Le (trop gros) chiffre: +3,5 degrés sur Terre

imeltLe 31 janvier était la date limite, fixée à Copenhague, pour que les pays déposent leurs engagements  de réduction de gaz à effet de serre.

Quelques petits pays manquent à l’appel, mais les gros pollueurs ont rendu leurs copies. On peut donc commencer à analyser le résultat… et estimer le niveau de la catastrophe.

La firme conseil hollandaise Ecofys est la première à rendre son verdict. Les engagements, si tenus, ne permettront pas de restreindre à 2 degrés l’augmentation de la température moyenne de la Terre d’ici 2100, le seuil universellement retenu (y compris par les signataires de Copenhague) comme le niveau d’alerte à partir duquel les risques d’inondations, sécheresses et misère massive augmentent rapidement. Les engagements permettraient de limiter la hausse à 3,5 degrés, soit presque le double, donc bien au-delà de la cote d’alerte. (Je précise suite aux commentaires d’internautes: il s’agit de l’augmentation de la température par rapport au niveau pré-industriel, pas d’une augmentation sur 40 ans.)

Price Waterhouse a aussi donné sa note. En bon comptable, la firme avait déjà calculé qu’avec les engagements actuels, les terriens auront émis d’ici 2036 la quantité de gaz à effet de serre qu’ils auraient du émettre d’ici 2050 pour éviter la cote d’alerte. Ils confirment leur calcul et donnent cette échelle: il faut réduire de 3,5% par an l’intensité des émissions pour arriver aux 2 degrés. Avant les engagements, la planète ne les réduisait que de 0,8%. Avec les engagements, de 2%. C’est mieux, mais pour utiliser une image que j’affectionne, c’est comme si notre radeau dérivait vers les chutes Niagara moitié moins rapidement qu’avant…

Qu’en est-il du Canada ? Energys a produit l’intéressant tableau qui suit. La ligne noire indique l’objectif à atteindre pour être en piste pour les deux degrés.  Certains pays ont deux points noirs. Le plus gros représente l’objectif officiel, certain, puis le plus petit, l’objectif plus ambitieux mais conditionnel à ce que d’autres pays fassent davantage.

Dans cette liste, le Canada semble être parmi un groupe de quatre cancres: la Croatie, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Mais la Croatie va adopter l’objectif ambitieux de l’Union Européenne lorsqu’elle se joindra à l’UE, la Nouvelle-Zélande fait un effort de réduction supérieur, mais à partir d’une situation de départ plus dramatique. C’est aussi le cas de l’Australie, qui s’engage de plus à rehausser son effort si la communauté internationale s’y engage aussi.

Climateactiontracker_Emission_reduction-proposals2010C’est encore pire lorsqu’on reporte les engagements sur l’année de référence de 1990, utilisée depuis Kyoto. Alors, on voit que le Canada se distingue davantage:

Voici un échantillon des engagements de réduction sur la base de 1990:

100 % Iles Maldives
39% Brésil
30% Norvège
25% Japon
20 % Union Européenne
10 % Nouvelle Zélande
4% États-Unis (mais la loi n’est pas adoptée)
de 4 à 24% Australie (selon ce que les autres pays feront)
+ 0,25% Canada (oui +, par rapport à 1990)

En fait, l’engagement canadien de, disons, contenir l’augmentation de ses émissions d’ici 2020 pourrait ne pas même tenir. Le Canada s’alignant sur la position américaine, il suffit que le Sénat américain, comme c’est probable, refuse de voter le projet de loi sur l’environnement pour que l’objectif américain tombe, emportant avec lui l’engagement canadien. On comprend mieux, maintenant, pourquoi Ottawa n’est pas pressé de présenter un plan de mise en œuvre de son timide engagement. Il attend l’échec du projet de loi d’Obama sur le « cap and trade », préfiguré dans la caricature qui suit du génial Tom Toles, du Washington Post.

toles

 

 

 

 

 

 

Source: Washington Post

Ce contenu a été publié dans Environnement par Jean-François Lisée, et étiqueté avec . Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !