Lire: Le ministre péquiste de la langue, celui de la démocratie, celui des autochtones

Cette semaine, mon opinion sur des ouvrages portant sur trois ministres clés de l’histoire péquiste, Camille Laurin et Robert Burns pour la période Lévesque, Guy Chevrette pour la période Parizeau-Bouchard.

Une recommandation ferme

9782764602614Je dois dire que je n’ai lu que l’an dernier l’excellent ouvrage consacré en 2003 au père de la loi 101, Camille Laurin, par Jean-Claude Picard.

L’homme debout est une biographie forte et sincère sur le parcours public et privé d’un homme de grand talent. Toute la première partie nous fait découvrir sa considérable contribution à la modernisation de la psychiatrie québécoise — sa sortie du Moyen-Âge.

Ensuite, son rapport compliqué avec René Lévesque et son combat d’une ambition imprévue pour la langue, puis pour la politique culturelle et la réforme de l’éducation, montrent que Laurin disposait d’une carrure et d’une envergure considérables.

Ses drames personnels ne font qu’ajouter à l’attachement qu’on lui porte, lorsqu’on referme la dernière page.

Je mets ce livre dans ma catégorie NPLCLALUTDMC. (Ne pas lire ce livre aurait laissé un trou dans ma culture.)

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Esprit de Robert Burns, es-tu là ?

9782895833215Y a-t-il un bon livre à écrire sur Robert Burns, le syndicaliste devenu leader parlementaire de la petite équipe de députés du PQ à l’Assemblée nationale en 1970, puis ministre responsable de la révolution démocratique imprimée par le gouvernement Lévesque en 1976 ?

On ne le saura pas tout de suite. Le livre produit par son ex-sous-ministre et infatigable défenseur de la réforme électorale André Larocque n’est pas inintéressant, mais il nous en dit bien peu sur le parcours de Burns, sauf pour nous détailler l’audace et l’excellence de ses réformes démocratiques, puis se désoler qu’il n’ait pu compléter son oeuvre. (Des raisons de santé l’ont forcé de quitter la politique en 1979, il fut ensuite juge du Tribunal du Travail. Il nous a quitté en 2014.)

Le retour du débat sur la réforme du mode de scrutin rend cependant cet ouvrage utile aux discussions qui s’engage à nouveau. Suivre l’esprit de Robert Burns sur ce chemin ne serait pas un mauvais choix.

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Le vrai, et sous-estimé, legs de Guy Chevrette

9782761932219Guy Chevrette a choisi de raconter à sa muse Shirley Bishop son histoire politique à travers le prisme de son pire moment: la façon dont il a été évincé du Conseil des ministres par Bernard Landry en janvier 2002. Les détails de cette déconvenue forment la trame du livre, dans lequel toute sa vie politique est relayée par autant de flash-backs.

C’est bien pour le lecteur, intéressé par les dessous de cette affaire, et cela charpente le récit.
C’est moins bien pour Guy Chevrette, dont la contribution considérable est marginalisée par ce choix éditorial.

J’ai connu et apprécié Guy lorsque j’étais conseiller de MM Parizeau et Bouchard. Il a fait, à mon avis, deux contributions majeures à la vie québécoise (en plus du rôle clé qu’il avait joué à la Commission Cliche sur la corruption dans l’industrie de la construction):

1. En créant les Centres locaux de développement, il a donné aux acteurs locaux un pouvoir réel sur le développement local. (Le PLQ de Couillard a démantelé cet outil original et fructueux).

2. Il est devenu ministre responsable des autochtones en septembre 1994, alors que les relations étaient au plus mal avec les Cris, les Mohawks et plusieurs autres. Il a réussi à établir un réel dialogue avec les nations, sorti les avocats de la pièce pour y faire entrer le pragmatisme et la volonté de progrès. Ses efforts ont ouvert une ère nouvelle dans les rapports avec ces nations, menant à la Paix des Braves. On lui doit une fière chandelle.

Le livre qu’il nous laisse ne le souligne pas suffisamment.

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À votre tour !

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Pour les précédentes recensions, c’est ici.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !

4 avis sur « Lire: Le ministre péquiste de la langue, celui de la démocratie, celui des autochtones »

  1. J’ai eu le plaisir d’entendre M. André Larocque à Rivière-du Loup un soir de manif à Cacouna et non de scotch. Il avait une liste de 10 questions auxquelles il était difficile de répondre non.

    Pour entendre Un soir de scotch avec Luce Dufault

    Pour lire sur un projet radical, 2011,

    http://www.ledevoir.com/politique/quebec/335307/un-projet-radical-le-pouvoir-aux-citoyens

    Et pourquoi pas une découverte, Noir Silence, 2007, On jase de toi

    https://www.youtube.com/watch?v=bNo-IzS03gU

  2. Vous m’avez donné le goût de relire Jacques Parizeau, la souveraineté du Québec : Hier, aujourd’hui et demain, page 152 et suivante, Quel régime choisir ?

    « Les années ont passées. Je pense que les Québécois qui s’intéressent à ces choses sont plus portés à corriger le système dans lequel ils vivent que le changer. Et quand à moi, je pense depuis toujours qu’un régime imparfait qu’on connaît bien et qu’ont peut amender vaut mieux que la recherche d’une perfection que l’on prend des années à apprivoiser. Les Français ont montré, à cet égard, une remarquable versatilité. Depuis 1791, ils ont réussi à passer à travers cinq républiques, deux empires et deux monarchies. Cela leur donne une capacité d’adaptation que nous ne pourrons jamais imiter. Aussi bien rester avec ce que l’on connait. »

    Il a écrit cela après s’être demandé quel régime choisir entre le régime britannique, la présidence à l’américaine et la présidence à la française. Il ne parle pas d’autres modèles que nous connaissons moins bien que Me Guy Bertrand.

    http://www.republiquefederaleduquebec.com

    Il était ouvert au remplacement de la reine par un président et à l’introduction d’au moins une part de proportionnelle dans l’élection des députés.

    – Vicieux et vicié ?

    – Peut-être. Demeuré ?

  3. Robert Burns était rempli de bonnes intentions mais, comme plusieurs, il partait d’une fausse prémisse: le parlementarisme à la britannique est réformable.
    Notre parlementarisme est une charrette à boeuf. Et certains voudraient l’améliorer en remplaçant ses roues par des ailes. D’autres proposent plutôt de remplacer le boeuf par une vache. Et d’autres encore de remplacer les roues par des skis.
    C’est la charrette qui est dépassée.
    Nous avons un système de gouvernement qui invite à la corruption et à la collusion.
    Dans un système démocratique, il est impératif qu’il y ait une nette séparation des pouvoirs: le judiciaire, le législatif et l’exécutif.
    Chez nous, les trois pouvoirs sont entre les mains d’une seule personne: le premier ministre. Il contrôle de façon absolue les députés (le législatif); il nomme et dégomme les ministres(l’exécutif); il nomme les juges (le judiciaire). De plus, il nomme tous les hauts fonctionnaires et institue les commissions (enquête, administration, finance).
    Pendant tout son mandat il fait absolument tout ce qu’il veut, de la façon qu’il le veut. Un véritable dictateur. Il pourrait décider de jouer tout l’argent de la Caisse au casino et personne ne serait en mesure de l’arrêter. Et, à la fin de son mandat, il n’est imputable de rien.
    Même le président des USA a moins de pouvoir que notre premier ministre.
    C’est un système vicié et vicieux. Et changer le mode de scrutin ou changer le mode de financement ou mettre un député à la porte ne changeront en rien ce système.

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