À la défense (des droits) de Tony Tomassi

168693-tony-tomassi-demissionner-poste-ministre-150x150Le député de Mercier, Amir Khadir, est formel. Les accusations criminelles portées contre l’ex-ministre libéral Tony Tomassi devraient entraîner sa démission immédiate car, dit le cochef de Québec Solidaire, Tomassi est « au banc des accusés ».

Il est rare qu’Amir Khadir me fasse penser à Nicolas Sarkozy. Mais cette fois, oui. Il y a un an, le président français déclarait ce qui suit à propos de son ennemi politique Dominique de Villepin, lui aussi au banc des accusés:

«Au bout de deux ans d’enquête, deux juges indépendants ont estimé que les coupables devaient être traduits devant un tribunal correctionnel.»

Or Villepin n’était nullement « coupable », il était ce qu’on appellerait ici un « accusé » et ce que la France, plus sensible à la présomption d’innocence, appelle un « prévenu ». Villepin a d’ailleurs été lavé de tout soupçon.

Quel rapport avec Tomassi ? C’est précisément que, pour l’instant, Tomassi n’est coupable de rien.  Le député Khadir affirmait hier au Soleil qu’il allait déclencher le processus de destitution du député si ce dernier refusait de démissionner illico, donc avant d’avoir reconnu sa culpabilité ou d’être trouvé coupable.

L’attitude d’Amir Khadir est troublante, venant d’un législateur, donc d’un gardien de nos libertés. Surtout d’un législateur de gauche.

Certes, la chose se complique un peu du fait que le Premier ministre a affirmé, le 6 mai 2010 que « M. Tomassi a confirmé qu’il a utilisé cette carte [de crédit] pendant une certaine période de temps, aux frais de l’entreprise BCIA. »

« Il n’a jamais nié », affirme Amir, qui se transforme en procureur. Oui, mais il n’a pas admis non plus. Nous n’avons pour l’instant que la parole de Jean Charest qui, d’habitude, n’est pas suffisante pour emporter la conviction du député. C’est du oui-dire.

Pas mon politicien favori

Tony Tomassi n’est pas mon politicien favori. Mais la présomption d’innocence est un de mes principes favoris. Tomassi exerce ses droits de citoyen. Jusqu’à hier, il n’était encore accusé de rien. Le 14 novembre, devant un juge, il plaidera coupable ou non coupable.

S’il plaide coupable alors, oui, il devra démissionner. Et s’il ne le fait pas, l’Assemblée nationale pourra le destituer car il aura admis s’être placé « dans une situation de conflit d’intérêts ».

S’il plaide non-coupable, il appartiendra au pouvoir public de faire, devant le juge ou devant un jury, la preuve hors de tout doute raisonnable qu’il a commis un crime. Il y a des raisons pour lesquelles notre droit ne prend pas à la légère la décision de retirer à un citoyen sa liberté… et son gagne pain. C’est son bien le plus cher.

Selon Amir Khadir, puisqu’il est accusé, Tony Tomassi est nécessairement coupable. Donc doit nécessairement démissionner. Sa culpabilité est-elle vraisemblable ? Certes. Est-elle démontrée ? Non. As-t-on seulement sa version des faits ? Pas encore.

Il a perdu son poste de ministre et fut expulsé du caucus libéral. La décision de l’inclure ou de l’exclure n’appartenait qu’au Premier ministre. C’est le fait du Prince. L’inclusion dans un conseil des ministres n’est pas un droit. Dans notre système, il appartient au Premier ministre de poser un jugement sur le caractère irréprochable de ses ministres — comme d’ailleurs sur leur compétence.

Mais demander, comme le fait Amir Khadir, à un député de démissionner alors qu’aucun juge ne s’est encore prononcé sur une accusation qui vient d’être portée serait, ni plus ni moins, qu’un déni de justice.

Et on n’est réellement attachés aux droits et libertés que lorsqu’on les défend à propos de personnes qui nous paraissent détestables.

Ce contenu a été publié dans Corruption/Intégrité, Parti libéral du Québec, Québec Solidaire par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !