Le chiffre: Des non-francophones peu accommodants

49%

C’est la proportion de non-francophones qui estiment que le gouvernement du Québec est trop accommodant face aux demandes d’accommodements raisonnables pour des motifs religieux.  C’est ce que révèlent les tableaux détaillés du sondage Léger mise-en-marché (ma traduction) publié jeudi dernier dans Le Devoir et dont votre blogueur favori a obtenu copie.

Le chiffre est intéressant car il permet de mesurer dans quelle mesure les non-francophones sont, ou non, en phase avec la majorité. L’échantillon est plus faible et la marge d’erreur plus élevée, mais les proportions sont très tranchées.  Un sur deux, donc, estime le gouvernement trop accommodant, 24% croit que la situation actuelle est la bonne et seulement 9% désire davantage d’accommodements.

Le refus du régime actuel des accommodements (donc le statu quo et la position du Manifeste des pluralistes) par les non-francophones est donc net, même s’il n’est pas aussi massif que chez les francophones (82%).  Sur la question de l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique, l’intensité de la revendication est clairement majoritaire, quoique moins unanime, chez les francophones (63% contre 27%) et minoritaire chez les non-francophones (35% contre 49%). Minoritaire, mais significatif.

Ces chiffres devraient suffire à indiquer que le malaise envers l’attitude actuelle face aux phénomènes religieux dans l’espace public n’est pas limité à la majorité francophone. Elle traverse la québécitude dans toute sa pluralité. Cela est à la fois sain et rassurant pour notre capacité à dégager un autre équilibre, nettement plus rassembleur que la position actuelle.

Le radicalisme des libéraux

Les tableaux révèlent également une autre intéressante réalité : l’opinion de l’électorat libéral.

Sur la question de l’interdiction des signes religieux, 48% des électeurs libéraux y est favorable, contre 40%.

Interrogés sur l’attitude du gouvernement en matière d’accommodements religieux, les deux-tiers des libéraux trouvent leur gouvernement trop accommodant ! Oui, oui, 65% trop, 5% pas assez et 19% trouve les choses juste bien.

L’effet Bouchard

Le gouvernement Charest souffre donc d’une grave vulnérabilité sur ce thème dans son propre électorat, y compris chez la moitié des non-francophones.  Malheureusement pour lui, s’il avait une quelconque velléité d’infléchir sa position pour se rapprocher de son électorat, l’intervention de Lucien Bouchard contre le «radicalisme» lui a enlevé sa marge de manoeuvre.

Pendant qu’on est sur le sujet de l’effet Bouchard, on a vu son impact dans le caucus péquiste: il a suscité une grande cohésion autour de la chef et une volonté de défense nouvelle du thème de la souveraineté.

Il y en a un troisième. En dramatisant comme il l’a fait la situation du Québec, à quelques semaines d’un budget, M. Bouchard a placé bien haut la barre pour le ministre des Finances Bachand et son premier ministre. Si le budget, comme c’est probable, n’accouche que de demi-mesures et refuse d’appliquer avec fougue les remèdes de cheval que demandent les lucides, M. Charest n’aura même pas l’excuse de prétexter qu’il était trop occupé à promouvoir la souveraineté pour s’attaquer aux «vrais problèmes» !

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !