Les jeunes indépendantistes… et les vieux socio-démocrates

212184-felix-antoine-dumais-michaud-entoureLise Payette a raison. Dans sa chronique de vendredi dernier, Taisez-vous les enfants!, elle a compris que les messagers étaient plus important encore que le message.

Ces 50 jeunes indépendantistes appelant une conférence de presse pour critiquer la stratégie souverainiste du PQ étaient… 50 jeunes indépendantistes ! Payette écrit:

Ces jeunes, dont on répète ad nauseam qu’ils ne s’intéressent pas à la politique, avaient trouvé le courage de dire publiquement ce qu’ils souhaitent plus que tout au monde : un pays souverain.

J’en ai eu les larmes aux yeux.

Ils étaient la preuve que la relève existe véritablement et qu’elle est capable d’exprimer sa pensée en toute liberté.

Lise Payette les a trouvés beaux, cohérents, capables de s’exprimer avec force et en phrases complètes. On sent dans son émoi l’amour d’une grand-mère. N’étant pas grand père, j’ai aussi vu tout ça, mais aussi l’arrogance de la certitude que confère la jeunesse.

Je l’ai vu car, à leur âge, j’étais comme eux. Enfin, non, pire ! Je ne contestait pas la direction du PQ. J’étais dans la rue, à scander « Parti québécois, parti bourgeois! ». J’avais de la compagnie, il faut dire. Le fils de Lise Payette (alors qu’elle était ministre péquiste), et Gilles Duceppe en personne. Alain Dubuc n’était pas loin.

Mais je m’égare. Elle a raison, mamie Payette. Et ce n’est pas tout. Le jour même, d’autres jeunes souverainistes ont pris le micro, aussi cohérents, aussi beaux, aussi certains, pour défendre la stratégie de leur chef. Là encore, les messagers et messagères étaient plus importants que le message.

Ce n’était ni Parizeau, ni Landry ni les autres visages connus. La chicane avait changé de génération. Et avec ce changement, venait la confirmation essentielle: comme dans le libdub des indépendantistes catalans qui se passent une torche sur l’air de « la flamme à travers le temps« , la torche de la souveraineté a définitivement trouvé une nouvelle génération de porteurs.

On les savait déjà, nombreux, dans la députation péquiste, on les voit, plus nombreux encore, se bousculer dans le débat et devant les micros. C’est effectivement, Mme Payette, une extraordinaire nouvelle.

Jeunes à droite, vieux à gauche

5125087544_7053c0e5afLe passage des générations politiques était également visible dans les images prises lors du lancement du Réseau Liberté-Québec, il y a deux semaines. Certes il y avait dans le groupe quelques têtes grises qui disent du mal de la Révolution tranquille depuis, je présume, janvier 1960.

Reste que les têtes non-grisonnantes dominaient et que ses principaux porte-parole sont clairement post-bébé-boumeurs.

Quel contraste avec la contre-salve présentée ce samedi par les porte-parole de la nouvelle Alliance Sociale, d’obédience social-démocrate, et qui a comme raison d’être de faire pièce aux nouveaux haut-parleurs de la droite.

image_dimensions.php_Je n’ai rien contre les Michel Arsenault (FTQ), Claudette Carbonneau (CSN) et Réjean Parent (CSQ), mais ils ne donnaient pas l’impression de renouveler le genre. Les représentants, à leurs côtés, des deux fédérations étudiantes peinaient à abaisser la moyenne d’âge du groupe.

Le tour de force de Liberté-Québec et de ses relais radiophoniques est d’exprimer avec des visages et un langage jeune l’idéologie naguère portée par Margaret Thatcher, Ronald Reagan et Milton Friedman (et Mike Harris). Un peu comme Oldsmobile qui a voulu relancer ses ventes avec le slogan « Ceci n’est pas l’Oldsmobile de papa », la nouvelle droite n’a de nouveau que les têtes, pas les idées.

Si les chefs syndicaux souhaitent passer la torche du combat social-démocrate à une nouvelle génération, ils doivent avoir l’intelligence de faire place à la génération qui monte dans leurs rangs. Elle est là, je l’ai rencontrée.

Je fus invité l’an dernier à donner une conférence devant les jeunes syndicalistes de la FTQ. Nombreux, articulés, épatants, beaux et belles. C’est eux et elles qu’il faut mettre en devant de scène. Et ceux des autres centrales. Et ceux des groupes sociaux. Et des mouvements étudiants.

Si l’Alliance sociale doit avoir un avenir, il faut en remettre les rennes à ceux qui en représentent l’avenir et laisser surgir d’entre eux de nouveaux leaders. Mieux, qu’ils prennent eux-mêmes exemple sur les 50 jeunes indépendantistes de la semaine dernière et qu’ils occupent le terrain, bousculant les mononcles et les matantes au passage.

À gauche comme à droite et chez les souverainistes, les jeunes messagers ont plus d’importance, pour l’heure, que le message.

Ce contenu a été publié dans Parti Québécois par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !