvrage, L’affaire Michaud, Gaston Deschêsnes.

Pour en faciliter la lecture, je les reproduis ici avec mes propres réponses:

43802-150x150Yves Michaud :
décembre 7, 2010 à 7:40

Jean-François,
Yves Michaud nous écrit

1)Votre opinion est discutable mais fort bien étayée. Vous savez mieux que moi que les Américains décortiquent avec une précision chirurgicale les votes des noirs,des hispaniques, des catholiques, des blancs du Sud et du Nord, et tutti quanti.
2)Trouvez-moi cependant un mot,un demi-mot, un soupir, dans ma prestation aux États généraux de la langue française offensant à l’égard de la communauté juive ?
Yves Michaud
P.S. Parrain d’un garçon juif, David Anselem, ma femme maraine d’une fille juive, NELLIE GUEDJ. Étonnant profil pour un antisémite ?
Cordiales salutations.

Jean-François Lisée :
décembre 7, 2010 à 9:53

@Yves Michaud
Cher Yves, merci pour votre commentaire.

Je tiens cependant à répéter, comme je l’écris dans le billet, que vos propos ne sont pas antisémites. Critiquer le comportement référendaire d’un groupe d’électeurs principalement juifs n’est pas de l’antisémitisme. Pour le reste, j’en reste à ma démonstration, sur laquelle nous n’avons pas à être en accord. L’essentiel, il me semble, est que les députés du mouvement politique qui est le vôtre expriment leur regret quant à l’existence de la motion dont vous avez été victime.

bien cordialement,

Jean-François

J’ajoute également l’échange avec M. Gaston Deschesnes, auteur d’un ouvrage récent sur le sujet, L’affaire Michaud:

Gaston Deschênes
Envoyé le 2010/12/07 à 13 h 51 min

Monsieur Lisée,

1) Votre interprétation des “propos inacceptables” illustre à quel point cette affaire est tordue. L’offense contre les juifs tiendrait dans les propos de Michaud sur le vote “unanime” dans Côte Saint-Luc? Je ne me souviens pas avoir vu cette interprétation à l’époque. Avant la motion, B’Nai Brith se plaignait des propos de Michaud sur la “souffrance” à l’émission de Paul Arcand. Après l’adoption de la motion, Landry et Simard prétendaient que Michaud avait banalisé ou nié l’Holocauste. Prétendre aujourd’hui que Michaud visait la communauté juive en parlant du vote unanime dans douze polls m’apparaît un procès d’intention, ou le résultat d’une recherche désepérée de propos offensants dans l’intervention de Michaud aux États généraux. Laisser entendre qu’il a nié le droit de chaque citoyen de voter comme il l’entend est particulièrement injuste car Michaud disait exactement le contraire dans Paroles d’un homme libre publié quelques semaines auparavant.

2)La motion de mars 1997 ne peut absolument pas être invoqué comme précédent car il s’agissait alors d’une réponse de l’Assemblée à des propos dirigés contre ses membres (assimilable à un outrage). Cette motion ne visait pas Pratte et n’aurait jamais vu le jour si l’émission en question n’avait pas tenu un concours disgracieux. En outre, elle se contentait de “déplorer” (comme on déplore un accident de la route) et cette affaire est rapidement morte de sa belle mort, l’éditeur de Pratte se servant même de la motion comme argument de vente.

3) J’attends plusieurs personnes blâmer Amir Khadir, ce qui me semble assez mal venu de la part de gens qui ont dormi sur ce dossier depuis 4 ans, soit depuis que le juge Beaudouin a écrit que l’Assemblée nationale avait commis une injustice. Monsieur Khadir a sollicité la collaboration du PQ et du PLQ deux semaines avant de soumettre sa motion. Les deux sont restés coi.

4) Vous avez parfaitement raison de rejeter la proposition faite au président par le PQ. Baliser les futures motions de blâme serait reconnaître au Parlement le pouvoir de blâmer pour autre chose que les outrages au Parlement qui sont déjà prévus au Règlement, donc légitimer ce qu’on ne veut plus faire! Il ne faut cependant pas partir en peur: le président ne fera rien sans l’aval du leader du gouvernement…

5) Votre proposition de missive collective est pertinente. Pour le PQ. Elle laisse l’Assemblée nationale avec sa tache.

Gaston Deschênes
Québec

Ma réponse:

@Gaston Deschênes,
D’abord merci pour apporter votre éclairage précieux dans cette discussion.
Sur le point (1), vous avez évidemment procédé à un inventaire minutieux des réactions des uns et des autres dans cette affaire pour votre récent ouvrage. Je n’étais à l’époque qu’un citoyen, souverainiste, attentif à l’affaire. Je me souviens avoir réagi spécifiquement à cet aspect du témoignage de M. Michaud, le trouvant particulièrement dommageable dans l’état du débat sur le nationalisme.

Je me souviens avec vous que d’autres déclarations de M. Michaud ont été évoquées. Aucune ne me paraissait antisémite. Le fait que M. Michaud ait dit ou écrit, ailleurs, le contraire de ce qu’indique ses propos très durs à l’endroit du vote référendaire des allophones de Côte-Saint-Luc est intéressant mais n’efface pas son témoignage qu’il assume toujours, à ce jour (ce qui est son droit le plus strict).

Sur le point (2) j’étais présent et je comprends les distinctions que vous y apportez, d’un point de vue de parlementaire.  Cela ne satisfait pas le journaliste que je fus et suis redevenu et qui a jugé hautement répréhensible qu’une Assemblée parlementaire « déplore », en tant qu’institution, la liberté des médias de critiquer les parlementaires. Le nom d’André Pratte n’était pas dans la motion, mais était sur toutes les lèvres comme le pelé, le tondu, dont venait tout le mal.

Je ne commente pas le point (3), n’étant pas suffisamment informé des démarches des uns et des autres. Nous sommes d’accord sur le point (4). Mais l’essentiel est que nous nous rejoignions sur le point (5), ce qui me réjouit grandement.

Bien cordialement,
Jean-François

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !