Ce matin, la Protectrice du citoyen fait entendre la voix de la raison en réclamant, comme on le fait au Parti québécois, l’interdiction des frais accessoires de santé, imposés à des patients incrédules par certains (une minorité) de médecins spécialistes.
Pour l’instant, la décision de médecins de facturer quelques dizaines ou quelques centaines de dollars à des patients pour des services qui sont gratuits à l’hôpital (mais la plupart du temps qui demandent beaucoup d’attente) est réduite à un millier de médecins. La facture globale est estimée à au moins 50 millions de dollars par an.
En légalisant et normalisant la pratique, le gouvernement libéral donnerait le signal aux 19 000 autres médecins qu’ils ont eu tort de ne pas facturer leurs patients et qu’ils peuvent désormais ouvrir ce robinet, supplémentaire, de revenu. Alors que le rémunération des médecins a monté en flèche ces dernières années, notamment grâce aux efforts du Dr Barrette, alors président des spécialistes.
Voici ce qu’écrit la Protectrice du citoyen ce matin:
Pour le Protecteur du citoyen, une facturation directe aux usagers des frais accessoires aux services assurés compromet les principes d’universalité et d’accessibilité à la base du régime public. On introduirait ici, en effet, des barrières financières qui limiteraient l’accès aux services assurés médicalement requis.
Affectant l’ensemble de la population, ces contraintes pénaliseraient davantage certains segments de la population.
Il importe ici de nommer des groupes de personnes qui seraient parmi les plus touchés par les changements envisagés, soit des personnes :
– à revenu moyen, en particulier celles qui n’ont pas d’assurance privée;
– sans emploi;
– au travail, mais à faible revenu;
– en difficulté ou en perte d’autonomie;
– aux prises avec une maladie chronique;
– victimes d’abus et d’agressions graves;
– aux prises avec un problème de santé mentale;
– avec un handicap physique, intellectuel ou un trouble du spectre de l’autisme;
– avec une dépendance (alcool, drogues, jeux);
– itinérantes.En matière de protection des droits fondamentaux des usagers, le Protecteur du citoyen est d’avis que réglementer l’imposition de frais accessoires aux services assurés médicalement requis [note: la position du gouvernement libéral] entraînerait des difficultés d’accès, que rencontreraient alors les personnes vulnérables.
Cette situation, conséquente de l’imposition de frais accessoires, ne respecterait pas le droit à la sécurité des Québécois, en plus d’ignorer deux principes qui sont l’essence même du régime public, l’universalité et l’accessibilité.
La Cour Suprême l’a confirmé, être privé de l’accès aux services médicalement requis viole le droit à la vie et le droit à l’intégrité, tous les deux protégés par l’article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne.[…]
L’esprit et l’objectif de la législation en la matière sont de promouvoir, pour tous les Québécois, l’accès à des soins de santé de la meilleure qualité possible, sans égard à leur capacité de payer.
L’imposition de frais accessoires aux services assurés, donc médicalement requis, entraîne la réalité suivante : les personnes qui bénéficient d’une assurance privée ou de revenus élevés peuvent s’offrir des services sans se soucier outre mesure des coûts. Plusieurs parmi les autres ne pourront s’offrir ces services ou, pire, y renonceront au détriment de leur état de santé. L’impact délétère sur la santé des frais imposés aux points de services est solidement démontré, au Québec comme ailleurs.
C’est pourquoi cette formule de financement, qui s’est développée au cours des dernières décennies, ne fait pas preuve d’équité entre les individus.Cette façon de faire risque de contribuer à l’émergence d’un système à deux vitesses : une voie rapide en clinique pour ceux qui ont les moyens de payer et une voie lente menant à l’hôpital pour les autres.
En commission parlementaire ces derniers jours, le PQ a tenté de faire voter un amendement au projet de loi 20 qui aurait, justement, interdit les frais accessoires. Les libéraux ont voté contre et, inexplicablement, la CAQ s’est abstenue (prétextant qu’elle souhaitait plus de débats sur la question).
Voici une intervention où j’explique pourquoi les frais sont une nouvelle taxe santé:
Et voici un échange question-réponse assez serré entre le ministre et moi sur la question:
On peut lire le rapport complet de la Protectrice du citoyen sur son site, ici.
M. Lisée,
Votre patience inouïe m’impressionne au plus haut point. Malheureusement, malgré l’opposition des trois autres partis d’opposition, de la protectrice du citoyen et de bien d’autres groupes, le sujet ne semble pas « lever » dans le public en général.
Peut-être les syndiqués du secteur de la santé auraient-ils intérêt à également défendre la population en général en s’opposant à ce projet de loi tout en revendiquant de meilleures conditions de travail… Ceci assurerait une couverture beaucoup plus grande de cet important débat de société tout en augmentant le capital de sympathie des syndicats dans la population. Du « win-win » comme le disait Mulcair!